Près des trois quarts des élèves ont bénéficié durant l’année scolaire 2023-24 d’une action d’EAC financée par la part collective du Pass culture auprès d’une des 12 582 structures référencées, selon la Cour des Comptes. Dans son rapport « L’éducation artistique et culturelle au bénéfice des élèves de l’enseignement scolaire » de 158 pages, publié jeudi 13 février 2025, la Cour des comptes fait un état des lieux sur l’EAC dans lequel il est évidemment question de la part collective du pass Culture. Elle pointe également l’offre pléthorique mais peu encadrée du Pass culture tout comme des prévisions de crédits alloués dans le PLF plus de deux fois inférieures à la somme annoncée dans le décret.
Pass Culture : l’outil privilégié d’une politique publique pour l’EAC
Le rapport souligne les efforts pour développer l’EAC. La plateforme Adage et la part collective du pass Culture mis en place en 2021 à raison de 25 euros par collégien, 30 euros par élève de Seconde ou CAP et 20 euros par lycéen a permis de financer les projets d’EAC dans les établissements du Second degré.
L’application Adage montre une tendance à la hausse, en 2023-24, ce sont 57% des élèves qui ont bénéficié du Pass culture contre 42% l’année précédente. Il y a des disparités, le Premier degré se saisit moins du dispositif, pour les élèves du Second degré, le taux est de 72 %.
Tous les élèves ne bénéficient pas donc du pass Culture. « Alors que l’objectif stratégique vise la réduction des inégalités, artistique et culturelle par rapport à ceux qui sont issus de milieux plus aisés » écrit la Cour des comptes culturelles, les élèves les moins favorisés en bénéficient moins comme le montre l’écart de 15 points entre la voie professionnelle et générale. Au regard, des presque trois-quarts des élèves du second degré qui en bénéficient, le jugement de la Cour des comptes est sévère.
Des crédits alloués à la part collective du Pass culture sous-estimés de 58%
Le rapport souligne l’insuffisance de la prévision du ministère en termes de budget. Le passage suivant explique la sous-allocation :
« Les crédits alloués à la part collective du pass Culture en loi de finances initiale souffrent originellement d’un défaut de prévision, avec une sous-estimation du budget nécessaire de l’ordre de 58 % pour l’année scolaire de 2023-24. En appliquant les dispositions du décret relatives aux dotations par élève au titre de la part collective du pass Culture, le montant théorique à allouer pour l’année scolaire 2023-2024 s’élève à 138 M€77. Or les crédits inscrits en loi de finances initiale 2023 sont de 51 M€ (proratisables pour les quatre mois d’année scolaire 2023-2024 à 20 M€) et en loi de finances 2024 de 62 M€ (proratisables pour six mois à 37 M€), soit un montant pour l’année scolaire 2023-2024 estimable à 57 M€. Le ministère de l’éducation indique que ce montant « résulte d’arbitrages, basés sur une logique de taux d’activation prévoyant une adhésion progressive au dispositif »
Même avec une utilisation de moitié de l’enveloppe par les établissements, la prévision du ministère reste insuffisante et inférieure à l’utilisation des établissements. Dans la PLF2024, le montant par élève est de 13 euros et 15 euros au lycée (au lieu de 25 relève le rapport. Les crédits alloués sont donc inférieurs aux montants prévus par décret.
« De fait, le ministère anticipe une dépense de 80,2 M€ à la fin 2024 et propose pour l’exercice 2025 une prévision de dépense à 72 M€ » selon le rapport de la cour des comptes. Il pointe une prévision vue à la baisse en contradiction avec la tendance qui va à l’augmentation. Depuis 2021, la part du pass Culture augmente, passant de 0,9 millions, puis 14,09 millions en 2022 et 51 millions en 2023 et « 62 millions en loi de finances initiales pour 2024 et 97 millions en réalisé à la fin 2024 ». Il relève que « déjà 50 millions engagés à la fin janvier 2025 sur les 72 millions budgétés en loi de finances initiales 2025 ».
Le rapport note que la totalité de l’enveloppe offerte n’a pas été consommée en 2023-2014 mais 64% .
Une offre pléthorique et un « cadrage minimaliste et juridiquement fragile »
La Cour des comptes souligne le succès quantitatif de l’offre culturelle et … l’absence de contrôle.12 582 structures sont référencées pour le Pass culture, avec « un cadrage minimaliste et juridiquement fragiles » pour la Cour des comptes alors qu’ils bénéficient d’argent public et une offre destinée à un » public scolaire captif » : « l’enquête a enfin montré que la création de la part collective du Pass Culture a donné lieu au développement d’une offre pléthorique, répondant à une logique de guichet ; certains acteurs se sont d’ailleurs créés à cette occasion. »
Le rapport relève la diversité des actions qui relèvent de l’EAC et l’absence d’informations sur le contenu lors de l’enquête (visite musée, théâtre ou pratique artistique) car l’outil Adage ne permet pas d’analyse.
La Cour des comptes préconise de resserrer l’offre pléthorique des dispositifs offerts dans le cadre scolaire. Elle recommande de sécuriser la procédure de référencement de la part collective du pass Culture avec une procédure régulière d’évaluation.
Pour les rapporteurs, « un système dans lequel on référence plus de 12 000 acteurs sans pouvoir offrir une éducation artistique et culturelle à tous les élèves est non seulement incontrôlable mais inefficace, et ne se justifie pas. L’éducation artistique et culturelle ne peut pas avoir pour fonction d’assurer l’équilibre économique voire la survie d’une myriade d’acteurs culturels qui trouveraient un débouché dans l’animation culturelle pour les scolaires. Le soutien aux artistes relève d’une autre politique, même s’il est tout à fait légitime et souhaitable que l’éducation artistique et culturelle s’insère dans leur parcours, par exemple avec la formule des artistes en résidence, qui comporte des procédures de sélection, et dont la qualité est généralement reconnue. »
Djéhanne Gani
