Quand on a la chance d’habiter une ville qui reçoit les JOP, on ne peut pas passer à côté ! Mais que faire de cette opportunité ? C’est la question que s’est posée Aurélie Malassenet, professeure à l’École primaire d’application Arago à Châteauroux, dans l’Indre. Elle a eu l’idée de proposer à ses élèves d’adopter à tour de rôle la mascotte des JO, Phryge, afin de lui faire découvrir leur quotidien. Chaque soir celle-ci quitte donc l’école avec son petit tot bag pour passer la nuit dans une nouvelle famille, et rédiger le journal intime de ses découvertes. Se tissent ainsi, tout au long de l’année, des liens entre l’école, les enfants, les familles, qui permettent de développer de nombreuses compétences psychosociales ainsi que le goût de lire, d’écrire et la fierté d’être écoutz·e et publié·e. Aurélie Malassenet revient sur la mise en place et les enjeux de ce projet qui fédère tout un collectif.
Comment est né le projet de mascotte olympique que vous avez imaginé pour votre classe de CE1-CE2 ?
J’enseigne à Châteauroux, une ville olympique qui accueillera les épreuves de tir et de para tir cet été. Je voulais donc aborder les JOP en classe au niveau des élèves de cycle 2. J’ai suivi les premiers partages des enseignants sur les réseaux sociaux. Tout me semblait trop tourné vers le sport pour toute cette année. Avec ma collègue, avec laquelle je travaille à l’école et sur le blog, nous avions d’autres projets pour cette année : les JOP devaient s’y intégrer sans monopoliser l’année. Mi-juillet, nous avons commencé à créer les énigmes qui permettent à nos élèves de cycle 2 et de cycle 3 de découvrir un sport par semaine puis nous avons pensé que nos élèves étaient aussi de petits sportifs qui pouvaient nous faire découvrir leurs pratiques. Pour changer des exposés… nous avons trouvé que Phryge pourrait découvrir chaque sport et « écrire ». Pour lancer ce projet en classe, il fallait commencer : direction Paris en août avec Phryge pour sa première balade et ses premières photos.
« Les balades de Phryge » ont permis de lancer le projet sur votre blog « La Trousse des Maitresses ». Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette 1ère étape et sur ce blog ?
Nous sommes formatrices et nous avons à cœur de partager notre travail avec les jeunes enseignants. Le blog nous permet de partager avec tous les enseignants depuis cinq ans.
Nous avons lancé les balades de Phryge avant notre première balade parisienne en présentant le projet et en donnant des pistes pour chaque cycle. Nous avons customisé le sac de Phryge, puis nous avons parcouru plus de trente kilomètres à Paris pour avoir un maximum de photos pour l’année. Toutes nos photos sont mises à disposition des collègues sur notre blog « La Trousse des Maitresses ».
Nous avons partagé l’article sur les réseaux : de nombreux collègues s’en sont emparés. Certains ont écrit les consignes, préparé les fiches d’écriture pour les élèves… Pour nous, cette étape s’est faite avec les élèves en classe. Il nous semble important d’écrire les consignes ensemble pour qu’ils se les approprient et s’engagent dans le travail d’écriture. Nous les avons ensuite partagées à titre d’exemple sur notre blog. Il n’y a rien de clé en main, chaque enseignant peut tout adapter à sa classe : c’est très important pour nous.
Chaque élève adopte pour un soir Phryge en la ramenant à la maison : quelle mission a-t-il ou a-t-elle alors en charge ?
Phryge part dans son tot bag régulièrement. L’élève l’emmène au sport, ses parents font des photos. Pour les élèves qui n’ont pas d’activité extra-scolaire, ils peuvent aussi jouer, lire, cuisiner… en présence de Phryge. Ils ont une feuille sur laquelle ils écrivent quelques phrases, par exemple « Ce soir, je suis allée à la piscine avec J… Pour nager, c’est facile, il suffit d’écouter le maitre-nageur et de nager ». Certains élèves détaillent plus « Je suis allée à l’entrainement de Muaythai avec M…. Elle m’a expliqué que la boxe thaïlandaise est un sport de combat qui demande de la discipline et du courage. Le but étant de mettre à terre son adversaire avec des techniques de coups de points, de pieds et genoux ainsi que de garde. J’ai bien transpiré. ». En prenant Phryge, chacun s’engage à écrire un texte. Ils peuvent l’accompagner de dessins.
Pourquoi est-ce si important que les enfants écrivent pour Phryge et pas en leur propre nom ?
« Ecris mon histoire » c’est la demande de Phryge. Cela permet d’avoir l’album de Phryge, de les faire travailler sur le même projet. L’idée c’est de créer le journal de la classe. Les élèves apprennent à changer de point de vue. Au début de l’année, nous avons retravaillé certains textes avant de les publier sur le cahier multimédia de l’ENT. Depuis, tous les élèves réussissent l’exercice.
C’est d’ailleurs la famille entière, en réalité, qui adopte Phryge, car le projet repose aussi sur la participation des parent.es et renforce le lien entre l’école et les familles. Pourriez-vous nous expliquer comment ?
Les parents n’avaient jamais entendu parler de Phryge avant septembre. La mascotte était juste en vente dans l’hypermarché partenaire des JOP. Ce fut donc une découverte pour les petits et les grands. Ils aiment autant recevoir Phryge que leur enfant, les petits frères et petites sœurs adorent ! Toute la famille s’implique : au sport, à la musique, au parc, dans le salon… les parents prennent des photos. Ensuite, ils sont nombreux à aider leur enfant à produire leur écrit. Je reçois les photos via la messagerie de l’ENT avant d’avoir le texte « papier » de l’élève. Phryge sort beaucoup : elle a dîné dans de nombreux restaurants, elle a rendu visite à de nombreux cousins, elle est allée au Conservatoire de musique, dans différents clubs sportifs…
Ce projet qui associe les familles permet de créer une connivence avec les familles, une confiance nécessaire, à notre avis, pour que la relation éducative soit de bonne qualité. C’est un sujet de plus de discussion entre nous. Dans notre école, nous avons des rapports assez privilégiés avec les familles. La plupart des élèves de la classe sont scolarisés depuis la petite section dans notre école : nous connaissons bien avec les familles.
Et quand les jeux olympiques seront terminés, que deviendra Phryge ? Y aura-t-il une suite au projet ?
Nous sommes tous très attachés à Phryge dans la classe. Dans notre petite école, nous avons souvent nos élèves deux années de suite. Phryge aura toujours sa place. Les élèves continueront peut-être à écrire son histoire… Suivra-t-elle les Jeux Olympiques cet été ? Les Jeux Paralympiques à la rentrée ? Aura-t-elle la chance d’être sélectionnée avec la classe pour assister à des épreuves paralympiques ? Elle devrait encore avoir quelques petites choses à nous raconter…
Propos recueillis par Claire Berest