Avec mes élèves on fabrique de petits livres à partir de leurs histoires, leurs illustrations. Aujourd’hui aboutissement pour R. qui termine son premier livre : le premier livre de la classe. Timide, il me le montre et nous voilà partis pour l’imprimer en plusieurs exemplaires. Au moment d’appuyer sur le bouton de la photocopieuse je lui dis :
– C’est bon ? On peut y aller ?
Il regarde sa feuille. On vient de coller les illustrations mais son regard est ailleurs.
– Oui. Enfin je me sens bizarre.
On rentre en classe et je lui demande d’expliquer ce qu’il ressent. Difficile de trouver les mots mais ses camarades l’aident : stress, fierté ? Est-ce que les autres vont aimer ? … On finit par conclure qu’on s’en fiche. S’ils aiment, tant mieux, s’ils n’aiment pas, tant pis. Nous, on aime et on est fier de lui.
Fin de matinée, je demande à mes élèves de faire leur cartable. Un élève ronchonne :
« Pfff j’ai pas fini, encore un peu de temps, maîtresse. »
J’explique que c’est pas possible le taxi va nous attendre. On part, et en traversant la cour, il me demande :
« Maîtresse, y a école demain ?
– Oui, quel jour on est demain ? […]
– Ah oui, jeudi. Cool ! J’ai hâte de finir. Et est-ce que je pourrai écrire un livre, moi aussi ? Parce que moi aussi j’ai envie d’être euh… enfin tu sais avoir le cœur qui fait pom-pom comme R. »
Cet élève vient d’arriver. Peu scolarisé, son enseignant m’expliquait lundi qu’il avait peu d’appétence pour l’école…
Félise Moreau,
Ulis Georges Clémenceau, Mèze (34)
Chaque mercredi retrouvez « La Classe plaisir » et ses moments précieux…