Un groupe d’élèves réunionnais, certains en situation de handicap, vont passer du Piton des neiges (plus haut sommet de la Réunion à 3070m) à l’Himalaya. Non contents du défi sportif que cela peut représenter, ils vont monter des cabinets d’optique dans les villages traversés, installer des fours solaires et présenter des spectacles culturels à l’autre bout du monde… A l’origine de ce grand projet humanitaire, Thierry Renard, professeur d’EPS au collège Antoine Soubou sur la commune de St Paul à la Réunion. Il partage avec nous la genèse et les ambitions du projet.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre projet ?
Au départ, il s’agissait de réaliser un trek dans la Langtang Valley au Nepal en passant par un sommet de 4980m avec nos élèves de l’Association Sportive du collège. Puis petit-à-petit ce projet a dépassé l’aspect sportif et d’autres objectifs se sont greffés. Enfin, nous avons dépassé le simple cadre de l’AS et du collège pour s’associer à 4 autres établissements de l’île autour de ce rêve un peu fou…
C’est à dire ?
En réalité différents volets ont vu le jour très rapidement et tout naturellement. Pour commencer, le projet humanitaire! Lors de notre parcours nous allons traverser 5 villages. Dans chaque village où nous passerons, nous monterons un cabinet d’optique. Les villageois sont déjà avertis et nos élèves leur feront passer plusieurs tests afin de mettre à leur disposition des lunettes récupérées à La Réunion (environ 4000 paires) adaptées à leur vue. Il s’avère qu’à La Réunion, l’URMA (le centre de formation d’apprentis de la chambre des métiers de l’artisanat) et le lycée professionnel Vincendo sont spécialisés dans l’optique dans le cadre du bac pro. Dès lors, il semblait indispensable qu’ils puissent nous accompagner à la fois dans la préparation des montures mais également dans le trek au Népal. De ce fait, nous sommes passés d’un à trois établissements sur ce projet de lunetterie.
En plus de la lunetterie allez-vous proposer des fours solaires ?
Oui, on part du même principe. Nous avons plusieurs établissements sur l’île qui se sont intégrés dans ce projet à travers les fours solaires. Par exemple, le lycée professionnel Jean Joly à la rivière Saint Louis prépare et fabrique 4 fours solaires en bois et le lycée Lepervanche au Port va fabriquer 50 fours solaires en aluminium. Notre idée est d’installer de 10 à 11 fours solaires par village. Six élèves du lycée pro viennent avec nous, accompagnés de 2 enseignants, pour monter les fours sur place. Nous avons fait le choix de l’aluminium pour une question de poids, en effet les fours solaires en bois pèsent 15kg quand ceux en aluminum pèsent dix fois moins.
Existe-t-il aussi un projet culturel ? En quoi consiste t’il ?
En effet, c’est également un volet de notre projet. Vous avez pu comprendre que la notion d’échange et de partage est au coeur du projet. En tant qu’îlien notre identité est vraiment un élément fort dans la construction de soi, de ses racines. Dès lors nous travaillons depuis un an avec le collège Célimène Gaudieux sur un spectacle qui explique l’histoire de la Réunion sous forme de comédie musicale durant environ 45 minutes. Il sera présenté à la Réunion mais également et surtout à l’alliance française de Katmandou, à l’institut français de New Delhi et surement dans certains villages traversés.
Mais comment ces idées ont-elles vu le jour ?
C’est une longue histoire… Difficile de trouver un début, mais plusieurs histoires en parallèle peuvent permettre de répondre à votre question. Déjà ce sont les projets réalisés précédemment qui ont joué un rôle important. Que ce soit un voyage scolaire à la montagne pour pratiquer le ski avec nos élèves en situation de handicap, ou un séjour à Madagascar il y a deux ans avec les élèves de l’association sportive où nous avions également installé des fours solaires. Ces projets ont permis de prendre conscience de l’impact de ces démarches sur les élèves. Et puis, à titre personnel, j’ai eu la chance de réaliser un séjour dans cette fameuse vallée. Il faut reconnaître qu’il y existe une ambiance très particulière avec une forte spiritualité. C’est sûrement un premier moyen d’expliquer la naissance du projet. Il y en aurait sûrement d’autres, notamment les rencontres réalisées, les coups de téléphone, les échanges entre collègues passionnés.
C’est un projet fou, n’avez-vous pas peur de rencontrer une multitude de freins?
Oui vous avez raison, mais le véritable frein vient de nous ! Évidemment, c’est logique de penser que c’est impossible, mais il y a des moments incroyables qui donnent une force dingue. Comme le patronage de l’UNESCO qui a soutenu notre projet, et lorsque j’ai présenté ce patronage aux parents, les larmes sont vite apparues. Et petit-à-petit d’autres moments forts viennent nous pousser vers l’avant. Le mois dernier nous avons réuni 1200 personnes au théâtre de plein air de Saint Gilles avec l’aide de Danyel Waro et du groupe Ousanousava qui sont venus bénévolement. Plusieurs entreprises privées soutiennent le projet, je trouve que c’est vraiment important à souligner. Du coup, peu à peu les choses deviennent possibles. Après il y a le budget qui est une préoccupation importante. Sur les 220 000 euros nous avons déjà recueilli 170 000 euros, ce qui est juste inimaginable, mais il reste encore 50 000 euros… Le départ aura lieu le 20 avril 2020 alors nous avons encore l’espoir de boucler cette partie importante mais je ne me focalise pas sur l’aspect financier.
C’est à dire ?
Ce qui est fou c’est de réussir à faire travailler tout le monde ensemble. Les élèves se sont embarqués dans un projet sur 3 ans, c’est à dire que pour certains ils seront au lycée le jour du départ. Dès lors, nous aurons des collégiens, des lycées d’établissements différents mais aussi certaines écoles du secteur qui vont prendre part au projet. Nous avons le soutien de certaines instances publics, des entreprises privées, plusieurs partenaires chez les médias qui nous accompagneront également lors du séjour. Avec le recul, c’est la multitude des partenaires d’horizons variés et la diversité des établissements et des élèves concernés qui font qu’avant même le départ, c’est déjà une énorme réussite.
Propos recueillis par Antoine Maurice