À quoi sert le CNR Éducation ? E. Macron préside aujourd’hui la deuxième session plénière du Conseil National de la Refondation (CNR) en présence de la 1ère Ministre et de plusieurs ministres. À cette occasion, un premier « état des lieux » sur le CNR Education, considéré comme un des « vaisseaux amiraux » du CNR, sera fait et des projets présentés.
Le point d’étape du 12 décembre
Selon l’Élysée, le CNR Éducation est un vrai succès. 10% des écoles et établissements sont engagés dans la démarche et 10% en ont l’intention. Un établissement sur cinq serait donc engagé dans un processus qui est pour l’Élysée « une révolution copernicienne » capable de remédier aux maux de l’École.
Le 12 décembre, deux projets retenus dans le cadre du CNR seront présentés : un magasin pédagogique installé dans un lycée professionnel de Choisy-le-Roi et un laboratoire de langues dès la fin de l’école maternelle à Sablon la Seille près de Metz. Ces projets sont présentés comme innovants par l’Élysée. Mais d’autres établissements professionnels ont aussi un magasin pédagogique depuis des années. Quant à l’école de Sablon la Seille, elle est connue pour ses classes bilangues depuis des années. D’ailleurs ces projets ne devraient pas être généralisés si on en croit l’Élysée. « L’idée, ce n’est pas du tout de généraliser, mais au contraire de permettre d’outiller les acteurs, de leur apporter l’ingénierie dont ils ont besoin pour développer des projets sur le terrain ». On se retrouve dans le schéma des écoles marseillaises qui ont largement recyclé leur projet d’école dans le nouveau dispositif pour obtenir des fonds.
Des pas de géants…
Malgré tout, selon l’Élysée, « des pas de géants peuvent être faits dans le domaine scolaire » grâce au CNR. Selon l’Élysée, avec les CNR « on « encapacite », en quelque sorte, les collectifs locaux avec les enseignants, les parents, les élèves eux-mêmes bien sûr, et puis les acteurs du territoire. Et on leur donne à la fois des outils pour porter un diagnostic sur ce qui pose problème spécifiquement : l’orientation, l’aide aux devoirs, les langues, la découverte des métiers, etc. Et on les outille, on les accompagne, mais dans une posture d’accompagnement, justement, pas dans une posture d’évaluation pour déployer ces projets. C’est une révolution copernicienne dans la construction du service public, mais sans pour autant toucher au principe d’égalité ».
Le CNR éducation bénéficie d’un Fonds d’innovation pédagogique (FIP), d’un montant de 150 millions en 2023 et qui montera à 500 millions au long du quinquennat. Évidemment pour 60 000 écoles et établissements cela fait assez peu. Mais il est probable qu’un grand nombre d’établissements n’entrera pas dans le mécanisme, qui n’est pas obligatoire.
Quel effet sur l’Education nationale ?
La vraie question, c’est plutôt quel est l’effet attendu ? D’abord parce que l’échelon nationale garde la main sur la concertation. Des référents académiques « accompagneront » les équipes sur le terrain, nous dit-on à l’Élysée, « pour faire maturer les projets ». Et un guide a déjà été publié par le ministère. Les versements du FIP seront décidés par les recteurs. » Au niveau de chaque territoire et de chaque académie, il y aura une évaluation des besoins qui sera faite et donc les fonds qui seront alloués en fonction des besoins exprimés par les équipes. » Quoiqu’en dise l’Élysée, plus qu’une initiative venue du terrain, on est dans le schéma classique d’une injonction venue et strictement encadrée par en haut
Les grands défis de l’École française sont d’ailleurs rarement solubles dans les arrangements locaux. La démocratisation ratée de l’École française en est le plus bel exemple. La perpétuation d’inégalités sociales flagrantes et uniques dans les pays développés ne peut pas être combattue par les élites locales qui sont bénéficiaires du système. Seul un arbitre national peut imposer l’intérêt général contre les intérêts particuliers locaux.
Comme le font remarquer Pascal Guibert, Régis Malet et Pierre Périer, dans un récent article du Café pédagogique, ces CNR ne vont pas renforcer l’expertise des enseignants. « On peut douter que les « concertations dans les établissements » proposées par le ministère de l’EN pour la mise en place de « l’École du futur » conviant d’autres acteurs que les enseignants à la construction d’un « projet d’école » puissent renforcer le statut des enseignants et contribuer à leur valorisation. En effet, il peut sembler curieux de demander aux entreprises locales et/ou aux parents leur avis sur des choix pédagogiques ou un projet d’établissement sans auparavant revaloriser le statut des enseignants, notamment par l’amélioration des relations avec leurs hiérarchies. Le risque n’est-il pas que les enseignants voient encore leur expertise contestée par des non-spécialistes ? Et que la très faible reconnaissance professionnelle dont ils estiment bénéficier vienne diminuer l’attractivité déjà très faible de cette profession ? »
François Jarraud