Les journées nationales de l’APBG ont rassemblé 450 enseignants de SVT à l’université Paris-Cité du 24 au 26 novembre. Antibiorésistance, maladies vectorielles, biomarqueurs mais aussi autisme et évolution humaine étaient au cœur des conférences scientifiques. Les enseignants ont pu également profiter des nouveautés des éditeurs et des fabricants dépêchés sur place.
La génétique au cœur des discussions
Dès 9h, ce samedi matin, Jean-Yves Pierga commence sa conférence sur les biomarqueurs circulants du cancer. « L’analyse du sang pour détecter les cellules tumorales circulantes ou les acides nucléiques libres est appelée biopsie liquide », indique le chercheur de l’institut Curie. « Cette méthode non invasive permettant d’identifier et de caractériser la présence d’un cancer dans le sang a ouvert de nouvelles voies pour le diagnostic du cancer ». Diaporama détaillé à l’appui, Jean-Yves Pierga passionne son auditoire et les questions furent nombreuses dans le grand amphithéâtre de la rue des Saint-Pères. « Quelle place réserver au diagnostic ? », interroge une enseignante. Le spécialiste est partagé concernant l’ADN tumoral circulant. « Est-ce utile de dépister très tôt certains cancers avec une prise de sang ? Si l’on vit tous jusqu’à 120 ans, on ferait tous un cancer de la prostate et pour les femmes quasiment un cancer du sein aussi », relativise -t-il. « Les traitements préventifs peuvent aussi avoir des effets secondaires ». A titre de comparaison, les stratégies de dépistages pratiquées en Angleterre et aux USA sont aussi présentées. Le chercheur évoque l’analogie de la graine, du sol et des métastases émise par le chirurgien Paget en 1889 : « Certaines cellules métastasiques vont se développer préférentiellement dans certains organes. Par exemple, à Curie, on travaille sur les tumeurs de l’œil qui font des métastases qui se développent seulement dans le foie. On essaye de comprendre ces phénomènes ». Quoi qu’il en soit, les enseignants repartent avec des notions scientifiques qui vont nourrir leurs cours dès lundi. « Le succès grandissant que connaissent les Journées nationales de formation de l’APBG est assuré grâce à une participation d’intervenants à la pointe de la recherche fondamentale et appliquée », note David Boudeau, président de l’association.
Mieux comprendre l’autisme
Cette 33ème édition des journées nationales de l’APBG a pour thème « Les défis de la recherche pour la santé et l’environnement de demain ». Le programme alléchant regroupe 11 chercheurs pour 11 conférences réparties sur 3 jours. « Nous avons aussi cette année 32 stands exposants », glisse Gilbert Faury, coordinateur de ces journées. Les éditeurs sont venus en nombre ainsi que des fabricants d’électrophorèses, de microscopes ou de modélisations 3D.
Pour les participants, les conférences s’enchaînent. Celle sur « «la génétique de l’autisme » a été menée d’une main de maître par le découvreur des premiers gènes associés à l’autisme. « Ces gènes modulent le nombre et le fonctionnement des points de contact entre les neurones », explique Thomas Bourgeron de l’institut Pasteur. « Grâce aux nouvelles technologies, il est possible d’identifier une cause génétique pour 10-20% des personnes avec autisme ». En France, 100 000 jeunes de moins de 20 ans sont atteints et 600 000 adultes. Les financements européens permettent de nouvelles initiatives de recherche en lien avec les familles. Le projet R2D2 Mental Health est mis en avant.
Le conférencier évoque que « les filles peuvent plus facilement camoufler leurs traits autistiques ». Thomas Bourgeron explique aussi que l’espérance de vie des personnes autistes est en moyenne de 20 ans de moins que les autres avec les risques d’accidents ou d’épilepsie. « Les personnes autistes anticipent beaucoup et le moindre écart va créer de l’anxiété ». Le chercheur bat en brèche « les idées fausses sur les causes de l’autisme » tels l’éducation des parents, les vaccins ou encore le microbiote. De nombreuses références et des sites exploitables en classe en cours de génétique sont donnés au public. « En France, on n’a pas le droit de regarder le génome. Je trouve que c’est un peu bizarre. On a l’impression que le génome c’est tout de suite mauvais, malade… », conclut le chercheur.
Le métissage d’Homo sapiens
L’après-midi sera consacrée à l’évolution humaine. Dans un premier temps, Céline Bon du Muséum national d’Histoire naturelle, détaille les informations cachées de l’ADN ancien. « La paléogénétique a considérablement révolutionné notre compréhension de l’évolution de la lignée humaine ». La maître de conférence explique la corrélation des découvertes comme l’étude des phalanges des Néandertaliens et les nouvelles techniques comme la PCR et le séquençage. « La grotte de Denisova est un excellent coffre-fort à ADN ! ». Analyses de cheveux ou d’ostéoblastes, les données recueillies permettent de retracer les grands changements démographiques et sociaux. « L’ADN ancien laisse entrevoir un réseau et non un buisson pour la lignée humaine ». Le métissage de certains Homo sapiens avec l’homme de Néandertal est finement démontré. « Finalement, on avait deux groupes qui étaient en cours de spéciation ».
Puis dans un second temps, Florent Detroit du musée de l’Homme de Paris récapitulera les grandes étapes de l’évolution humaine et surtout de nombreuses controverses des scientifiques. « Faut-il réellement mettre à la poubelle tout ce que l’on croyait savoir à chaque nouvelle découverte ? ». Les enseignants auront, le temps d’une conférence, notamment mis à jour leurs connaissances sur l’homme de Florès et la diversité des australopithèques.
L’année des géosciences
Ces journées sont aussi l’occasion de présenter les nouvelles productions de l’APBG. Avec l’université de Montpellier, ce sont 12 000 exemplaires de l’ouvrage pédagogique de 200 pages Du Labo à la Classe 2 qui sont destinés aux enseignants de SVT, de biotechnologies et à ceux des lycées agricoles. En lien avec le CNRS, l’APBG donne rendez-vous en 2024 pour une année consacrée aux géosciences !
Julien Cabioch