« On va indiquer nos lignes rouges ». Auditionné le 9 janvier par la Commission Mathiot avec d’autres organisations, le SGL sera reçu le 10 janvier par JM Blanquer. Lycéen en terminale ES à Nantes, Ugo Thomas préside le SGL, une organisation lycéenne récente qui a su s’imposer comme la plus représentative. Ouvert à une réforme du lycée, le SGL en est arrivé à fixer les points de désaccord. Il explique aussi son opposition à la réforme de l’orientation dans laquelle il voit une sélection déguisée.
En quelques années le Syndicat général des lycéens s’est imposé comme la première organisation lycéenne, accaparant les 4 sièges lycéens au Conseil supérieur de l’éducation. C’est aussi de loin la première organisation lycéenne au Conseil national de la vie lycéenne. Cette dynamique s’explique notamment par la qualité des dirigeants de ce syndicat lycéen qui ont su dialoguer avec les lycéens engagés à l’image des Etats généraux lycéens que le SGL prépare pour début février. A la veille d’une rencontre avec le ministre de l’éducation nationale, Ugo Thomas, président du SGL, explique ses inquiétudes.
Avez vous été consulté sur la réforme du lycée ?
On a rencontré le ministre en septembre et on a été reçu en décembre alors que la réforme était en écriture. Mardi 9 janvier nous sommes reçus avec d’autres organisations (Fcpe, Unef, Fage, Unl, Unsa, Sgen et des mouvements pédagogiques) par la Commission Mathiot signataires d’un appel pour le lycée modulaire.
On va donner nos lignes rouges. Nous ne voulons pas, par exemple, que les moyennes des différentes matières deviennent les notes du bac au controle continu. La grande épreuve orale du bac préparée en deux ans ne nous semble pas réalisable. Introduire une épreuve orale importante dans le bac c’est problématique.
On ne veut pas non plus d’un lien étroit entre les attendus du plan étudiants et la réforme du bac. Par exemple qu’il faille faire économie et maths pour pouvoir suivre plus tard un enseignement universitaire d’économie. Ce serait remettre à la seconde des choix d’orientation dans le supérieur. Or c’est beaucoup trop tôt.
Justement comment voyez vous la loi Vidal ?
On constate que la réforme n’a pas les moyens nécessaires. L’idée du second professeur principal par exemple n’est aps mauvaise mais c’est difficile à appliquer. Ca reste une mesure symbolique comme les deux semaines d’orientation. Les établissements n’ont pas les moyens de les mettre réellement en place.
Surtout elle nous inquiète car pour nous c’est l’arrivée d’une sélection déguisée. Même si cette année on ne s’attend pas à quelque chose de brutal, il y a un risque que les attendus se durcissent et que les universités augmentent le niveau de pression pour limiter l’afflux des lycéens.
Le piège fonctionne déjà ?
La sélection va aller croissant. On a une hausse du nombre d’étudiants. En face le ministère nous dit qu’il y a 200 000 places libres. Mais elles le sont parce que personne ne veut les prendre. Ce sont des filières qui n’intéressent pas.
Il faut aussi regarder les conditions réelles de l’orientation. Dans Parcours Sup 900 000 candidats vont entrer 10 voeux. Comment seront gérés en un temps court ce s9 millions de voeux ? En fait chaque université va faire son petit algorithme pour trier les candidats. Elles utiliseront les notes et les moyennes car c’est la seule donnée chiffrable. On doute fort que les dossiers soient réellement regardés. Toute cette histoire de motivation des candidats c’est sympathique. Mais la réalité c’est que les universités n’ont pas les moyens de traiter les dossiers et de faire face à l’afflux des candidats. Il y aura donc la sélection des attendus et en plus celle des universités dans la façon de traiter les dossiers.
Vous lancez début février des Etats généraux du lycée. C’est pour réagir à ces mesures ?
Le projet a été lancé en septembre avant l’annonce de la réforme du lycée et du bac. L’objectif c’est de donner la parole aux lycéens et à leurs organisations pendant deux jours. N’importe qui peut venir. On aura beaucoup d’avis, de tables rondes avec les organisations progressistes et on rédigera des propositions affichant les points d’accord et de divergence.
Vous utilisez un mot devenu peu courant : « progressistes ». Quel sens lui donnez vous ?
Ca nous permet de réunir de façon large. Le mot gauche n’a plus grand sens pour les jeunes même si le SGL ne défend pas l’idée de la fin du clivage droite — gauche. Progressiste englobe l’idée d’une opposition à la droite extrême et aux conservatismes.
Comme lycéens on se heurte au conservatisme par exemple dans les régions où avec les changements de majorité on voit arriver par exemple des portiques de sécurité dans les lycées. Ou encore au CSE où l’on croise des organisations qui idolâtrent une école du temps jadis caricaturale comme le Snalc.
Enfin on fait face aussi à Blanquer qui flatte l’opinion en ce sens, qui est défendu par des philosophes conservateurs, qui dénonce les « pédagogistes », qui défend le redoublement.
Il y a un discours conservateur qui se répand. Nous, on s’affirme progressistes.
JM Blanquer va vous recevoir le 10 janvier. Comment le voyez vous ?
On le savait conservateur, venu du gouvernement Sarkozy. Mais c’était aussi une personne qui nous intriguait car on savait qu’il avait soutenu des expérimentations en Guyane ou à Créteil. Certaines nous inquiétaient comme les internats d’excellence. Mais on ne le voyait pas opposé aux nouvelles pédagogies.
Mais dès la première séance du CSE on a eu la suppression à la va vite de la semaine des 4 jours et demi et le retour aux 4 jours sans se gêner de la moindre étude d’impact. On a eu le discours sur le retour en arrière au collège alors qu’on est pour la réforme du collège. En septembre il y a eu la réforme du brevet avec l’affaiblissement de la part donnée au socle commun. Puis la reforme du lycée. On est pour un lycée modulaire. Mais on voit se constituer en fait des filières et on ne peut pas adhérer à ce projet.
Propos recueillis par François Jarraud