Définir l’adultisme
L’adultisme « désigne le rapport de pouvoir qui s’exerce de la part des adultes envers les enfants et les adolescent·es ». Il repose sur la conviction que les « grandes personnes », en raison de leur âge, pensent plus juste que les jeunes personnes : elles savent donc ce qui est bon pour elles, et sont légitimes à choisir à leur place ce qu’il faut penser et faire, dire ou ne pas dire. Cette domination adulte se manifeste de multiples façons, dans la sphère sociale, familiale, scolaire. Et tout particulièrement dans le discrédit qui accompagne la parole des jeunes, surtout lorsqu’en matière de genre et de sexualité, elle sort de la norme. Ne sont-iels, pourtant, pas « les mieux placé·es pour savoir qui iels sont, et ce qu’iels désirent ? », nous demande l’autrice tout au long de ce livre, qui nous invite à « apprendre à mieux les écouter ».
Interroger les privilèges des adultes
A partir de ce prisme, commençons par nous « donner les moyens de porter un regard critique sur nos représentations de l’enfance, de la jeunesse », représentations qui dénient bien souvent aux jeunes des « droits fondamentaux » comme « le droit de s’exprimer », leur parole étant démonétisée, ou le « droit à l’intégrité corporelle », leur corps n’étant pas considéré comme leur seule propriété. L’autrice en prend pour exemples les marques d’affection, baisers, câlins … qu’on leur impose, sans souci de leur consentement ; mais aussi les violences éducatives ordinaires, dont la fessée, interdite en France seulement depuis 2019 (quarante ans après la Suède). Car « réfléchir à l’adultisme », c’est aussi, en interrogeant les privilèges qui autorisent les adultes à traiter les jeunes comme « socialement inférieurs », prendre conscience des possibles conséquences de ces rapports de pouvoir…
Domination adulte et culture de la violence
En effet, au bout de la chaine de cette domination adulte qui s’exerce notamment sur les corps des enfants, se trouve « l’asservissement » à un ordre familial et social. Et tout au bout de cet asservissement, peuvent se trouver les violences physiques, les violences sexuelles, et l’inceste, « manifestation condamnée de l’adultisme », mais « rendu possible par la culture de l’adultisme ». Rappelons qu’au sein même du « lieu censé protéger les enfants vulnérables », la sphère familiale, « un homme sur huit et une femme sur cinq ont vécu des violences quand iels étaient mineur·es ». Or, écrit Gabrielle Richard, « dans un contexte social où ce sont les adultes qui détiennent des privilèges d’un point de vue légal, social, politique et économique », même si « les enfants possèdent en théorie des droits (…) qui va les faire appliquer, si ce sont ces mêmes personnes qui agressent, celles contre lesquelles on doit porter plainte ? »
La lecture de l’ouvrage de Gabrielle Richard, nous rappelle que « protéger nos enfants » c’est d’abord « apprendre à mieux les écouter ». Les récentes révélations concernant l’institution Notre-Dame de Betharram, ne peuvent que lui donner raison. Plus que jamais il y a urgence à questionner les mécanismes de domination systémiques à l’œuvre dans nos représentations de l’enfance, à « refuser l’idée que les personnes sachantes sont uniquement les adultes », pour que le pouvoir ne l’emporte pas sur la protection, pour que protéger les enfants n’aboutisse pas à les mettre en danger.
Claire Berest
Protéger nos enfants, Gabrielle Richard. Binge Audio Editions.
« Combattre enfin l’homophobie scolaire ». A retrouver sur le site du Café pédagogique.
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