Quel bilan faire de la loi Blanquer ? Les lois sur l’École sont très rares. Chacune, 1989, 2005, 2013, a marqué profondément l’institution scolaire. En gravant son nom sur cette quatrième loi, JM Blanquer signe un texte qui aura une portée administrative importante, marqué par un recul vers une école plus inégale. Mais un texte finalement mal rédigé, tout empli de l’autoritarisme de son rédacteur, peu pensé et à coté de la plaque par rapport aux difficultés de l’École française.
La loi Blanquer s’impose comme une loi importante pour ses conséquences structurelles à long terme sur l’Ecole. Les EPSF vont se traduire par une réorganisation du primaire, la rentabilisation des structures et des fermetures de classes particulièrement en zone rurale. Elle amènera aussi une « secondarisation » du primaire dont on voit mal encore les conséquences.
La création des EPLEI instaure dès la maternelle une école à deux vitesses avec une filière spéciale pour les enfants des familles les plus aisées. L’effet numérique devrait être mineur, mais majeur symboliquement. C’est en cohérence avec le rétablissement des classes d’élite dans les collèges. La montée des inégalités résultera aussi du transfert d’argent au privé qui permettra à ces écoles de se développer et de creuser la différence.
Trois caractères sont encore à relever. D’abord la faible qualité du texte. De très nombreux points n’avaient pas été prévus au départ qu’il a fallu ajouter au dernier moment. Par exemple les auteurs n’avaient pas prévu que l’EPSF allait ruiner les jardins d’enfants. Il a donc fallu introduire un moratoire. La question de la compensation des communes suite au reporte de l’instruction obligatoire avait été très peu travaillée. Ou encore l’école inclusive a été ajoutée au dernier moment. Cela résulte du choix politique fait par le ministre de s’affranchir de tout contrôle (conseil d’État, passage en CSE, étude d’impact, etc.) en procédant par amendement. Pour pouvoir réaliser un texte de qualité dans cette situation, il faut des rédacteurs de qualité…
Le caractère dominant de cette loi c’est l’autoritarisme. Outre l’article 1, la loi renforce l’autorité du ministère sur la direction des Inspe, sur la réforme territoriale, sur l’évaluation de la politique scolaire empêchant tout bilan objectif etc. Il faut que le ministre contrôle tout, nomme tout le monde et finalement s’évalue lui-même. La confiance, pour JM Blanquer, c’est l’obéissance et cela jusque dans les détails. Tout doit céder au ministre.
Mais au final ce qui se dégage de ce texte surtout c’est son inutilité. Quelle difficulté du système éducatif français est résolue par la loi ? Le principal problème de notre école c’est son éclatement avec le décrochage de niveau de 20% des élèves. L’EPSF aurait pu apporter un soutien pour ces élèves. Mais il aurait fallu pour cela que les aspects pédagogiques soient travaillés. Or seul le côté gestionnaire l’a été. De nombreux exemples montrent que ce n’est pas parce qu’école et collège sont sous le même toit ou la même autorité que la transition pédagogique est facilitée.
Le ministre semble convaincu que l’amélioration de la formation des enseignants permet de pallier les difficultés scolaires. Comme si l’organisation scolaire n’avait pas aussi son importance. Mais même sur le terrain de la formation, ce que la loi impose c’est un référentiel ministériel (dont on ignore le contenu) et la mise au pas des INSPE. En quoi cette obéissance est-elle un gage de qualité de la formation ? N’encourage-t-elle pas au contraire la routine et le désintérêt ?
Cette loi est surtout une loi d’ordre. C’est pour cela que son principal effet sera immédiatement un fort soutien aux plus privilégiés par le transfert de moyens au privé et la création des EPLEI. Les autres, ceux qui ont besoin le plus de l’École et ceux qui la font, sont seulement priés d’obéir.
François Jarraud
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