Frédéric Grimaud relate des entretiens de professeur.es des écoles, qui parlent de leur métier, de l’organisation de leur travail, et de tous les choix auxquels le quotidien de la classe les confronte. Chaque semaine, retrouvez deux d’entre eux et d’entre elles qui expriment un point de vue différent sur la manière de faire leur métier, qui n’utilisent pas les mêmes outils pour réaliser leur tâche, qui ne font pas les mêmes gestes professionnels.
En lisant ces lignes chaque mercredi, demandez-vous comment vous vous y prenez, vous, et pourquoi ?
Marlène commente son activité d’AESH dans une ULIS, spécifiquement le moment où elle fait passer des élèves aux toilettes pour leur laver les mains. Elle parle alors d’un des élèves de sa classe, Amir : « Le matin il fait de la peinture et quand il a fini, je dois aller lui laver les mains. Il n’est pas capable de le faire seul, il a des troubles autistiques sévères quand même. Il n’arrive pas trop à tenir en place. Alors moi je le place devant le lavabo, je me mets derrière lui et je le coince avec mon corps. Je prends ses deux mains dans les miennes, je mets du savon et je frotte. Je nettoie vraiment tout parce que lui c’est toute la journée qu’il se salit. Il met les mains dans la terre, dans la cuvette des toilettes … dès qu’il pleut tu peux être sûre qu’il va foncer dans une flaque et mettre ses mains dedans. Donc ce moment-là de lavage des mains de Amir, c’est 10 fois par jour au moins. Alors j’essaye d’aller assez vite. L’an dernier on avait des lingettes mais franchement c’est abusé. On gaspille 2 ou 3 lingettes à chaque fois ça va vite. Et ça coûte et c’est pas très écolo. Là je ne prends pas longtemps en vrai, on va aux toilettes, je le coince, je prends ses mains et je frotte. Et je sèche aussi. La maîtresse apprécie car c’est un élève qui enchaîne les activités donc il faut pas non plus qu’on reste 3 heures aux toilettes.»
Aïcha aussi est AESH en ULIS TSA, et ses élèves ont besoin régulièrement d’aller se laver les mains. Pour autant elle ne procède pas de la même manière que Marlène et ne semble pas guidée par les mêmes préoccupations : « On a plusieurs élèves comme ça aussi et le lavage des mains ou le passage aux toilettes prend beaucoup de temps. D’ailleurs on aurait aimé avoir un lavabo dans la classe, comme en maternelle. Mais comme on n’a pas, les AESH on est souvent aux toilettes, effectivement surtout après la récré ou la peinture.
Par contre, moi c’est un moment très important aussi pour apprendre l’autonomie. Quand je passe au lavabo avec un enfant, je me mets à côté et je mets le savon sur mes mains à moi. Je lui en mets aussi, mais après je lave mes mains et je l’encourage à faire pareil. Je verbalise tout ça, je prends bien le temps et je le félicite quand il y arrive. La maîtresse encourage ça, elle sait qu’on reste longtemps aux toilettes mais qu’on travaille l’autonomie. Alors je frotte mes mains et je lui dis de frotter les siennes. Moi je montre l’exemple en fait. La plupart savent pas faire et c’est sûr que le lavage est pas au top, mais au moins c’est eux qui ont fait. Nous on préfère un lavage moins bien fait et y passer du temps que le faire à leur place. On l’explique aux parents donc ça pose pas de soucis si on les rend un peu sales… les parents ils savent bien.»
Petite analyse : Marlène et Aïcha semblent en désaccord sur la priorité à donner entre deux préoccupations : faire en sorte que la tâche du lavage des mains soit rapidement et proprement exécutée, ou bien prendre le temps d’apprendre à l’élève l’autonomie dans le lavage des mains. Ces deux préoccupations ne sont en réalité pas spécifiques à l’AESH mais liées aux contextes de travail, aux exigences des parents ou de la coordinatrice de l’ULIS, aux habitudes de l’école, à l’élève pris en charge … Ce sont donc des préoccupations qui parfois se heurtent aux valeurs portées par les AESH et leur métier.
Et vous, que priorisez-vous lors du lavage des mains, ou plus largement du passage aux toilettes, de vos élèves en cours d’acquisition de l’autonomie ? Le résultat ou l’apprentissage ?