« Nos élèves ont besoin d’humain ». Professeur d’histoire géographie dans un collège du Doubs, formateur et fondateur du Mooc HG, Philippe Sallet fait le point sur les usages de l’intelligence artificielle pour l’enseignement de l’histoire-géographie au collège. Loin de remplacer le professeur, l’intelligence artificielle (IA) peut aider en histoire comme en géographie des apprentissages qui restent tissés par la relation professeur – élève.
L’intelligence artificielle est-elle déjà utilisée par les collégiens ? Et pour faire quoi ?
Ils la connaissent à travers l’ami virtuel qui est apparu sur Snapchat. En fait, ils y sont confrontés sans le savoir. Je l’ai utilisé avec eux une première fois en leur demandant de lui faire écrire un texte. Ils ont vite vu qu’elle n’utilise pas notre vocabulaire et ne répond pas aux compétences du collège. Un autre obstacle pour les élèves, c’est que Chat GPT nécessite une adresse mail.
Vous proposez des usages de l’IA en classe en histoire. Pour faire quoi ?
Par exemple Perplexity peut être intéressant comme assistant dans un dossier documentaire sur Digipad. L’application donne ses sources et c’est une notion importante pour les acquisitions des élèves. Ils s’aperçoivent aussi qu’une formulation maladroite entraine une réponse qui ne correspond pas aux attentes. C’est un point intéressant.
Character permet de créer des personnages et de les faire dialoguer. Je m’en suis servi par exemple pour faire parler Napoléon. On perçoit dans le personnage virtuel un patriotisme aveugle ce qui fait qu’on peut faire quelque chose de cet outil. La distorsion entre le modèle et la réalité peut donner du sens au travail.
Et en géographie et EMC ?
Chat GPT permet de produire des fichiers KMLde géolocalisation. Par exemple on peut localiser les multinationales ou les musées. Cela ouvre la voie à des travaux en classe. ON peut aussi faire construire des paysages virtuels avec Midjourney. Par exemple demander un paysage de la ville de demain en 6ème et faire réfléchir les élèves sur cette proposition et sur les instructions à donner. En EMC on peut imaginer utiliser Perplexity comme assistant.
N’y a t-il pas un risque à former les élèves à utiliser des outils d’IA ?
Utiliser l’IA c’est savoir donner de bonnes instructions pour avoir un bon résultat. C’est savoir bien formuler après avoir bien réfléchi. Même si cela questionne les travaux qu’on leur donne à faire, ce sont de bons outils pour les élèves. Il faut les intégrer comme des outils supplémentaires. Evidemment les collègues qui demandent des biographies aux élèves devront scénariser cela autrement. Sinon ils auront du Chat GPT. Mais ceux là reçoivent déjà beaucoup de copier-coller…
Les outils IA sont présentés comme en pointe pour l’évaluation. Paradoxalement ne remet-elle pas en cause l’évaluation scolaire ?
Cela va forcément demander de nouvelles approches. Par exemple pour l’oral de 3ème, les élèves vont de plus en plus s’appuyer sur ces outils. Mais est ce vraiment différent du copier coller traditionnel ? L’oral au final permet de voir ce qui a été compris. Il va donc falloir être attentif à la compréhension et à la personnalisation dans l’évaluation. Il y a des types d’évaluation que l’IA ne sait pas encore traiter comme les cartes mentales ou le croquis.
On ne peut pas s’opposer à l’IA ?
Je ne vois pas l’intérêt de s’opposer. Au final on va relativiser et gagner en maturité.
L’IA ne va pas remplacer les professeurs ?
Ce sera un assistant. Mais nos élèves ont besoin d’humain. Des outils d’aide au travail seront meilleurs. Mais les élèves vont-ils s’en servir ? La relation professeur – élève ne peut pas être remplacée par de l’IA. On peut aussi s’interroger sur le modèle économique et écologique de l’IA. Est-ce vraiment durable ?
Propos recueillis par F Jarraud
Article sur le site de Besançon
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Brochure du Conseil supérieur de l’éducation du Québec