« Le « choc des savoirs », avec son acte I puis son acte II annoncé par une éphémère ministre, est une contre-réforme parfaitement cohérente » qui tend à « organiser la séparation entre les élèves en multipliant les obstacles à l’accès à une véritable culture commune » affirme Le Collectif d’interpellation du curriculum (CICUR). Dans ce texte, le CICUR appelle à censurer la politique des savoirs menée en France, notamment au regard des résultats des enquêtes internationales : « Cette politique ségrégative est mauvaise pour tous : les résultats insuffisants concernent de plus en plus d’élèves tandis que le vivier de ceux qui sont performants s’étiole. »
Au moment où la France n’a pas de gouvernement de plein exercice, comment ne pas rappeler la gravité de la politique des savoirs conduite obstinément par les quatre ministres de l’année en cours et leurs prédécesseurs ?
Une contre-réforme
Le « choc des savoirs », avec son acte I puis son acte II annoncé par une éphémère ministre, est une contre-réforme parfaitement cohérente dont le caractère ségrégatif a été notamment analysé dans le Manifeste pour le Collège[1] : la priorité accordée aux prétendus savoirs fondamentaux pour séparer les élèves dès la 6e, le retour au redoublement pour sanctionner l’échec au lieu de le prévenir, la transformation du brevet en barrière à l’accès aux lycées, la tentative d’instaurer l’uniforme, vont dans le même sens : sous des dehors d’uniformité, organiser la séparation entre les élèves en multipliant les obstacles à l’accès à une véritable culture commune.
Une obstination malgré de mauvais résultats
Les enseignements tirés par le ministère de la publication des résultats de l’enquête TIMMS sur les compétences en mathématiques et en sciences des élèves de cours moyen et de 4e sont révélateurs d’une obstination à poursuivre dans la même voie, bien que tout indique qu’elle ne fait qu’aggraver la situation. Alors que la priorité donnée aux prétendus fondamentaux conduit les élèves de France à être exposés en Europe au plus grand nombre d’heures d’enseignement des mathématiques et que leurs résultats les placent au dernier rang sur le continent, le ministère maintient le cap : l’acte II du choc des savoirs va permettre de redresser la barre.
Mais, si l’entêtement ministériel est affligeant, la qualité du débat autour de ces résultats l’est tout autant.
Perte d’une culture commune et d’une scolarisation commune
Rares sont en effet les commentaires qui alertent sur le rôle des enquêtes internationales, comme TIMMS ou PISA, enquêtes dont les standards promeuvent une conception concurrentielle de l’éducation, focalisée sur les classements et sans attention portée aux finalités mêmes de la formation. Le plus souvent, on met en avant la nécessité de mieux former les enseignants qui seraient sans doute les premiers responsables de ces résultats.
Or, ce dont personne ou presque ne parle, ce sont les choix de politique des savoirs qui permettent de comprendre ce qui se joue dans l’École française. En focalisant les apprentissages sur les prétendus « fondamentaux » (français et maths), on prive celles et ceux à qui la culture de l’École n’est pas transmise par leur milieu de l’accès à celle-ci qui, quoi qu’on puisse en penser, ne se limite pas à ces matières. On écarte aussi au fil du temps de plus en plus d’élèves de l’accès à la perspective d’une culture commune en multipliant les voies de sortie précoce de la scolarisation commune. En mettant en place des options sélectives qui ouvrent les possibilités d’un entre soi ségrégatif au sein même des établissements, c’est l’École de la fracture qu’on entretient.
Cette politique ségrégative est mauvaise pour tous : les résultats insuffisants concernent de plus en plus d’élèves tandis que le vivier de ceux qui sont performants s’étiole.
C’est cette politique là que le CICUR vous invite à censurer en exigeant que le débat éducatif porte enfin sur une politique des savoirs porteuse de culture commune, riche et diversifiée, qui mette fin à l’impasse dans laquelle la politique actuellement menée enferme les élèves comme les personnels.
Collectif d’interpellation du curriculum (CICUR)
https://curriculum.hypotheses.org/
[1] R-F Gauthier & J-P Véran, Manifeste pour le Collège, CUIP-Librinova, 2024, https://www.librinova.com/librairie/roger-francois-gauthier-jean-pierre-veran/manifeste-pour-le-college