Aude Milon est professeure d’espagnol en collège à Toulon. Depuis le premier confinement, elle partage ses séances de cours sur son blog « Diaro de una profesora al borde de un ataque de nervios ». Un site qui pourrait inspirer d’autres professeurs que ceux d’espagnol. Elle répond aux questions du Café pédagogique.
« Le journal d’une prof au bord de la crise de nerfs », c’est ce que vous ressentez vraiment ?
Je suis contente que vous me posiez la question, ce n’est absolument pas le cas ! Quand j’ai créé le site, le nom m’est venu naturellement. C’était un clin d’œil à mes études hispanophones, une référence à un film d’Almodovar « Femmes au bord de la crise de nerfs ». Une sorte de private joke à destination des profs d’espagnol.
Je suis une prof d’espagnol hyper heureuse. J’aime ce que je fais.
Vous partagez énormément de ressources sur votre site. Comment a commencé l’aventure ?
Initialement, c’était une page Facebook. Lors du premier confinement en 2020, j’ai été beaucoup sollicitée. Il y a une sorte d’émulation des réseaux d’entraide chez les profs d’espagnol – j’imagine que c’était le cas pour tous les enseignants d’ailleurs. Je me suis rendu compte que ce que je faisais modestement dans ma classe pouvait être utile à d’autres. J’ai donc commencé à partager énormément de contenus. Mais gérer une page Facebook n’était pas évident, j’avais beaucoup de messages privés me demandant de partager mes activités. Je me suis alors lancée dans la création du site.
Et vous partagez toutes vos séquences d’enseignement ?
Oui toutes. Sauf celles qui n’ont pas fonctionné, et quand c’est le cas, je fais un post où je dis oula attention, je me suis complétement plantée en abordant cette notion de telle façon… Je vois que mes élèves apprécient ce que je leur propose, notamment au niveau graphique alors je me dis autant partager.
Vous proposez l’activité « Cumplidos para llevarse ». De quoi s’agit-il ?
Je voulais mettre à disposition des élèves des petits compliments – en espagnol bien entendu – pour booster leur estime de soi. Elles sont affichées devant la salle, et ils se servent en fonction de leurs besoins. Bien entendu, tout est en espagnol.
J’ai toujours fait des petites étiquettes de récompenses et d’appréciations dans le cadre d’un enseignement bienveillant surtout lors des évaluations. On apprend tous à des rythmes différents, et au moment où on est évalués, on n’est pas forcément au point. Cela peut être frustrant pour les élèves de ne pas y arriver, voire de ne pas avoir pu nous montrer où ils en étaient à ce moment-là. J’essaie d’être toujours dans la dynamique de voir le cheminement et pas forcément le résultat abouti.
Pourquoi travailler l’estime de soi avec les élèves, ce n’est pas vraiment dans les programmes, non ?
Le fait d’être maman a transformé ma pratique. J’étais une enseignante aux principes très rigides, je ne supportais pas le moindre bruit. Mes enfants m’ont appris que les enfants sont tous différents, qu’ils ont leurs facilités, leurs qualités, leurs petits travers. Qu’ils peuvent tous apprendre mais de manière différente. Nous, enseignants, on est là pour les aider à grandir et les rendre autonome. C’est un peu ce que l’on fait en classe, je ne me vois plus faire autrement. Mes intuitions de maman se sont vues éclairées et justifiées par mes lectures scientifiques et mes formations sur les compétences psychosociales.
Ma façon d’enseigner a beaucoup évolué. Et les résultats de mes élèves aussi, ils rentrent mieux avec plus d’envie dans les apprentissages.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda