Aujourd’hui, les syndicats de l’éducation appellent à se mobiliser. Enseignants, enseignantes, AESH, équipe de direction, équipe de vie scolaire, infirmiers et infirmières, psychologues de l’éducation nationale, inspecteurs et inspectrices… tous et toutes sont attenudu·es dans des manifestations à travers tout le pays. À l’initiative du mouvement, quatre fédérations : la FSU, FO, la CGT Éducation et Sud Éducation en décembre dernier. Mais la nomination d’Amelie Oudéa-Castéra, les polémiques qui s’en sont suivies ainsi que l’arrivée des DHG –insuffisantes – ont fini de convaincre les autres syndicats. La ministre a réussi à initier une grève unitaire. Pour autant, les personnels seront-ils au rendez-vous ?
Mercredi 31 janvier, la ministre de l’Éducation nationale réunissait les syndicats et partenaires de l’école lors du Conseil Supérieur de l’Éducation. Une occasion dont se sont saisies les organisations syndicales pour faire part du mal-être et de la colère de la profession.
Un CSE sous le signe du mécontentement
« Le « choc des savoirs » que vous reprenez à votre compte est une attaque fondamentale contre l’école et le métier enseignant : nouvelle modification des programmes, évaluations nationales à tous les niveaux, labellisation et imposition de manuels… Autant de mesures qui sont des entraves sans précédent envers la liberté pédagogique », a ainsi déclaré Guislaine David pour la FSU-SNUipp. Le syndicat soutient que les professeurs des écoles « n’ont pas besoin d’injonctions, de protocoles, de méthodes magiques, de manuels qu’ils n’utiliseront pas et qui risquent de servir, au mieux, à caler les meubles ». « Ils exercent leur métier en analysant ce qui fait obstacle aux apprentissages de leurs élèves, ils préviennent les difficultés et ils mettent en place la remédiation tout en exerçant leur liberté pédagogique. Ils savent que ce n’est pas à coup d’annonces sur l’uniforme, sur le retour à l’autorité ou bien encore grâce à l’apprentissage de la Marseillaise que leurs élèves deviendront des citoyens libres et éclairés ».
Et la porte-parole du premier syndicat des professeur·es des écoles prévient : 40% des professeurs des écoles en moyenne seront grévistes, avec des taux qui atteignent 65% à Paris, « d’ailleurs les deux écoles de la rue Littré seront fermées ». « Partout dans le pays, des centaines d’écoles seront fermées pour protester contre vos choix politiques. Cette mobilisation sera pour la profession une première occasion de se faire entendre et elle en appellera certainement d’autres ».
« Madame la ministre, votre nomination s’est accompagnée d’un débat sur l’école publique et l’école privée », à quant à lui déclaré Jérôme Fournier, pour le SE-Unsa. « Nous défendons, l’école publique et laïque parce que c’est l’honneur de l’école publique d’être la seule à accueillir tous les élèves, celle qui ne les trie pas et ne les sélectionne pas à l’entrée ou en cours de scolarité, celle qui ne trie pas les programmes scolaires, celle qui défend la laïcité, valeur primordiale de la République. Pour cela, il faut lui donner les moyens de fonctionnement à la hauteur du défi qu’elle doit relever, il faut donc réserver l’argent public à l’école publique ». « Nous sommes enseignants, CPE, PsyEN, AESH et AED, nous n’avons pas de tracteurs, mais pour toutes les raisons développées précédemment, nous irons manifester demain en basket pour défendre l’école publique et laïque pour tous, plutôt que l’école publique pour les autres, en espérant être entendus pour « corriger le tir » et pour que l’École et ses personnels soient mieux respectés », a ironisé le responsable syndical.
La grève de la colère et du mécontentement
Cette grève, c’est celle de la colère, celle du mécontentement, nous dit Benoit Teste. « Les attaques constantes de l’école publique suscitent de la colère, mais aussi du désenchantement », affirme le secrétaire général de la FSU. « C’est le monde de l’éducation qui se met en mouvement. Il y a à la fois un ras-le-bol des réalités quotidiennes et du discours insupportable sur l’École. Les propos d’Amélie Oudéa-Castéra ne sont que les déclencheurs d’un malaise très profond. C’est ce qui éclate dans la mobilisation du 1er février ». Les taux de grévistes ne seront sans doute pas historiques, reconnait Benoit Teste. « Nous, syndicats, nous avons besoin de convaincre que c’est par l’action qu’on peut faire bouger les choses. Certains collègues n’y croient plus, il y a une forme de désenchantement, mais la puissance de cette grève va nous donner de la force pour continuer à nous battre afin que l’école publique et ses personnels soient enfin reconnus ».
Au Sgen-Cfdt, la grève, ce n’est souvent qu’en dernier recours et « sur des mots d’ordre précis » explique Catherine Bave-Bekhti. « Nous avons décidé d’appeler à la grève, car nous avons une opposition de principe à la mise en œuvre des groupes de niveau. S’ajoute à cette opposition sur le fond une mise en œuvre pratique très compliquée qui aggravera les choses. L’arrivée des DHG dans les établissements va, dans certains cas, mener à la mise ne place de classes de niveau, ce qui est encore plus problématique. Tout cela participe à la dégradation des conditions de travail des collègues, dont certains auront besoin de faire des compléments de service sur un autre établissement ». Autre raison de se mobiliser pour la secrétaire générale du syndicat : la difficulté de mise en œuvre de l’école inclusive. « Il est temps d’adapter l’école à l’inclusion sinon on met en difficulté les personnels et les enfants ».
Alors que les mobilisations des métiers agricoles portent leurs fruits, que celle de la police – mobilisée une seule journée – a permis à la profession de bénéficier d’une prime de 1 900 euros, la mobilisation des personnels de l’éducation portera-t-elle ses fruits ? La colère, le mécontentement sont là, mais les syndicats réussiront-ils à les transformer en combativité. Et ça, ce n’est pas une mince affaire, la lassitude semble avoir gagné une partie de la profession…
Lilia Ben Hamouda