Révélée par le président de la Commission des finances de l’Assemblée, Eric Coquerel, la suppression d’un millier de postes d’assistants d’éducation en 2024 vient contredire les propos du gouvernement sur l’Ecole. Moins d’assistants d’éducation (AED) c’est moins d’attention portée aux élèves et moins de lutte contre le harcèlement scolaire, priorité affichée par le gouvernement. C’est aussi moins de recrutement d’enseignants.
Un point camouflé dans le budget 2024 ?
« Au cours de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, M. Gabriel Attal , alors ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, m’a demandé de vérifier l’évolution du nombre de postes d’assistant d’éducation (AED) entre 2023 et 2024 à l’occasion de la défense d’un amendement du groupe LFI Nupes porté par le député Paul Vannier. Pour le ministre, la diminution de plus de 1 000 postes évoquée par mon collègue correspondait à une modification de leur comptabilisation liée à une transformation de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée », écrit Eric Coquerel dans un communiqué.
« Des calculs supplémentaires ont été nécessaires pour obtenir les véritables chiffres qui devraient pourtant être présentés clairement dans les documents budgétaires. En prenant en compte cette catégorie, les prévisions présentées dans les documents annexés au PLF pour 2024 conduisent bien à une suppression de 1 191 postes dont 1 112 postes d’AED en préprofessionnalisation par rapport à 2023 », affirme le président de la commission des finances de l’Assemblée.
La vérification du Café
En effet, cette baisse du nombre d’AED n’apparait pas clairement dans les « bleus budgétaires », les documents remis aux parlementaires lors de la discussion de la loi de Finances. Ceux-ci comptabilisent séparément les AED en préprofessionnalisation. De plus, le « bleu » 2024 ne donne pas d’évolution comparée de 2023 à 2024 pour cette catégorie, alors que c’est la règle dans ce genre de document, à l’unité près.
Selon le document de 2024, le nombre d’AED passe de 49 154 ETPT en 2023 à 49 075 en 2024, soit une baisse de 79 emplois ETPT. C’est une faible modification. Mais cette évolution ne prend pas en compte les AED en préprofessionnalisation.
Lancée par JM Blanquer en 2019, la préprofessionnalisation est présentée comme un outil « pour améliorer l’attractivité du métier de professeur et faire émerger un nouveau vivier de candidats… Le parcours de préprofessionnalisation s’intègre dans le cycle de formation universitaire de l’étudiant. L’exercice en école ou en établissement constitue à ce titre un élément du parcours de formation de l’étudiant qui permet, à travers la pratique graduée d’activités pédagogiques adaptées, une entrée progressive dans les métiers du professorat et de l’éducation ». Les AED recrutés en préprofessionnalisation exercent des activités pédagogiques à raison de 8 heures par semaine sur 36 semaines en école et 6 heures hebdomadaires dans le 2d degré. « Les heures restantes pour atteindre les 312 heures de présence annuelles dans l’établissement ou l’école peuvent être notamment consacrées à la préparation des interventions devant les élèves, à l’analyse réflexive, notamment en lien avec le tuteur en établissement ou en école, à la participation aux réunions des comités et instances propres aux établissements et écoles et à la participation aux réunions organisées périodiquement par le rectorat ». En échange les AED sont rémunérés entre 862 et 1219€ brut de la L2 à M1.
Faute d’évolution claire dans le « bleu » de 2024, il faut comparer les informations des documents 2023 et 2024 pour retracer l’évolution du nombre d’AED en préprofessionnalisation entre ces deux dates. On découvre ainsi qu’il y a 9 138 AED en préprofessionnalisation en 2023 et 7 568 en 2024. Soit 1 644 en moins. Il s’agit là de personnes physiques. En terme d’emplois ETPT cela donne environ 1 100 ETPT en moins en 2024. Et on retrouve le calcul d’Eric Coquerel.
Quelle sincérité des politiques ministérielles ?
Cette baisse, masquée dans les documents budgétaires, vient démentir des propos ministériels. D’abord sur la priorité donnée au recrutement d’enseignants. Nicole Belloubet annonce dans Ouest France le 13 février « un choc d’attractivité » pour le métier enseignant alors que ses services démantèlent un vivier de recrutement.
La baisse du nombre d’AED va aussi contre la politique de lutte contre le harcèlement. En septembre 2023, E Borne venait elle-même en faire « la priorité absolue de la rentrée ». Puis G Attal, ministre de l’Education nationale, expliquait lui-même sur TF1, le 5 novembre 2023, à quel point il en avait souffert et voulait combattre le harcèlement scolaire. Après lui, N. Belloubet consacre son premier déplacement, à Reims, à la lutte contre le harcèlement le 12 février. Le 13février, sur France Inter, elle affirme vouloir « aller plus loin » dans ce combat. Pendant ce temps, ses services organisent la baisse du nombre d’agents en première ligne sur le terrain pour faire face au harcèlement.
Silence rue de Grenelle
Contacté, l’entourage de la ministre, justifie l’évolution du nombre d’AED de 2017 à 2022. Mais ne s’exprime pas sur la période 2023-2024.
François Jarraud
Les AED en préprofessionnalisation