Quand on signe une convention avec le Medef , à l’éducation nationale, il faut préciser que c’est un renouvellement. Le 4 juin, JM Blanquer ne s’y trompe pas en paraphant avec Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, une nouvelle « convention de coopération ». Mais s’agit-il vraiment d’un renouvellement ou d’une nouvelle ère ? Quelle place le ministère veut-il garder alors que la coopération avec les entreprises pour l’éducation est largement transférée aux régions ? Et que reste-il du Conseil national éducation économie (CNEE) quand l’Etat signe avec le Medef ?
D’une convention l’autre
« Le rapprochement école entreprise est nécessaire en France comme dans les autres pays », explique JM Blanquer le 4 juin, à l’occasion de la signature de la convention avec le Medef. Le rapprochement éducation nationale Medef n’est pas récent. En 2005 François Fillon, ministre de l’éducation nationale, et le Medef signent une première convention qui pérennise la semaine école entreprise. Elle prévoit déjà une information des collégiens sur les entreprises. C’est cette convention fort courte que JM Blanquer et Geoffroy Roux de Bézieux renouvellent le 4 juin 2019 avec un texte beaucoup plus long.
Valoriser l’entreprise
La nouvelle convention fixe trois « axes de coopération : valoriser auprès des élèves l’entreprise pour leur faire découvrir les métiers au travers d’actions d’information et d’orientation et leur donner l’envie d’entreprendre ; favoriser l’accueil et l’immersion des jeunes en formation et des personnels de l’Education nationale dans les entreprises et la synergie des voies de formation professionnelle ; faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ».
Les publics visés sont les collégiens mais aussi les lycéens et les décrocheurs. Le medef pourra intervenir dans l’information des élèves sur l’orientation. « On aura besoin de salariés formés et bien orientés », a dit Geoffroy Roux de Bézieux. Ces interventions auront lieu dès 2019 sous controle des régions à qui la loi avenir professionnel a confié l’orientation. L’entrée des entreprises dans les établissements aura lieu sur les 36 ou 54h destinées à l’orientation , éventuellement avec du personnel régional. « Les entreprises pourront faire connaitre les opportunités » a déclaré JM Blanquer.
L’éducation à l’entreprenariat
La convention veut aussi « donner envie d’entreprendre ». On touche là à une campagne que le Médef souhaite lancer depuis des années sur l’éducation à l’entreprenariat. « Le développement de l’esprit d’entreprendre, et plus largement des compétences entrepreneuriales (esprit d’initiative, créativité, etc.), s’inscrit dans le cadre du parcours Avenir au collège et du cycle terminal professionnel », précise la convention. Elle permettra de « favoriser l’accueil et l’immersion des jeunes en entreprise ».
Enfin , la convention tient compte de la nouvelle définition de l’enseignement professionnel. « La réforme de l’enseignement professionnel , on la soutient » affirme G Roux de Bézieux. La loi avenir professionnel a confié aux branches professionnelles, et donc aux entreprises, la responsabilité de la formation en apprentissage, ce qui satisfait le Medef. Le ministre souligne la progression des orientations en apprentissage (+40%) et dans la voie professionnelle (+5%).
Le Medef se dit pret à aider à la mise en place des nouveaux campus des métiers annoncés par le ministre. Leur carte sera publiée d ‘ici la fin de l’année scolaire a précisé JM BLanquer. Le medef pourrait créer des « maisons de l’entreprise » sur les campus et expertiser les dispositifs d’insertion professionnelle.
On le voit la convention doit beaucoup aux choix récents du gouvernement, à la loi Avenir professionnel et à la réforme de l’enseignement professionnel. C’ets cette loi qui a donné l’apprentissage aux branches professionnelles et l’orientation aux régions.
De nouvelles opportunités pour le Medef
Du coup de nouvelles opportunités de développer son influence dans les établissements se dessinent pour le Medef.
Le Conseil national éducation économie, sommeillant depuis 2018, est dissous , annonce JM Blanquer en réponse à une question du Café. Il sera remplacé par un « Comité stratégique national éducation entreprises campus ». D’après l’entourage du ministre sa composition devrait rependre celle du CNEE et comporter notamment les syndicats enseignants.
Pour JM BLanquer le ministère garde un rôle « d’impulsion » dans l’ application de la convention avec le Medef. Mais la loi a largement transféré les responsabilités ailleurs. Aux régions pour l’orientation Aux régions, aux recteurs de région académique et aux sections régionales du Medef pour l’entrée des entreprises dans les établissements dans le cadre de la nouvelle orientation et de l’éducation à l’entreprenariat.
Reste le non-dit. Dans un article de la Revue française en sciences sociales n°140, Sylvain Starck parle de « divorce à la française » sur les rapports éducation entreprise. L’éducation à l’entreprenariat , bien implantée dans le supérieur, a du mal à entrer dans le second degré même déguisée en » esprit d’entreprendre » et cela malgré son inscription dans le socle sous la forme du « sens de l’engagement et de l’initiative ». Pour S Starck » le milieu enseignant veille à son indépendance vis-à-vis des exigences du monde professionnel et des pressions que celui-ci peut exercer sur les finalités et les contenus d’enseignement ». Jusque là l’éducation à l’entreprenariat avançait masquée. La réforme de l ‘orientation, en la transférant aux régions ouvre une nouvelle ère pour l’organisation patronale. De quoi justifier une nouvelle convention.
François Jarraud