Pour la semaine de la laïcité, l’USEP – Union sportive de l’enseignement du premier degré – a proposé aux enseignants et enseignantes tout un programme. Cette année, l’accent est mis sur la solidarité, comme l’explique Ervin Tursic, délégué USEP du Rhône. Le projet proposé par l’association permet de débattre, de réfléchir et de vivre certaines notions du vivre ensemble que sont la fraternité, l’égalité, l’équité et bien sûr la laïcité. Tout comme Emilie Garruchet à Nevers, Sandra Philip à Druye et Bérangère Hermend à Vendin-le-Vil, de nombreuses écoles à travers la France se sont emparées des outils pédagogiques mis à disposition par l’association.
Une pédagogie de la laïcité
L’Usep organise des rencontres sportives et associatives sur tous les temps de l’enfant, et donc sur le temps scolaire aussi pour les écoles affiliées à l’association. Bien souvent renvoyée à sa seule dimension sportive, l’Usep, c’est aussi et surtout un projet d’éducation à la citoyenneté. « Notre action s’inscrit dans celle de la ligue de l’Enseignement dont elle est la composante sportive scolaire » explique Ervin Tursic, délégué Usep à Lyon. Pour l’association, la semaine de la laïcité à l’école est donc l’occasion de faire vivre les valeurs du collectif, du vivre ensemble.
« Nous accompagnons les enseignants et enseignantes en créant les conditions d’une pédagogie de la laïcité car nous sommes convaincus que la laïcité doit, sans cesse, se vivre, se discuter et s’exprimer. Ainsi, à chaque journée de la laïcité, nous organisons une action fédératrice. Cette année il s’agissait de mettre à l’honneur la fraternité. Les enfants ont alors pu la faire vivre lors d’une rencontre sportive, l’interroger lors de débats et l’exprimer avec leurs mains et avec leur corps » explique le délégué de l’association.
Un projet en trois temps
L’aspect ludique des outils proposés par l’Usep permet aux enfants de réfléchir à des notions pas toujours faciles à aborder en classe. « Les situations vécues lors des jeux coopératifs permettent aux enfants de faire du lien entre l’activité physique et le vivre ensemble. Le prolongement du débat et de la réflexion par une production artistique commune leur permet également de vivre concrètement la notion de laïcité » selon Ervin. Dans le cadre de ce projet, l’Usep a donc adressé aux classes participantes un cahier des charges avec des idées d’activités, accessibles et valorisantes pour tous, en trois volets. Le volet Bouger avec des activités pour tous de la maternelle au CM2 ainsi que des outils à destination des adultes et des enfants. « Ces activités coopératives ont été imaginées pour faire émerger des notions du vivre ensemble qui ont été ensuite abordées en classe » explique Ervin. Une Flash-mob a également été organisée dans les classes participantes, voire parfois toute l’école. Deuxième volet, Penser – Débattre où il s’agissait de permettre aux élèves d’échanger autour de deux outils de l’association, le remue-méninge et le débat associatif. Et pour finir, troisième volet, Produire–Créer avec une production artistique autour d’un musée des mains.
Des outils pour faire vivre la laïcité
Pour Sandra Philip, professeure des écoles à l’école de Druye (37), dans sa classe de CE1-CE2, c’était l’occasion pour ses 27 élèves de prendre le temps de réfléchir autour de la notion de fraternité, y compris avec les autres classes. « Les enfants sont très heureux de vivre une journée différente. C’est assez fédérateur, surtout la flash mob en fin de journée. Cela permet de travailler une notion, comme ici la fraternité, en profondeur et sous plusieurs angles. Et on la vit avec notre corps à travers des ateliers sportifs ! On est sur des activités qui renforcent la coopération, dans tous les domaines avec les débats, les jeux coopératifs, les ateliers artistiques collectifs…. Ce projet a aussi permis aussi à l’équipe enseignante de travailler collectivement sur un aspect du vivre ensemble. Par exemple, cette année, c’est le jour où nous avons mis en place les messages clairs dans toutes les classes. Enfin et surtout, le fait que cette journée soit proposée par l’USEP nous offre un cadre et des ressources qui d’une part nous incitent à vivre cette journée, et d’autre part nous outillent précieusement pour l’organiser ! Un dossier très riche nous est envoyé à la suite de notre inscription avec des ressources pour les enseignants, les élèves, des idées d’activités, des liens… » explique Sandra. Afin de lancer le projet, l’enseignante s’est appuyée sur les deux vidéos traitant de fraternité proposées par l’Usep. Les élèves ont ensuite tenté de définit la notion : « La fraternité, c’est se dire qu’on appartient tous à une grande famille, celle des humains. Il faut s’entraider, être solidaires. Sans la fraternité, il y a des gens qui ont besoin d’aide et qui resteraient tout seuls » S’en est suivi une réflexion autour de la question : « Pourquoi ça peut être difficile, la fraternité ? ». « En cercle, avec un bâton de parole, chacun a pu ou non s’exprimer. Plusieurs idées ont émergé comme c’est difficile parce qu’on ne s’entend pas toujours bien, on peut se disputer, il y a des conflits ; il y a des gens avec qui on n’a pas envie d’être fraternel ; ça peut aussi être difficile parce qu’on n’arrive pas à aider quelqu’un, on ne peut pas aider tout le monde » raconte Sandrine.
Un projet pluridisciplinaire
Emilie Garruchet a adopté la même démarche avec sa classe de CP de l’école Lucie Aubrac de Nevers. « Je suis partie des films proposés par l’Usep. J’ai ensuite organisé un « remue-méninges » qui est une sorte de petit débat autour d’une affirmation qui dans le cas présent était « Pour être amis, il faut se ressembler ». « C’était notre premier débat avec les CP, j’ai donc dû expliquer les règles et j’ai mis en place un bâton de parole. On a fait un premier tour où chacun expliquait ce qu’il pensait de l’affirmation, un second tour leur a permis de réagir aux propos de leurs camarades ». À partir des termes qui revenaient le plus souvent – aider, partager, soutenir, ensemble… – Émilie a créé un nuage de mots qu’elle a ensuite exploité pour expliquer les mots solidarité et fraternité. « A partir de cette explication, j’ai pu introduire le concept de laïcité avec l’idée du vivre ensemble et de l’acceptation des différences ».
Sur le volet artistique les classes d’Émilie et Sandrine ont travaillé sur les mains. Des empreintes de mains ont été dessinées et décorées puis placées sur un arbre de la solidarité déjà existant dans l’école, sur des affiches remplies de mains de toutes les couleurs symbolisant tous les élèves de l’école, « le mélange des mains et des couleurs symbolisant la fraternité entre tous les élèves de l’école » explique Sandrine.
Dans l’école élémentaire Jules Ferry de Vendin-le-Vil dont Bérangère Hermend est directrice, ce sont les dix classes qui ont participé au projet. « Nous avons envoyé deux classes à une rencontre sportive associative « Laïcité » organisée par l’Usep. Les élèves ont pu y vivre les trois temps du projet – Bouger, Débattre, Produire. De retour à l’école, ces élèves avaient tout en main pour reproduire cette rencontre pour les autres classes de l’école. Ils sont donc devenus « classe casquette » – c’est le terme utilisé à l’USEP Pas-de-Calais pour indiquer que les élèves deviennent auteur d’une rencontre sportive associative. Ils sont guidés par leur enseignant ou enseignante pour choisir les ateliers sportifs et plastiques qui ont été proposés tout au long de la semaine aux autres classes de l’école. Les élèves « classe casquette » sont donc investis d’une mission en responsabilité qu’ils prennent très à cœur. Les autres élèves sont toujours très réceptifs à ce type d’organisation – ce n’est pas une première dans notre école ». C’est ainsi que les récréations se sont transformées en préparations et répétitions de la flash mob. Tout au long de la semaine, les élèves « classe casquette » – organisés par groupe de quatre à six élèves – ont mené des « ateliers laïcité » pour chaque classe, « une classe à la fois, protocole sanitaire et disponibilité des infrastructures obliges » rajoute Bérangère. Ils ont aussi mené des ateliers sportifs de coopération, des ateliers de productions plastique afin de créer un « musée pour de beaux lende’main ». Les trois classes ont ensuite exécuté une flash mob sur la chanson « Toi+moi » de Grégoire dont le refrain était en langues des signes. L’occasion pour les élèves de s’y initier.
Le projet proposé par l’Usep est un projet interdisciplinaire qui a permis de faire le lien entre différentes disciplines, comme l’EPS, l’EMC, les arts visuels mais aussi le français avec la rédaction de compte-rendu à destination de l’USEP, des parents… Un projet riche qui a permis de faire vivre des valeurs liées à la laïcité. Faire vivre ces valeurs, c’est la garantie de faire vivre la laïcité dans l’école.
Lilia Ben Hamouda