Lorsque j’ai annoncé aux parents d’élèves que nous allions recevoir une délégation de collègues madrilènes qui souhaitaient voir comment nous travaillons en classe, j’ai été surprise et ravie par l’engouement des mamans. En effet une particularité de ma classe c’est que j’invite les parents à intervenir chaque jour. Ils nous accompagnent à la préparation de la collation, dans des ateliers…
Les mamans ont décidé de se mettre en scène pour l’occasion. Ce jour-là nous étions si nombreuses en classe que nous peinions à trouver une place. J’ai d’ailleurs dû expliquer à nos invités que d’ordinaire elles viennent par deux, quatre au maximum. Elles étaient sept. Sept à montrer comment elles prenaient en charge différents ateliers. Autonomes les mamans et à l’écoute des enfants. Elles étaient heureuses de participer à présenter ce fonctionnement qu’elles affectionnent. Pendant une heure elles ont mené des ateliers tournants : jeux de société et collation avec réalisation d’un gâteau pour l’après-midi.
Quelle joie aussi lorsqu’elles ont participé aux présentations. Elles se sont jointes à notre cercle et se sont présentées. Comme les enfants, elles ont dit ce qu’elles aimaient. Une maman d’origine espagnole, nouvellement arrivée était même restée pour l’occasion. Elle s’est présentée en espagnol, et même si elle n’a pas osé dire ce qu’elle aimait, son sourire, ce jour où elle a pris la parole pour la première fois, et le regard brillant de son fils étaient une récompense. Petite conséquence plus qu’anecdotique, depuis ce jour son fils prend la parole en français, depuis ce jour il est très demandeur, avide de nouvelles activités et de validation de ce qu’il a fait en autonomie…
Les mamans aussi se sont prêtées au jeu et depuis, à chaque fois qu’une collègue veut venir, ou lorsque l’inspectrice en charge des maternelles a annoncé sa visite, j’ai pu compter sur leur présence en grand nombre. Beaucoup des mamans qui participent sont peu ou pas allées à l’école lorsqu’elles étaient enfants. Beaucoup sont issues d’une immigration récente (fuite de pays en guerre), d’autres ont un mauvais souvenir de leur scolarité. Pour ces mamans, venir à l’école et intervenir, c’est être valorisée par l’Institution, être reconnue dans leur capacité à éduquer leur enfant, même lorsque les valeurs familiales et celles de l’institution sont différentes.
Les enfants en sont les premiers bénéficiaires. Eux aussi en retirent de la fierté, ils peuvent sortir du conflit de loyauté qui parfois les gêne dans leurs apprentissages. Ces rencontres sont riches pour tous les adultes. Les parents reconnus ont une meilleure estime d’eux-mêmes. Ils appréhendent l’école et ses codes autrement, avec bienveillance dans un esprit de partage et de co-éducation. J’apprends à mieux les connaître et mon regard sur les enfants n’en est que plus riche…
Clothilde Jouzeau Kraeutler
Enseignante en grande section
Maternelle Edouard Herriot, Perpignan
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