Le collectif Nos services publics a publié une étude très éclairante « Monter un escalator qui descend » sur les effets de l’annonce de revalorisation pour les enseignants du second degré. Le collectif, composé de 600 agents du service public, fonctionnaires ou contractuels, dénonce une revalorisation qui ne servirait qu’à « limiter la chute du pouvoir d’achat » des enseignants.
En partant de trois carrières de professeurs depuis leur entrée en fonction en 2000, 2008 et 2016, le collectif montre comment depuis 2008, les mesures salariales des professeurs n’ont fait « qu’enrayer la baisse de leur pouvoir d’achat due à la sous-indexation du point d’indice de la fonction publique déterminant essentiel de leur traitement ». « Ces trois carrières-types permettent l’étude des trajectoires professionnelles d’enseignants agrégés ou certifiés, ayant connu des vitesses de progression de carrière différentes et cumulant de 8 à 23 années d’ancienneté. Elles permettent de suivre l’évolution du pouvoir d’achat individuel à mesure que les professeurs avancent dans leur carrière et d’estimer pour chacun la perte de traitement causée par la sous-indexation du point d’indice et les gains apportés par les mesures salariales ».
Trois constats émergent de cette étude.
– D’une promotion à l’autre, les gains sont globalement annulés. « À mesure qu’ils gagnent en expérience, les professeurs progressent dans leur grille indiciaire en franchissant des échelons censés leur apporter des revalorisations salariales. Pourtant, une fois passées les trois premières années, leur pouvoir d’achat tend à stagner durant la carrière. Les professeurs acquièrent un nombre croissant de points d’indice mais la valeur de chaque point diminue dans le temps du fait de sa sous-indexation continue depuis le début des années 2000 ». Ainsi, « la sous-indexation puis le gel du point d’indice ont conduit à rendre en grande partie inopérant le principe d’augmentation de la rémunération selon l’expérience professionnelle ».
– La sous-indexation du point d’indice a causé des pertes cumulées pour tous les professeurs. « Si la valeur du point d’indice avait progressé au même rythme que l’inflation depuis 2000, et en l’absence de toute autre mesure salariale, Maxime, Nadia et Sophie auraient gagné, en mars 2023, entre 250€ et 500€ nets mensuels supplémentaires ». Le collectif donne l’exemple éloquent des trois carrières sur lesquelles il s’est basé. Dans le cas de « Maxime (6 ans d’ancienneté), Nadia (16 ans d’ancienneté) et Sophie (23 ans d’ancienneté) » la perte est de « respectivement 17 600€, 41 600€ et 70 600€ ». Analysant les mesures « historiques » de revalorisation de 2008 et 2017, qui sont essentiellement des primes – « faibles, forfaitaires et non prises en compte pour le calcul des retraites » – le collectif en conclut que « la totalité des mesures salariales prises à l’endroit des enseignants du secondaire a donc consisté, non pas en une revalorisation, mais en une limitation de la chute de leur pouvoir d’achat ».
– 70% des enseignants du second degré verront leur pouvoir d’achat diminuer en décembre 2023 par rapport à décembre 2022 malgré la revalorisation annoncée. 70% des professeurs – 245 000 – ont plus de 15 ans d’ancienneté, ils ne toucheront donc que 92 euros de plus, ce qui « ne neutralisera pas même les effets de l’inflation 2023 ». Pour les 30% des enseignants restant – 100 000 – disposant de moins de 8 ans d’ancienneté, « les plus favorisés par ces mesures , en l’absence d’autre mesure de revalorisation, « son traitement réel devrait diminuer et retrouver en octobre 2024 son niveau de 2021 ».
Lilia Ben Hamouda
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