Pendant deux jours, les 9 et 10 novembre, le Cnesco réunit au CIEP de Sèvres des experts du monde entier pour échanger sur le décrochage. Non que la France soit en échec sur ce terrain : elle a notablement réduit le nombre de décrocheurs durant le dernier quinquennat. Mais cette conférence de comparaisons internationales apporte de nouveaux regards sur les maux français et ouvre de nouvelles perspectives pour les praticiens. Pour la France, les recommandations de la conférence pourraient être d’avoir une approche plus holistique et systémique et de développer l’éducation émotionnelle et aux compétences sociales. Face au décrochage, la meilleure arme semble être le bien être des élèves à l’école et leur sentiment d’appartenance. Un point très faible dans l’hexagone.
Une sociologie du détour
« La France a fait des progrès car la politique de lutte contre le décrochage a profité d’une continuité dans le temps », explique Nathalie Mons, présidente du Cnesco, en ouvrant la conférence de comparaisons internationales organisée par le Cnesco avec le Cren et le Ciep. « Mais il reste encore des décrocheurs ». D’où l’idée de regarder ce qui se fait à l’étranger pour en tirer des enseignements à travers une « sociologie du détour ».
« Ce qui nous intéresse », ajoute N Mons, « ce n’est pas écrire des recommandations hors sol pour expliquer avec les résultats de la recherche ce que les acteurs de terrain doivent faire. Mais voir comment les acteurs peuvent s’emparer des ressources ».
Quels facteurs jouent sur le décrochage ?
Il revient à Pierre-Yves Bernard (CREN Nantes) de définir ce qu’est le décrochage : la situation d’anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits en formation et n’ont pas atteint un niveau de qualification validé par un diplôme fixé par voie réglementaire (le bac ou le CAP). Mais le décrochage a aussi son histoire. Il a longtemps été ignoré. C’est seuelment quand l’absence de qualification est devenu un problème pour l’accès à l’emploi que le thème est entré dans les logiques de l’Education nationale autour de la question de l’insertion des jeunes.
Quels facteurs influent sur le décrochage ? Ariane Baye interprète les résultats de Pïsa. Elle montre que le fait d’appartenir à un milieu social défavorisé augmente fortement le risque de décrochage (facteur 5.21) tout comme la composition sociale de don établissement scolaire. Mais le facteur principal reste la performance scolaire de l’élève et l’environnement de l’établissement : le rôle des pairs est important.
Les spécificités françaises
A Baye souligne des spécificités françaises que va reprendre aussi Paul Downes un expert auprès de l’Union européenne. La première c’est le facteur immigration. Si le taux de décrochage en France est de 8.8 il est de 16..3 pour les jeunes issus de l’immigration. Derrière cetet remarque il y a la question du sentiment d’appartenance et de l’affiliation à son école. On sait que la France a un des taux les plus faibles en ce qui concerne le sentiment d’appartenance à son établissement.
L’importance de l’éducation émotionnelle et sociale
Avec cette remarque on bascule dans ce qui va devenir un leitmotiv des experts de la conférence. L’importance des facteurs émotionnels dans la lute contre le décrochage. « Il faut créer des systèmes où les jeunes aient envie d’aller à l’école », dit P Downes. « L’émotion doit être au cœur des programmes et du climat scolaire. Il faut faire une éducation sociale et émotionnelle ». Agnès Florin, professeure aussi à Nantes, aura beau jeu de rappeler l’absence de formation psychologique dans la formation des enseignants… Cette question renvoie d’ailleurs à la lute contre le harcèlement, un autre thème de ce 9 novembre.
Comment s’y prend on ailleurs ? Sue Maguire montre qu’en Angleterre le programme de financement des élèves et de leurs parents pour aller à l’école n’a pas marché. Tanja Traag évoque la situation aux Pays Bas oùlà aussi il y a un lien très frot entre immigration et décrochage. Lore Van Praag montre qu’en Belgique les dispositifs d’alerte fonctionnent mal car les enseignants estiment que la détection du décrochage ne fait pas partie du métier.
Des approches systémiques
Finalement deux situations s’opposent. Franziska Lau décrit de façon précise comment la Saxe Anhalt (Allemagne) s’y est pris pour faire baisser son taux de décrochage. Le Land a réuni des professionnels de différents secteurs pour travailler en commun dans les écoles à fort risque de décrochage. 400 travailleurs sociaux se sont installés dans 369 écoles, une situation qui ferait rêver le 93 ! Ces équipe sont reçu des moyens pour travailler ensemble et renforcer leur coopération afin d’avoir un suivi global des jeunes à risque. Le programme n’a pas que réduit le taux de décrochage. Il a eu d’autres effets positifs : baisse de l’absentéisme, amélioration des comportements. Pour elle le succès tient à cette approche systémique qui a été appliquée dans la durée (9 ans). Au Sud de l’Europe, en Italie Maddalena Colombo décrit une situation qui s’améliore mais le taux reste élevé. Là les interventions sont localisées , sans lien avec le curriculum, sans coordination. Le soutien financier n’est qu’européen. Finalement le sprogrès ne peuvent être mis en rapport de façon certaine avec aucune des politiques essayées. La France semble bien se situer entre Europe du Nord et du Sud…
Que retenir de cette journée ? D’abord l’importance reconnue à l’éducation émotionnelle et sociale et au-delà au bien être à l’école. Cette question a fait l’objet d’une importante étude du Cnesco récemment. Ensuite l’importance aussi d’avoir une approche systémique. Les facteurs de décrochage sont très variés et il faut un éventail de réponses – et de professionnels – pour y répondre.
Face à la détermination allemande, il faut bien dire que nous faisons pale figure. En France plus un établissement a de risque d’avoir un fort taux de décrochage moins il aura accès à un encadrement social et moins il aura d’enseignants formés et stables. C’est aussi ce que montre le facteur immigration dans nos statistiques.
François Jarraud