« Vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse » a déclaré le Premier ministre à l’Assemblée nationale sans pour autant apporter de solution ou remettre en question les choix politiques depuis 2017. Mardi 14 janvier 2025, le Premier ministre François Bayrou a prononcé son discours de politique générale près de trois semaines après la nomination de son gouvernement. Aucune annonce n’a été faite sur le budget du ministère : rien donc sur les moyens et les 4000 suppressions de postes de professeurs, sur les trois jours de carence et la revalorisation des salaires. Rien sur les sujets brûlants ou sur la réforme du choc des savoirs. Et du flou sur Parcoursup, l’orientation et la sélection précoce…
L’incantation de l’éducation en priorité
« L’Éducation nationale est à sa place, c’est-à-dire à la première place. Elle est confiée à une personnalité, Elisabeth Borne, ancienne Première Ministre, exemple de méritocratie républicaine » déclare François Bayrou. Il faudra ensuite attendre une heure pour entendre parler d’éducation pendant six minutes. Avant cela, le Premier ministre a évoqué le contexte international et « le règne de la force brutale », de la dette, de la réforme des retraites, du budget, de la Réforme de l’État et de sa débureaucratisation. Mayotte a été aussi évoquée, sans un mot pour les victimes des cyclones. Bref un discours sans surprise, au penchant marqué à droite, voire très à droite avec une référence à un auteur pétainiste.
« Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse »
Pendant que le Premier ministre François Bayrou prononçait son discours à l’Assemblée nationale, Elisabeth Borne annonçait sur la base du même discours une « grande consultation sur le temps scolaire » et « une des réformes les plus importantes, celle de la formation initiale et continue ». Pas un mot à ce sujet du Premier ministre.
Dans son passage sur l’école, le Premier ministre n’a pas évoqué les difficultés du service public de l’éducation, de son attractivité, de sa crise, des sujets brûlants d’actualités : réformes du choc des savoirs, des suppressions de postes, des salaires. Il a été question d’orientation. Le Premier ministre Bayrou a déclaré que « les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse » ce qu’il a aussi formulé autrement : « Vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse ». Sur le sujet de la sélection se distinguerait-il de la politique menée jusque-là ? Les nouvelles classes prépa lycée et la sélection en fin de 3eme par l’obtention obligatoire du brevet des collèges pour l’accès au lycée sont-elles dans le viseur du premier ministre ?
« C’est le plus grand de nos échecs »
« Comment accepter que l’école française qui était la première au monde », soit déclassée en maths et en lecture, demande le Premier ministre, sans parler des difficultés de l’école et de la possible corrélation par exemple entre effectifs et réussite. La France est aussi la championne des inégalités et en haut du palmarès pour les effectifs des classes, tout comme pour les salaires les plus bas. Aucun de ces sujets n’a été abordé. Il évoque des étudiants qui arrivent à l’université incapables d’« écrire un texte simple, compréhensible avec une orthographe acceptable. Ceci est pour moi le plus grand de nos échecs. Et c’est un échec dont sont victimes les plus faibles. » François Bayrou souligne là pourtant en creux la corrélation connue entre réussite scolaire et origine sociale du système éducatif français inégalitaire sans avoir de propositions. « Très tôt les choses se jouent, trop tôt pour ceux qui n’appartiennent pas aux milieux favorisés » poursuit-il.
« L’obligation d’orientation précoce perturbe et met en danger » ceux à qui « on ne donne pas les armes pour affronter la traversée de ces formations supérieures » a aussi affirmé François Bayrou.
Poursuite de la réforme de l’enseignement professionnel
François Bayrou s’inscrit clairement dans la continuité des gouvernements précédents pour la voie professionnelle. Sans aucun développement sur ce sujet, il annonce la poursuite de la réforme de l’enseignement professionnel, rejetée par les personnels et syndicats. Pourtant ne s’agit-il pas d’une orientation des plus fragiles qui entérine les inégalités du système éducatif qu’il dénonçait également ? C’est la seule réforme de l’Education nationale des mandats du Président Macron qui ait été évoquée dans le discours du Premier ministre.
« Parcoursup est une question »
« Parcoursup est une question » a déclaré le Premier ministre la veille de l’ouverture des vœux sur la plateforme post-bac d’orientation lancée en 2018. Pour François Bayrou « dans notre système scolaire et universitaire, il faut que puissent être acceptés et même favorisés les réorientations, les changements de formation ». Il évoque la création d’une année d’articulation entre le lycée et l’enseignement supérieur.
« La promotion de la lecture contre le monopole des écrans »
Le Premier ministre François Bayrou veut faire la promotion de la lecture contre « le monopole des écrans » : « les écrans ont pris désormais le pas sur tout autre mécanique de transmission des connaissances ».
Que retenir de ce discours du Premier ministre ? Peut-être ce qu’il n’a pas dit, à savoir les annonces d’Elisabeth Borne au Sénat…
Djéhanne Gani