La mesure du choc des savoirs a le mérite de fédérer contre elle. Enseignants, parents, chefs d’établissements, CPE, chercheurs, syndicats, élus (de gauche)… Tous ont déjà, à multiples reprises, fait part de leur mécontentement et de leur incompréhension d’une telle mesure. Hier, ce sont cinq anciens DGESCO (Directeurs de l’enseignement scolaire, poste le plus haut au ministère de l’Éducation nationale) qui ont écrit leur opposition à ces réformes. Cette prise de position est historique. Dans le journal le Monde du 3 avril, Alain Boissinot, Jean-Paul Delahaye, Jean-Paul Gaudemar, Jean-Louis Nembrini et Bernard Toulemonde estiment que « Les collèges se retrouvent ainsi contraints tant par le texte officiel que par le manque de moyens ». « Les nombreux dispositifs d’aide mis en place les années antérieures deviennent obsolètes : comment mobiliser les enseignants si chaque rentrée est présentée comme un désaveu de la précédente ? Tant de rigidité ne permettra guère, de fait, que de composer des groupes de niveau très peu fluides ».
« En procédant ainsi, le ministère se met en contradiction avec la démarche qui, depuis 1985, a consisté à donner des marges d’autonomie et de responsabilité aux établissements, notamment sur le plan pédagogique, et à les inciter à se mobiliser autour d’un projet adapté à leur situation. Ces principes, posés quarante ans auparavant, ont été développés dans de nombreux articles du code de l’éducation (…) Plusieurs autres articles expriment sans ambiguïté la même conception. Y renoncer aujourd’hui, c’est donc opérer un renversement qui fait du ministre, ou du Premier ministre, le « super principal » des sept mille collèges de France. C’est méconnaître l’extrême diversité de ces collèges, qui diffèrent par la taille, l’histoire, le recrutement, les ressources et l’environnement. C’est faire des chefs d’établissement et des enseignants les simples exécutants d’une politique pédagogique taylorisée », écrivent les DGESCO.
Et leur conclusion est sans nuance. « D’autres sujets ne manqueront pas de faire débat dans les semaines à venir. A-t-on anticipé les conséquences d’une baisse annoncée des résultats au brevet des collèges, au moment même où celui-ci deviendrait la condition des poursuites d’études ? Ces questions sont trop graves pour être traitées dans l’urgence, sans débat ni expérimentation préalable. Elles sont trop profondes pour être tranchées autoritairement par des décisions politiques ou administratives centralisées, ignorantes de la complexité du réel. Il est plus que temps de remettre en cause un exercice ultra-jacobin du pouvoir, de donner aux acteurs de véritables espaces d’autonomie, bref, de faire confiance à l’intelligence collective ».