Le soir même de l’attentat qui a coûté la vie à Dominique Bernard, la Première ministre déclenchait le Plan Vigipirate « Urgence attentat ». Dans les établissements et les écoles, cela se traduit par plusieurs mesures : vérifier l’identité des personnes extérieures, interdire les attroupements devant l’établissement, effectuer un contrôle visuel des sacs… Des mesures, qui si elles semblent pleines de bon sens, mettent en difficulté les équipes pédagogiques du premier degré. Si c’est très compliqué dans les collèges et lycées qui disposent d’une équipe vie scolaire, c’est mission impossible pour les directeurs et directrices, seuls à la porte de leur école.
« On va pas aller fouiller les sacs, ça, c’est clair » nous dit cette directrice d’une école élémentaire dans l’Eure. « Toutes les portes sont fermées. On connaît les personnes qui entrent dans l’école, et quand on ne les connait pas, on les interroge. Mais quand je ne suis pas là, en réunion ou autre, ben il n’y a personne pour le faire… ». Selon elle, si l’attentat avait visé son école, il y aurait beaucoup plus de victimes. « On a pas les mêmes moyens que le lycée d’Aras par exemple. Pour le PPMS, l’alerte, c’est moi qui monte à tous les étages en claironnant… ». Et elle est déchargée. Marie est directrice d’une école de quatre classes dans la banlieue de Strasbourg. Elle a une journée de décharge une fois par semaine. « Tous les matins où je suis en classe, c’est une Atsem qui ouvre l’école. Ma classe est proche de l’entrée, mais nous n’avons pas vraiment le choix », nous explique-t-elle. Pendant un temps, la classe de CE2 dont elle a la responsabilité attendait sur le banc dans le hall de l’école que la directrice ferme les portes. « Mes élèves perdaient jusqu’à 20 minutes de classe par jour. En plus, ils étaient dans les courants d’air. J’ai fait le choix de les préserver ». Pour Marie, directrice depuis 12 ans, faire ce choix, c’était presqu’un acte de rébellion. « On ne veut pas nous donner les moyens de fonctionner. On a une décharge de direction risible. On n’a pas d’aide à la direction. Alors que l’institution prenne ses responsabilités. Je prends ma part, j’organise les choses, mais je ne suis pas non plus Superwoman… »
Le premier degré, l’angle mort des directives de sécurité
La sécurité, justement, c’était l’objet de la rencontre entre les syndicats et les ministres ce mardi 17 octobre. « On a alerté le ministre sur le fait que les annonces étaient surtout orientées second degré, mais il n’a pu nous donner aucune réponse pour les problématiques du premier degré », nous dit Guislaine David. « J’ai tenu à dire que les écoles ne pouvaient pas être fermées aux parents, ne pouvaient être des bunkers dont on ne franchirait pas les grilles. Mais on sait aussi qu’il faut plus de sécurité. Et pour ça, il faut des moyens supplémentaires. Les directeurs et directrices ne peuvent pas vérifier les sacs, ce n’est pas leur rôle. Le rôle des équipes pédagogiques, c’est d’accueillir les élèves ». La co-secrétaire générale de la FSU-SNUipp relève plusieurs incohérences dans les directives ministérielles. La première : vérifier tous les sacs et éviter les attroupements. « Si on filtre l’entrée, mécaniquement cela occasionne des attroupements ». La seconde : demander plus de sécurité sans octroyer plus de moyens. « On n’a pas assez de moyens humains dans les écoles : pas d’aide administrative, pas d’agents spécifiques pour assurer les entrées et les sorties… Tout repose sur les directeurs et directrices. J’ai dit au ministre que c’était le moment de relancer le chantier de la direction d’école notamment sur l’aide administrative et les décharges ».
Lilia Ben Hamouda