Il y a toujours du plaisir dans la rentrée. Plaisir de retrouver des collègues. Surtout impatience de voir les élèves et de recommencer avec eux l’aventure d’une année scolaire. Mais cette année est marquée par un curieux cocktail d’usure et de patience. Usure d’une seconde année très difficile qui a marqué les corps et les esprits. Usure de s’adapter à une politique éducative qui n’est pas partagée par la grande majorité des enseignants. Usure d’attendre en vain une reconnaissance qui ne vient pas. Patience devant la perspective d’une année qui pourrait apporter le changement aussi bien sur le plan sanitaire que professionnel.
Le spectre du covid est toujours là à cette rentrée. Avec un taux d’incidence moyen de 180, les enseignants rentrent avec une situation sanitaire très dégradée. Quand il sont partis en vacances, le taux d’incidence était à 24. Huit fois moins. Le taux moyen pour les écoliers est à 128, soit douze fois plus élevé que fin juin. Celui des collégiens et lycéens est à 240, soit 7 fois le niveau de fin juin. Encore s’agit-il de taux moyens. L’épidémie est plus violente encore dan le sud du pays : 601 dans les Bouches du Rhône, avec un taux d’incidence de 751 chez les 10-19 ans et 381 chez les 0-9 ans. Dans l’Hérault on est à 348 avec 239 chez les écoliers et 495 dans le second degré.
C’est dire que le risque est bien là de la diffusion rapide d’un variant que l’on sait circuler aussi vite chez les jeunes que les adultes et bien plus vite qu’avec le variant précédent. Or dans l’été bien peu de collectivités locales ont veillé à adapter les locaux scolaires à la crise sanitaire. Le ministère a beaucoup parlé de les aider mais n’a pas débloqué de budget. Les enseignants ont un seul motif apaisant : la très grande majorité est vaccinée (JM Blanquer parle de 90%) et déjà la moitié des élèves âgés de plus de 12 ans aussi.
L’usure c’est aussi celle de ne pas être entendu. Selon un sondage du Snes, 81% des enseignants sont contre la politique educative du ministre. Le baromètre Unsa donne seulement 6% des enseignants en accord avec JM Blanquer. Depuis 2017, le ministre enchaine les réformes dans une cavalcade épuisante pour les enseignants sans tenir aucun compte de leur opposition. Rien ne laisse penser que cette année soit différente de la précédente.
Rien sauf le calendrier. C’est là qu’on peut parler de patience. 2022 est une année électorale. On ne sait pas si JM Blanquer tiendra jusqu’aux élections. Mais il y aura un nouveau gouvernement au printemps 2022. Et il y a peu de chances que le ministre tienne à affronter Pisa 2023 et le bilan de son action. PLus que jamais, l’année 2021-2022 est une année où il faut savoir traverser le tunnel. Et tenir.
François Jarraud