Grand prix du public au 11ème forum des enseignants innovants, Erwan Vappreau, professeur des écoles à la Roche-des-Grées à Messac (35), valorise les compétences technologiques mais aussi humaines de ses CM1 et CM2. En alliant mathématiques et impression 3D, il les entraîne à « modéliser et imprimer toute l’année des objets utiles aux autres ». De la prothèse de main aux tableaux du musée des beaux-arts, les idées ne manquent pas et permettent de créer du lien avec de nombreux partenaires. En suivant leur propre cahier des charges, les écoliers prennent également régulièrement la parole devant des adultes pour expliquer leur démarche.
Comment résumer votre projet « Makers solidaires » mené en CM1 CM2 ?
Ce projet est le fruit de 3 ans de développement d’une méthodologie de projets transdisciplinaires et de mise en valeur pédagogique de compétences technologiques associées aux mathématiques et à l’impression 3D en classe. Il évolue vers une implication croissante des élèves dans des projets à vocation solidaire et dans la définition des problématiques retenues par la classe, ceci dans une optique de développer une véritable dynamique de tiers lieu éducatif en classe.
Nous prenons en charge des missions proposées par un des partenaires vers qui nous nous sommes tournés ou qui sont venus d’eux-mêmes vers nous. L’aventure a été de modéliser et d’imprimer toute l’année des objets utiles aux autres : une prothèse de main, des tableaux du musée des beaux-arts rendus tactiles, une fleur pour un chercheur lépidoptériste du CNRS, un cœur d’éolienne pour des collégiens …
En quoi votre démarche est transdisciplinaire ?
Le processus de conception d’un objet en impression 3D implique la maîtrise d’un outil de modélisation qui permet d’utiliser concrètement le vocabulaire mathématique en géométrie dans l’espace. La précision recherchée implique d’utiliser entre autre, les unités de mesure, les nombres décimaux, la proportionnalité.
La conception du cahier des charges implique parfois de faire des recherches préalables… L’écrit est aussi mobilisé pour documenter et valoriser le projet, formaliser des connaissances ou produire des écrits libres associés. Ensuite, selon les thèmes abordés, d’autres compétences et disciplines sont sollicitées (anglais dans l’usage d’interfaces maintenues en anglais, développement durable, sciences et techniques dans la maîtrise de l’outil imprimante, les arts visuels …)
A quoi ressemblent les cahiers des charges rédigés par les élèves ?
Le document présente à l’écrit la problématique, l’analyse du besoin initial et le cadre dans lequel est pensé l’objet à modéliser. Les caractéristiques précises de l’objet sont apportées par des schémas légendés et des dessins enrichis de côtes précises. Selon la complexité du projet, des contraintes sont précisées. L’appréciation et l’analyse finale est apportée par sa mise en utilisation finale, mais elle a pu parfois faire l’objet d’expérimentations successives.
Le document évolue et sa version finale est enrichie à la fin du projet du résultat obtenu pour en faire un document de valorisation et de documentation.
Certains cahiers des charges sont entamés par nos partenaires lorsqu’il s’agit par exemple d’une autre classe, permettant à mes élèves de se confronter à des documents produits par d’autres élèves et d’en comprendre la structure et le contenu.
Que peuvent faire vos élèves avec l’imprimante 3D ? Quels sont leurs rôles ?
Le rôle des élèves et vraiment d’imaginer l’objet de A à Z. de le penser en volume avec la pâte à modeler, d’imaginer les étapes de la modélisation à partir de ses projections 2d, de produire des dessins de vues de différents faces et d’y ajouter des côtes. La limite technique est posée par les compétences mathématiques qui sont celles du cycle 3. Nous restons globalement dans la modélisation et la combinaison des solides élémentaires en utilisant les fonctions de base du programme de modélisation. Je leur propose rarement de pouvoir utiliser des addons ou des fonctions de simplification permettant de produire des formes plus complexes.
Quelle place réservez-vous à l’oral dans ce projet ?
L’oral s’invite à différents moments : en débat collectif, lorsque nous sommes amenés à réfléchir sur un sujet particulier (handicap, solidarité, développement durable ..), L’oral est aussi présent dans le travail en équipe induit de la démarche de projet. Il est aussi mobilisé lorsqu’il faut préparer un entretien avec un partenaire lorsque des échanges par Skype ou Framatalk sont engagés ou lorsque le partenaire parvient à venir nous voir en classe. L’oral est enfin présent en phase de valorisation finale lorsque le projet est présenté aux parents, aux autres classes, mais aussi au grand public lorsque nous allons le présenter au village des Sciences (dans le cadre de la fête des sciences).
Quel est votre regard sur le temps vécu à Paris lors du forum des enseignants innovants ?
C’est un temps fort valorisant et motivant. Il permet de découvrir le travail de collègues de niveaux différents et offre l’opportunité d’échanger nos pratiques, moment précieuse qui manque beaucoup en général. Il invite aussi à porter un autre regard plus distancé sur son proche projet, ouvrant des pistes bienveillantes de réflexions pour le faire évoluer, l’améliorer sur le fond comme la forme. C’est enfin un temps qui permet de prendre des contacts de collègues avec qui de la coopération est envisageable pour la suite.
Entretien par Julien Cabioch