En quoi votre ouvrage est-il un outil pratique pour les enseignants ?
J’ai conçu cet ouvrage comme un guide pratique, accessible et ancré dans la réalité des enseignants. Mon objectif est double : proposer des pistes concrètes pour intégrer l’IA générative dans les pratiques professionnelles des enseignants et replacer cette technologie dans une réflexion pédagogique plus large.
Loin d’être une solution miracle, l’IA est un outil dont l’efficacité dépend du regard critique et des choix pédagogiques que nous faisons. Je propose donc des exemples précis d’usages – différenciation pédagogique, création d’activités interactives, évaluation – tout en expliquant les enjeux éthiques et méthodologiques qui y sont liés.
Pourquoi dites-vous que l’enseignant doit repenser les notions de plagiat et de triche ?
L’arrivée des IA génératives a bousculé nos repères en matière d’évaluation et de production scolaire. Aujourd’hui, beaucoup d’élèves utilisent ces outils pour effectuer leur travail à la maison, et certains établissements investissent dans des détecteurs censés repérer les textes générés par IA. Pourtant, croire qu’un détecteur infaillible pourra régler la question est une illusion : les IA évoluent trop vite, et les outils de détection restent imparfaits.
Je pense qu’il est plus judicieux de revoir notre approche. Plutôt que d’entrer dans un rapport de surveillance permanent, nous devons nous interroger sur le sens réel de ce que nous appelons « triche ». Est-il en effet encore pertinent de demander à un élève de produire un texte que l’IA peut rédiger en quelques secondes ? Si nous voulons éviter que l’IA remplace certaines compétences essentielles, nous devons proposer des tâches engageantes, qui sollicitent la réflexion, la créativité et la collaboration.
L’IA met par ailleurs en lumière des questions qui se posent en réalité depuis plusieurs décennies, notamment sur les inégalités socio-scolaires liées au travail hors classe, nous incitant enfin à évoluer et à envisager de nouvelles formes d’activités d’apprentissage qui s’inscrivent dans le nouveau contexte technologique et culturel qui est désormais le nôtre.
Un enseignant a-t-il besoin d’un assistant comme l’IA ?
Un enseignant peut très bien travailler sans IA, et je respecte totalement ceux qui choisissent de ne pas l’utiliser, que ce soit par conviction ou par manque de formation. Mon objectif n’est pas de pousser à tout prix à son adoption, mais de montrer les opportunités qu’elle offre à ceux qui souhaitent l’explorer.
L’IA peut être un véritable levier pour la différenciation pédagogique, notamment pour proposer des supports adaptés aux besoins de chaque élève, générer des quiz interactifs ou aider à l’évaluation formative. Elle ne remplace en rien l’enseignant, mais elle peut faciliter certaines tâches chronophages et nous permettre de nous concentrer sur l’essentiel : l’accompagnement des élèves.
Encore faut-il que son usage soit réfléchi et encadré, et qu’on investisse davantage sur la formation et le temps de concertation entre enseignants.
Jeu du Qui est-ce, quiz, histoire dont on est le héros, escape game, votre ouvrage ne manque pas d’exemples de séances détaillées. Pour vous, quel est votre « meilleur usage » de l’IA avec vos classes ?
En utilisant l’IA de manière transparente en classe, nous pouvons lever ces tensions et replacer ces outils dans une dynamique d’apprentissage. Mon objectif est de former mes élèves à une culture de l’IA, pour qu’ils en comprennent les forces, les limites et les enjeux. Ils doivent apprendre à l’utiliser intelligemment, et non à en devenir dépendants.
Comment peut-on débattre avec une IA ?
Il s’agit de l’un des multiples usages possibles de ces outils à explorer avec les élèves en classe et développés dans la deuxième partie de l’ouvrage.
L’IA peut être un formidable outil pour entraîner les élèves à argumenter. Aujourd’hui, les débats sont souvent dominés par l’émotion et le « clash », au détriment d’une argumentation construite. Or, apprendre à débattre est essentiel pour développer l’esprit critique.
En simulant des débats et en proposant des points de vue variés, l’IA permet aux élèves d’affiner leurs arguments et de pousser leur réflexion dans ses retranchements. Ces technologies créent un environnement d’apprentissage interactif, personnalisé et bienveillant, favorisant une maîtrise plus profonde de l’art du débat, avant de passer à la mise en œuvre en classe avec d’autres élèves et sans médiation technologique.
Propos recueillis par Julien Cabioch
J’enseigne avec l’IA !
Guide pratique de l’IA au service de l’enseignant et de l’élève de Mickaël Bertrand
1e édition – février 2025 – 192 pages – ISBN 978-2-311-22110- Editions Vuibert
