Annoncé à grands risques, le séminaire de formation des 1400 inspecteurs du primaire à l’ESEN s’annonce comme un grand moment de transmission de la politique ministérielle. Du 10 au 12 septembre et du 26 au 28 septembre, tous les inspecteurs du primaire (IEN) devront suivre un stage où n’interviennent que des personnalités proches du ministre. Les syndicats des IEN craignaient un moment de forte idéologie. Le programme publié le 5 septembre confirme que ce sera le cas.
« Les collègues qui vont y aller y vont à contre-coeur », nous avait confié Patrick Roumagnac, secrétaire général du SIEN Unsa. « On s’attend à avoir des explications sur l’apprentissage des maths et de la lecture de très bas niveau et qui ignorent les problématiques des territoires », nous a dit P Roumagnac. « Les IEN ont le souvenir des regroupements de l’année dernière sur la lecture où on a entendu des choses sidérantes, idéologiques », nous disait Paul Devin, secrétaire général de l’autre syndicat d’inspecteurs, le SNPI Fsu. « Le ministère passe son temps à répéter que c’est le ministère de la confiance mais engage des pressions autour de consignes très fermées et très directives et qui n’ont pas fait leurs preuves ».
Le programme des trois journées de formation des inspecteurs ne vise pas l’enseignement de la lecture ou des maths mais l’explicitation des textes ministériels, ce qui n’est pas la même chose. » Il s’agit de conforter et d’outiller les inspecteurs du premier degré dans la conception d’un pilotage pédagogique adapté aux réalités de leur circonscription et tenant compte des quatre notes de service publiées au BO spécial du 26 avril 2018″, explique le document officiel. Ces quatre notes sont les « recommandations » ministérielles qui, au passage, se transforment en véritable programme. Le Café pédagogique avait publié en exclusivité le texte de ces « recommandations » deux semaines avant leur publication au JO. De nombreux chercheurs ont manifesté leur opposition à ces textes jugés purement idéologiques.
Pendant trois jours les inspecteurs vont devoir écouter Franck Ramus, un psycholinguiste reconnu, nommé par JM Blanquer au conseil scientifique qui a des certitudes sur ce qu’il faut enseigner. Ghislaine Dehaene, neuro scientifique épouse de Stanislas Dehaene est aussi au programme avec Eric Lambert, un spécialiste de la syllabe et Michel Fayol, membre également du conseil scientifique.
Les autres intervenants appartiennent à la garde rapprochée de JM BLanquer. Du coté de l’Inspection générale, interviennent aussi Caroline Pascal, nommée par lui doyenne de l’inspection générale, Marie Mégard, que le ministre vient de nommer doyenne du groupe enseignement primaire alors que ses collègues avaient fait un autre choix. Ou encore Vincent Stanek, un philosophe spécialiste de Schopenhauer que le ministre vient de nommer inspecteur général. Dans les autres intervenants on compte un historien specialiste de la vie politique, un linguiste, un spécialiste des cultures antiques.
Mais ce qui frappe d’abord ce sont les absents de ces journées de formation s’agissant de la lecture et des maths. C’est simple : aucun des grands spécialistes reconnus de cet enseignement n’est admis à parler devant les IEN. Roland Goigoux, dont les travaux guident les enseignants pour l’apprentissage de la lecture, avait expliqué « qu’aucune expérimentation n’a validé la méthode promue par le ministère et aucune comparaison internationale n’a conclu à sa supériorité ». Il n’est pas invité. Ils n’entendront pas non plus R Brissiaud ou R Charnay pour les maths. Le tri a aussi été fait dans l’institution qui a pour mission de guider les IEN : l’inspection générale. Viviane Bouysse, très appréciée des enseignants de maternelle, n’est pas au programme.
Les journées portent sur le pilotage, l’enseignement du vocabulaire et de la grammaire, la résolution de problèmes à l’école élémentaire et le « lire écrire au CP », confié à F Ramus. Les inspecteurs ne sont pas là pour connaitre les pratiques des enseignants de façon à les aider ou pour débattre sur ce qu’on sait de l’enseignement des fondamentaux. Mais pour faire appliquer ce qui a été présenté comme au départ comme des « recommandations » pour une école de la confiance et qui devient des instructions à appliquer.
François Jarraud
Rentrée dans le malaise des IEN