« C’est comme le nuage de Tchernobyl. En France le virus s’arrête à la porte des écoles ». Co-secrétaire générale du Snuipp Fsu, le premier syndicat des enseignants du 1er degré, Guislaine David réagit au nouvel avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) du 17 septembre. Outre la navigation à vue du ministère, elle dénonce le manque de sécurité sanitaire dans les écoles.
Le ministère annonce un millier de professeurs malades du Covid. Quel bilan sanitaire faites vous de la rentrée, notamment du nombre d’enseignants en quarantaine ?
C’est compliqué d’avoir des chiffres. On pense d’ailleurs que le ministère n’a pas de données en temps réel. Ce qui nous remonte c’est qu’il y a plus de classes fermées et d’enseignants touchés que ce qu’il dit. On n’est qu’à la 3ème semaine après la rentrée et on a déjà beaucoup de classes fermées. C’est ce qui nous inquiète. On sait que les Dasen ont une politique de minimisation des faits. Et que 7 huitièmes des structures fermées sont des écoles . Il y a beaucoup plus d’écoliers touchés par le Covid que de collégiens et lycéens.
Selon le HCSP, les enfants ne sont pas contagieux ni entre eux ni vers les enseignants. Qu’en pensez vous ?
Le HCSP dit qu’ils sont « moins contaminants ». Mais c’est là qu’est le risque. Ils sont capables d’infecter des enfants et des adultes. Une étude étrangère dit d’ailleurs que les enfants ont une charge virale aussi importante que les adultes. Des médecins en France disent aussi que les enfants peuvent être contaminants.
C’est comme avec le nuage de Tchernobyl : le virus s’arrête à la porte des écoles. En France on fait l’autruche. C’est inquiétant car la contamination faite dans les écoles peut gagner les familles. On se rappelle aussi qu’iln’y a que quelques semaines le premier ministre conseillait aux grands parents de ne pas aller chercher leurs petits enfants à l’école. Trois semaines plus tard, le risque aurait disparu ? Ces discours qui changent toutes les semaines sont insupportables. Que doivent dire les directeurs aux familles?
On a l’impression d’une navigation à vue dans un but uniquement économique : préserver les entreprises, faire en sorte que leurs salariés viennent travailler.
Les masques Education nationale sont le seul rempart pour empêcher l’épidémie de progresser. Vous paraissent-ils suffisants ?
Des ARS ont écrit que le seul masque protecteur est le masque chirurgical. Là aussi on observe une impréparation au plus haut sommet de l’Etat. On est passé du masque inutile au masque tissu efficace en 6 mois. Cela créé une insécurité pour les enseignants.
Le HCSP dit que les professeurs exerçant dans une classe où un élève est malade n’est pas cas contact. Qu’en pensez-vous ?
Ce qu’en pensent aussi certains médecins. Il y a eu des contaminations dès avant le 13 mars . Il n’y a pas de raison que ça s’arrête. Dans les classes, avec 26 élèves en élémentaire, 30 en maternelle, on ne respecte pas les règles de distanciation. Les élèves sont brassés. Le port du masque n’est pas recommandé aux enfants donc quand l’un d’entre eux va tousser cela créera des cas contacts. Le risque de dire que les enfants sont très peu porteurs d ela maladie c’est que plus aucune précaution ne soit prise dans et hors de l’école. Il n’ya aura pas non plus d’isolement si la contamination a lieu.
Globalement le ministère prend-il assez en compte le risque sanitaire dans les écoles ?
On est dans l’impréparation et l’imprécision. Et ça on le dit depuis le 15 août. Cette rentrée n’a pas été préparée par le ministère. JM Blanquer parle de « rentrée dans la joie ». Mais, si les enseignants étaient enthousiastes à l’idée de reprendre l’école, il y a aujourd’hui beaucoup d’inquiétude. Car la sécurité sanitaire n’est pas assurée dans les écoles pour les personnels comme pour les élèves. On constate aussi que le plan de continuité prévu en cas de circulation très active du virus, n’est pas mis en oeuvre alors que le virus est très actif dans de nombreux départements. ON avait aussi entendu le ministre dire qu’il aurait une solution de garde en cas de fermeture de classe. Mais rien ne semble concrètement avoir été prévu. ON ne va plus fermer de classe. Et les enseignants seront au travail. Mais pas protégés.
Que demandez vous ?
On demande au ministre d’assurer la protection des enseignants. On va refaire cette demande en CHSCT. On ne s’attendait pas à ces propos ministériels face au redémarrage de l’épidémie. On ne s’attendait pas à un allègement du protocole alors qu’on demande un durcissement.
Propos recueillis par F Jarraud