L’accès aux établissements secondaires est gratuit depuis 80 ans. Si l’accès aux établissements primaires avait été rendu gratuit en 1881, il a en effet fallu attendre le 28 janvier 1945 pour que ce soit définitivement le cas dans le Secondaire, rappelle l’historien Claude Lelièvre dans cette chronique.
La gratuité a été rétablie il y a tout juste 80 ans à la Libération par la promulgation le 28 janvier 1945 d’une décision du gouvernement provisoire, après avoir été généralisée dans les classes de l’enseignement secondaire par la loi du 31 mai 1933 et supprimée sous le régime de l’État français dirigé par Philippe Pétain. « Vu l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, « est expressément constatée la nullité de l’acte de l’autorité de fait se disant Gouvernement de l’Etat français relatif aux rétributions scolaires dans les établissements publics de l’enseignement secondaire’’». La « rétribution scolaire » était un concours financier exigé des parents d’élèves pour contribuer à financer le salaire des enseignants.
L’accès à l’enseignement secondaire public n’avait pas été rendu gratuit sous l’action de Jules Ferry, mais seulement l’accès aux établissements primaires publics (aux « écoles communales ») par la loi « Ferry » dite de « gratuité » du 16 juin 1881.
En effet, Jules Ferry s’était au contraire explicitement prononcé contre l’extension de la gratuité aux établissements secondaires publics (qui comptaient pourtant non seulement des classes du secondaire proprement dit, de la sixième à la terminale, mais aussi des classes élémentaires payantes de la onzième à la septième). « Quand on en arrive à l’enseignement secondaire, il n’y a plus la même nécessité et la prétention ne serait plus admissible si on disait : ‘Tout le monde a droit à l’enseignement secondaire ». Non ; ceux-là seuls y ont droit qui sont capables de le recevoir, et qui, en le recevant, peuvent rendre service à la société […]. Eh bien, nous dirons cela aux utopistes de l’avenir, aux esprits absolus qu’on nous annonce, et je crois que devant le bon sens public nous aurons raison. »
De fait, c’est seulement la loi de finance du 27 décembre 1927 qui instaure la gratuité dans les classes de la sixième à la troisième ayant une « école primaire supérieure » annexée. Elle est étendue aux autres classes de ces établissements l’année suivante, avant d’être généralisée à tous les établissements secondaires publics : classe de sixième en 1930, de cinquième en 1931, de quatrième en 1932, puis à toutes les classes secondaires en 1933 (à l’exception notable des classes élémentaires qui demeurent payantes).
Les arrêtés du 1er décembre 1933 et du 13 février 1934 mettent en place un examen d’entrée en sixième parce qu’il s’agit théoriquement de remplacer la sélection par l’argent par la sélection sur critères scolaires.
Après l’évocation de l’intermède « pétainiste » ayant rétabli la « rétribution scolaire » supprimée à nouveau à la Libération, on peut évoquer les propos de Marine Le Pen tenus le 8 décembre 2016 dans le quotidien « Ouest France » : « Demander une participation aux étrangers pour la scolarisation de leurs enfants en France est une mesure qui ne me choque pas ».
Claude Lelièvre