Une hausse fulgurante des contractuels
La Cour des Comptes pointe la « progression faible mais continue des démissions d’enseignants, la hausse de la part des contractuels ». Le premier employeur de l’État, c’est 1,2 million d’agents dont ¾ sont des enseignants pour une masse salariale de près de 79 milliards d’euros en 2023. Et pourtant, il n’y a pas de pilotage structuré dans le Ministère. Le ministère « ne comporte ni pilote unique, ni comité de pilotage RH, ni lettre de mission pour les acteurs centraux de la fonction RH » au niveau central. Au niveau académique, il y a une organisation et structuration autour du secrétariat général (P29). Le rapport relève une « fonction RH centrée sur des impératifs de gestion » dont il souligne des effectifs et enjeux financiers hors normes.
80% de professeurs contractuels en plus dans le 1er degré en 15 ans (2015-2020)
En 15 ans, entre 2015-16 et 2020-21, dans le premier degré, le nombre de professeurs contractuels a augmenté de 80% : le taux passe de 4,3% à 6,1%, soit 4272 ETP. Il est de 19% dans le secteur privé sous contrat.
« 1 enseignant sur 10 est aujourd’hui contractuel »
Dans le secondaire, il y a toujours plus de contractuels dans la voie professionnelle et dans le secteur privé. « Au total, un enseignant sur dix est aujourd’hui contractuel ». L’académie de Créteil a la part d’enseignants contractuels la plus importante avec 11,8% en 202. La Cour des Comptes relève que « certaines académies admettent chercher à fidéliser leurs contractuels, public plus volatil, en privilégiant leurs souhaits d’affectation par rapport à ceux des titulaires ». Elle souligne les limites de cette politique : « ce type de pratique, dont on comprend l’intérêt à court terme, est susceptible de dévitaliser à moyen terme les concours ».
« En 5 ans, la part de contractuels au MENJ est passée de 14,5 à 22% »
En cinq ans, entre 2015-16 et 2020-21, la part des contractuels a augmenté de 6,5%, passant de 14,5 % à 22%. Cette tendance à la hausse des contractuels est générale, le nombre d’agents contractuels a augmenté de 107 243 personnes avec une stabilité côté titulaires. Pour des raisons liées aux problèmes de mobilité, au système de mutation, à l’attractivité ou non de certaines académies, « de plus en plus d’enseignants contractuels expérimentés refusent de passer les concours en raison de la mobilité géographique occasionnée » et préfèrent des CDD pluri-annuels ou des CDI. Ces mêmes raisons conduisent à des démissions, notamment dans l’académie de Versailles et de Créteil.
TZR et remplacements de courte durée
La Cour des comptes relève que le recours aux contractuels contraste avec la part d’enseignants qui sont déchargés d’enseignement. Ils étaient 6% en 2022 à exercer d’autres missions (personnels de directions, chargés de mission etc) dans le 1er degré et 2% dans le Seconde degré. D’autres sont affectés à l’administration centrale ou encore non-affectés. Le rapport préconise « d’adapter son appareil statistique au suivi précis du nombre des enseignants affectés à d’autres missions que l’enseignement comme de la nature exacte des fonctions qui leur sont dévolues. » Les rapporteurs soulignent la difficulté de suivre et déterminer « si les TZR aptes à effectuer des missions de remplacement de courte durée en assurent effectivement », et de connaitre « le nombre et la durée de ces missions, ni la nature des fonctions exercées, entre deux missions, par les TZR dans leur établissement de rattachement.»
Un nouveau profil de professeur : les secondes carrières
Le rapport de la Cour des comptes note que l’envie de reconversion traverse la société, elle se traduit par les projets de changer côté enseignants mais aussi par la « projection de salariés du privé dans le métier d’enseignant ». Cette hausse des reconversions est plus forte dans le secteur privé, ces professionnels représentent 19% des admis au CAPET et 21% au CAPLP. Ainsi, la part des étudiants parmi les lauréats des concours de recrutement baisse depuis 2013 pour plusieurs raisons, envie de reconversion ou maquettage du concours placé en fin de master. La part des étudiants lauréats est passée de 57 à 39% entre 2021 et 2022 dans le 1er degré et de 64 à 52% dans le Second degré.
Quelle vision à long terme ?
Hausse des contractuels, démissions, reconversions, baisse démographique des élèves, secteur privé plus important : les défis du ministère sont nombreux, comme le relève le rapport pour lequel « il manque actuellement au ministère un système d’information » pour piloter la gestion prévisionnelle RH. Pour assurer le service public sur l’ensemble du territoire, et particulièrement les académies non-attractives comme Créteil et Versailles, le rapport relève « les mécanismes compensateurs ou innovants » dans le domaine du logement ou une compensation financière.
Un constat : des salaires bas en moyenne, et qui diminuent
Comme toutes les études, la Cour des Compte relève que « rapporté au Smic, le salaire brut des enseignants a également fortement diminué, puisque par exemple le salaire de début de carrière d’un professeur agrégé en 1990 équivalait à 2,3 SMIC, et ne représente plus que 1,8 SMIC en 2020 ». Elle souligne que « le salaire des enseignants âgés de 25 à 64 ans est inférieur au revenu moyen des actifs diplômés de l’enseignement supérieur qui travaillent à plein temps toute l’année ».
Parmi les recommandations de la Cour des Comptes, on trouve la question de la santé des personnels, de l’état des lieux des enseignants affectés à d’autres missions, du renfort de la question des contractuels, du renfort de la place et du rôle des chefs d’établissement dans la fonction RH. Mais aucune recommandation sur les salaires… ni au sujet de la contractualisation en cours.
Djéhanne Gani
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