Officiellement baptisée dans les programmes de français 2019, l’écriture d’appropriation a une histoire, depuis la paideia antique jusqu’à la didactique des sujets lecteur et scripteur en passant par l’innutrition humaniste façon Montaigne. Elle a aussi, espérons-le, un avenir, tant ses enjeux sont essentiels : conjuguer en action subjectivité, créativité et réflexivité, fortifier en soi, pour ou avec les autres, l’expérience et les traces d’une œuvre, donner à la littérature le pouvoir d’engager jusque dans l’Ecole « une stylistique de l’existence » (Marielle Macé). C’est ce qu’éclaire remarquablement le nouveau numéro de la revue « Le français aujourd’hui », dirigé par Martine Jacques, Caroline Raulet-Marcel et Séverine Tailhandier.
Loin du formatage académique, l’écriture d’appropriation s’y révèle à travers le vaste champ des possibles qu’elle offre à notre enseignement : monologues intérieurs de personnages, actualisation des questions soulevés par une œuvre, ateliers d’écriture de lettres de lecteurs, « Grand brouillon » autour d’un genre, réécriture transmédiatique via les réseaux sociaux, journal de lecture partagé et dialogué … Quand elle orchestre ainsi tout à la fois proximité et distanciation, quand elle devient une pratique, un apprentissage voire une coopération, l’écriture d’appropriation favorise même un « mouvement intrinsèque de désappropriation (de ses manières de lire, de penser, et d’agir) », susceptible de « déboucher sur une réappropriation comme sujet éthique, à la recherche d’une vie pleinement appropriée » (Marion Sauvaire, Stéphanie St-Onge).
Passionnant et inspirant, un numéro qui interroge nos pratiques pour ouvrit bien des possibles.
Jean-Michel Le Baut
« Les écrits d’appropriation en question(s) », Le français aujourd’hui 2022/1 (N° 216)