Sos Méditerranée, c’est cette association qui sauve les réfugiés en détresse. Des milliers de vies sauvées. Mais pas que. L’association a obtenu récemment l’agrément pour intervenir dans les écoles auprès des élèves pour promouvoir une dynamique de solidarité vis-à-vis des migrants, notamment en témoignant des réalités migratoires. C’est dans le cadre de cet éveil des consciences que s’inscrit la sensibilisation en milieu scolaire. Une cinquantaine d’intervenants bénévoles, formés à ce type d’intervention, 23 000 élèves sensibilisés en trois ans. Lola Gourieux, enseignante de cycle 3 à l’école Kléber de Marseille (13) nous raconte son expérience.
Lola a découvert les interventions de sensibilisation de Sos Méditerranée il y a deux ans. Elle adhère immédiatement à l’idée et se lance avec l’une de ses collègues, toutes deux enseignantes en cycle trois. « La démarche était, au départ, assez impulsive, nous nous sommes dit pourquoi pas ? Les élèves sont témoins de nombreux discours sur les migrants, j’avais envie qu’ils puissent se renseigner et avoir des réponses à leurs questions ». Elle contacte alors l’association et très rapidement reçoit une réponse. « Ils ont été assez réactifs. Nous nous sommes téléphoné pour échanger sur leur venue et nous avons convenu du déroulé ». C’est ainsi que démarre l’aventure. Deux séances d’une heure trente avec trois intervenantes.
Parler de la réalité du vécu des migrants pour transmettre des valeurs morales
Christine Fanniere, en charge de la sensibilisation scolaire au sein de l’association, rappelle les principaux objectifs des interventions. « La sensibilisation en milieu scolaire s’appuie sur le devoir d’assistance à personne en danger. Le projet pédagogique a un double objectif : transmettre des valeurs morales et donner un contenu concret aux trajets migratoires ». Et pour cela, les intervenants donnent la parole à des enfants dont le trajet migratoire est passé par un sauvetage à bord de l’Aquarius. « Cela sensibilise les élèves aux causes du départ de ces familles mais aussi aux différentes étapes et difficultés qu’ils ont rencontré sur leur route ». Lola, qui accueille les intervenants pour la deuxième année, apprécie la qualité pédagogique de ces moments. « La séance démarre avec une explication autour des mots migrants, immigrer, émigrer et une présentation de l’association avec un cours documentaire qui présente le bateau et montre comment se déroulent les sauvetages en mer. Ensuite deux parcours de migrants sont racontés : celui de Hamza, un petit garçon de 8-10 ans qui a fui la Syrie avec ses parents et est venu jusqu’à Marseille et le parcours de Mercy, qui est née à bord de l’Aquarius, et sa mère Mercy. Le discours est simple, accessible et en parallèle un power point défile pour montrer des photos, des cartes, … ». Vient ensuite un temps d’échanges, dont il ressort que « les élèves sont très réceptifs aux parcours d’Hamza et de Mercy, ils se projettent ». Des séances vivantes et riches, « Les élèves manifestent une curiosité et une empathie extraordinaires. Ils posent de nombreuses questions et nous émerveillent toujours par leur intelligence et leur sensibilité » explique Christine.
Des séances qui trouvent leur place dans les programmes d’EMC
Lola part de la première intervention dans la classe pour construire sa séquence d’apprentissage autour de l’Éducation Civique et Morale (EMC). « Il y a de multiples façons de raccrocher cette intervention aux programmes car elle peut être le support d’activités transdisciplinaires. Tout dépend de ce que l’on souhaite faire. Pour moi l’objectif était d’informer les élèves, de créer une prise de conscience ». Et elle fait le lien avec les programmes, « qui rappellent que respecter autrui c’est respecter sa liberté, le considérer comme égal à soi en dignité et que la morale repose sur la conscience de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine. Cet enseignement s’effectue chaque fois que possible à travers l’analyse de situations concrètes. Le respect d’autrui fait partie des attendus de fin cycle. Il me semble que pour parvenir à ce respect il faut aussi être capable de se mettre à la place de l’autre et de comprendre sa situation ».
Une intervention en lien avec ce qu’ont vécu certains élèves
Les élèves de la classe de Lola se montrent toujours très intéressés par la séance avec l’association. « Ils se questionnent énormément sur les situations vécues par les migrants et sur les raisons de ces situations. La question de l’injustice est souvent au cœur de la discussion. C’est compliqué pour eux de ne pas avoir de réponses à des questions du type mais pourquoi on laisse ces gens dans la mer alors qu’ils risquent de mourir ? ». Lola a changé d’école cette année, même si elle note quelques différences dans l’implication de ses élèves, elle n’en demeure pas moins convaincue de l’intérêt de cette sensibilisation dans la construction du citoyen de demain. « La première année les élèves ont été très impactés par l’intervention. Ils ont d’ailleurs décidé de reverser les bénéfices d’un vide grenier et de la vente de leur journal de classe au profit de l’association. C’était remarquable, d’autant que l’idée est vraiment partie d’eux en conseil de classe. C’était chouette de les voir mettre en place ce projet qu’ils étaient fiers de mener. Ils ont fait preuve de beaucoup d’empathie et je crois que certains élèves ont vraiment modifié leur manière de voir les choses. Cette année, le projet devait inclure la visite de Monsieur Madame, les chanteurs de la chanson Mercy, qui raconte son histoire, mais cela n’a finalement pas été possible car les dates de tournée ont été modifiées. Les élèves avaient appris la chanson avant l’intervention, ils étaient donc déjà informés de ce que faisait l’association. Et puis, j’ai en classe davantage d’élèves qui sont eux-mêmes arrivés en France durant l’année, trois sur vingt-six, et dans l’école nous avons eu beaucoup d’élèves qui sont arrivés de Syrie lors du premier trimestre. Les parcours migratoires présentés faisaient donc plus écho à certains, qui ont raconté à la classe leur arrivée en France ».
Une association reconnue d’intérêt national
L’association SOS méditerranée a été souvent attaquée, surtout sur les réseaux sociaux, mais, comme l’explique Christine : « Nous restons bien sûr dans une information objective des réalités migratoires et du drame qui se déroule à nos portes. Nous ne faisons ni propagande ni incitation à la migration comme certains nous le reprochent. L’agrément ministériel, que nous avons obtenu en 2018, nous donne une mission éducative complémentaire de l’enseignement public, considérant que l’association répond à un objectif d’intérêt national ».
Alors pour ceux qui ne connaissent pas SOS méditerranée et qui vivent en région parisienne, rendez-vous le 15 avril à la soirée de soutien « Tous à bord » qui aura lieu à l’Odéon, théâtre de l’Europe, dans le sixième arrondissement parisien. Et, pour une intervention en classe, premier et second degré, il suffit d’envoyer un mail à contact@sosmediterranee.org .
Lilia Ben Hamouda