Président de la ligue de l’enseignement de l’Herault.et professeur de droit et de sciences politiques à l’Université de Montpellier, lorsque Michel Miaille parle de laïcité, ses deux fonctions se mêlent dans ses paroles pour mieux répondre à nos interrogations. Comment faire vivre et respecter la laïcité à l’école quand elle devient question vive sur la place publique ?
Michel Mialle nous le rappelle : la laïcité est un principe constitutionnel devenu un principe consensuel, un totem de la République. Elle s’impose partout ou presque. La loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace, à Saint-Pierre et Miquelon, à Mayotte, entre autres. Le « croire » a changé depuis 1905. Il s’est émietté dans des formules multiples, des interprétations individuelles de la spiritualité où la construction de l’estime de soi passe par le « croire ». L’état et l’école sont moins confrontés à des institutions qu’à des individus. L’Islam est depuis belle lurette la deuxième religion au sein de la nation. Cantonnée aux colonies dans les années 30, considérée comme dévolue à des populations migrantes dans les années 60, elle est mise aujourd’hui aux premières loges dans les débats, poussée par les extrémismes. Depuis 1905, la laïcité est restée une question, vive, vivante.
La laicité c’est la liberté de conscience pour tous, la liberté de croire ou de ne pas croire, le libre choix de ses croyances ou de ses non croyances. Ceux qui croient bénéficient de la liberté de culte, il s’agit d’une affaire privée. La lecture de la loi de 1905 et de celles qui l’ont complétée apporte des réponses aux questions liées à la laicité à l’école.
« Une petite fille peut elle venir avec un voile sur la tête ? ». Non, pas dans une école publique mais sa maman peut venir l’accompagner en portant le voile. Toutes les formes de signes religieux sont admises chez les parents. Le Niqab ne l’est pas pour des questions d’ordre public puisqu’il cache le visage. De même, l’école ne peut être décorée avec des signes religieux.
«Doit on servir des repas hallal, casher, ou tout autre type de repas assimilé à une religion ?». Pour Michel Miaille, le respect de la laïcité impose le respect des croyances. La formule idéale est celle du self service avec un choix large où l’élève peut prendre librement les plats adaptés aux prescriptions qu’il respecte, religieuses ou non. En revanche, une collectivité publique ne peut acheter de la nourriture qui serait passée par un traitement rituel car elle serait amenée à subventionner un culte religieux, ce qui est interdit par la loi de 1905.
« Un élève peut il ne pas participer aux cours d’EPS pour des raisons religieuses ? ». Le sport est une activité éducative donc personne ne peut s’y soustraire sauf raison médicale.
« Faut il accepter des mères voilées pour accompagner les sorties scolaires ? ». Non, si on considère qu’elles ont un rôle d’auxiliaire de l’éducation. La plupart du temps, ce n’est pas le cas et avoir le rôle d’accompagnatrice favorise aussi une ouverture culturelle pour les mères.
Ces questions sont parmi celles que se posent le plus souvent les enseignants à propos de la laïcité et de sa gestion au sein de la clase. Ils peuvent aussi entrer en conflit avec des parents, voire des enfants, qui réagissent à un texte, une activité, un thème étudié. Ce conflit n’est pas anormal et peut favoriser une situation de dialogue. Lorsqu’il y a menace, violence, la dimension est tout autre. Pour Michel Miaille, aucune intimidation ne peut faire céder. La loi doit passer avant tout. « La laïcité n’est pas une pensée molle qui accepterait tout». « Nous ne pouvons vivre ensemble avec profit que si nous sommes libres et égaux. » ajoute t’-il.
Les débats tournent aussi autour de l’Idée de morale laïque. » Cette morale doit elle aborder les questions de spiritualité ? Existe-t-il une spiritualité laïque ? » Pour Michel Miaille cela ne fait aucun doute puisque la spiritualité c’est ce qui s’attache à l’esprit. Or, élever l’esprit est le rôle des enseignants de la République.
« Faut il enseigner le fait religieux ? et comment le faire ? » Le fait religieux ne se réduit pas à la croyance religieuse, il s’agit d’un objet social à prendre en considération et à enseigner. L’enseignement doit permettre de juger, de comparer, libre aux élèves ensuite de choisir une religion. En restant dans l’abstrait, en prenant du recul, dans le respect des croyances, les conditions doivent être réunies pour que l’élève rencontre d’autres façons de penser sans avoir l’impression de renier sa famille.
La laicité doit s’imposer comme le vivre ensemble. S’imposer est bien le terme puisque à l’instar de la loi de 1905 dont l’application s’est faite dans la violence, la laicité est discutée, chahutée. Les raisons du débat sont pour Michel Miaille plutôt à aller chercher sur le plan social et politique avec d’un côté un besoin de reconnaissance et de l’autre un élan xénophobe. Face à cette confrontation, l’éducation possède un rôle primordial pour, dans le cadre de la loi, favoriser l’apprentissage du vivre ensemble.
Monique Royer
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