« Il y aura plusieurs niveaux par classe » a déclaré N. Belloubet sur BFM le 18 février. La ministre dit vouloir éviter « tout tri social » et être pour le « brassage ». Elle cultive sa singularité : « j’ai toujours été de gauche », dit-elle. Mais elle confirme son alignement sur les positions gouvernementales, y compris sur l’uniforme… Pire, elle confirme que le budget de l’Education nationale sera ponctionné par la cure d’austérité annoncée par le gouvernement. Et annonce à l’avance qu’elle s’y pliera…
Une politique éducative de gauche ?
« Je suis une femme sociale démocrate. Et j’ai toujours été de gauche, oui ». D’emblée Nicole Belloubet cultive sa singularité dans sa première apparition dans une émission télévisée de longue durée, sur BFM, le 18 février. On comprend que la ministre est la caution de gauche sensée rééquilibrer le glissement à droite du gouvernement. Si Rachida Dati entre, il faut une Nicole Belloubet. Mais, si elle est « femme de gauche », Nicole Belloubet est-elle capable de mener une politique éducative de gauche ?
« Il n’y aura pas le groupe des mauvais et le groupe des bons », explique la ministre sur BFM. Pas question donc de parler de « groupes de niveau ». Mais la ministre dit bien « il y aura plusieurs niveaux par classe ». Elle « refuse tout tri social » et promet des groupes « flexibles ». « Lorsqu’une compétence n’est pas maitrisée on peut être dans un groupe et ailleurs en même temps on peut être dans un autre groupe. Je refuse la filière », affirme t-elle. « Les classes demeurent hétérogènes… Le brassage c’est ce qui a fait notre nation ».
La promesse est à retenir. Mais assurer des groupes de niveau flexibles exigerait 7700 postes… que la ministre n’a pas. Elle en promet 2000. En fait de postes, on sait que ce sera la redistribution de moyens en français et en maths par la suppression de l’heure de soutien de 6ème. S’y ajouteront des professeurs des écoles envoyés en collège. En complément, le ministère récupère du budget en supprimant partout des options et des dédoublements, appauvrissant ainsi l’offre éducative des collèges et des lycées. Mais ce bricolage budgétaire ne donne pas des professeurs de français et de maths. Les conditions pour avoir des groupes de besoin dans les établissements ne sont clairement pas remplies.
La ministre se contredit plus clairement sur l’uniforme. Elle annonce 87 établissements acceptant l’expérimentation, en baisse avec ce qui a été annoncé initialement. Elle qui dénonçait en 2016 « les fariboles sur la restauration de l’autorité ou le port de la blouse » dit maintenant à la fois qu’elle « n’a pas changé d’avis » et « qu’elle l’a portée pendant des années ». Sur ce point là aussi N Belloubet avale son chapeau.
Une ministre qui ne défend pas son budget
Alors que le ministre du budget doit annoncer 10 milliards d’économie, la ministre de l’éducation nationale s’aligne. « Forcément je porterai les exigences de l’Education nationale. Mais forcément je suis dans une solidarité gouvernementale ». « On devra distinguer entre masses financières et emploi », ajoute-elle. « Ce qui importe c’est qu’on ait les moyens en personnels ».
La ministre n’a pas les moyens humains correspondant à la réforme des groupes. C’est par un bricolage budgétaire que nous avons détaillé en décembre 2023 que le ministère prétend réussir à fournir les besoins des groupes de niveau. Dans un ministère où 90% de la dépense est de l’emploi, accepter une ponction budgétaire c’est remettre en cause toute la politique éducative lancée aventureusement par G. Attal.
Assurément la politique éducative que va appliquer N Belloubet, qui va aboutir à séparer les élèves pauvres des autres dès la 6ème, n’est pas de gauche. Le gel salarial et la dégradation des conditions de travail des enseignants, qui se dessinent avec les ponctions budgétaires annoncées, ne le sont pas plus.
Sur BFM, la ministre se défend d’être « techno ». Pourtant, interrogée sur des sujets hors de l’éducation (du pluralisme sur les chaines de télévision à la grève de la SNCF), Nicole Belloubet a réponse à tout, bien au-delà de ses attributions. Est-elle vraiment ministre de l’Education nationale ?
François Jarraud