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Face au risque terroriste, les enseignants sont en première ligne à la rentrée. Les ministres de l’Intérieur et de l’éducation nationale dévoilent le 24 aout les mesures envisagées. Ils ont déjà publié une instruction commune cet été qui impose des exercices de sécurité et invite les collectivités territoriales à sécuriser les bâtiments. Pour autant l’efficacité du dispositif envisagé fait déjà débat. Sécuriser est ce isoler l’école ou participer d’une sécurité collective ?

Exercices de sécurité à répétition

C’est dès la pré-rentrée que les enseignants seront confrontés à ces nouvelles mesures anti-terrorisme. Les directeurs d’école et les chefs d’établissement devront s’assurer que les enseignants connaissent le contenu du Plan particulier de mise en sureté (PPMS) de l’établissement. Ce plan précise les mesures à prendre pour la mise en sureté des élèves : reconnaissance des signaux, déplacements des élèves, emplacement de l’espace de sécurité choisi dans les locaux scolaires en fonction du type de risque.

Ces instructions imposent trois exercices de sécurité dans l’année dont un avant les vacances de la Toussaint. Un exercice concernera spécialement le risque d’intrusion.

Une circulaire publiée au BO du 26 novembre 2015 imposait déjà la rédaction et la connaissance du PPMS et deux exercices à organiser en temps restreint. Le renouvellement de la consigne montre que, si elle est nécessaire, elle n’est pas aussi facile que cela à mettre en place.

La nouvelle instruction demande aussi un exercice départemental organisé par le préfet pour vérifier la collaboration entre éducation nationale et forces de police. Elle exige la nomination dans chaque académie d’un référent sécurité dont la mission devrait être aussi de conseiller pour la rédaction des PPMS et d’aider les collectivités locales à sécuriser les locaux scolaires.

Eviter les regroupements aux abords des établissements

L’instruction demande de veiller à la sécurité aux abords des établissements scolaires. La mesure devrait d’abord concerner les forces de police mais le texte ne l’établit pas clairement. Il pose la question des regroupements aux entrées des établissements scolaires. On sait que c’est une question difficile. Les proviseurs sont ainsi pris entre l’interdiction de fumer dans les lycées et la nécessité d’empêcher les sorties aux intercours. En avril dernier, la ministre avait du rappeler l’interdiction de fumer après avoir publié une circulaire ambigüe fin 2015. Ce nouveau texte laisse les proviseurs face à cette contradiction.

Il invite les directeurs d’école à réunir les parents pour leur présenter les mesures de sureté et les sensibiliser aux entrées et sorties de l’école. Les chefs d’établissement devront de leur coté seulement « informer » parents et élèves des mesures prises.

Former les élèves aux premiers secours

Le texte annonce aussi un effort de formation « à la résilience » des établissements. D’un coté, le nombre de personnels de direction formés à la gestion de crise devrait augmenter. De l’autre, « la sensibilisation aux gestes qui sauvent » devrait être généralisée à tous les élèves de 3ème, sans qu’on sache comment. Les élèves délégués devraient être formés aux premier secours.

Signaler les élèves et enseignants « radicalisés »

La dernière partie de l’instruction du 29 juillet concerne la radicalisation. Elle invite les directeurs académiques (Dasen) et les préfets à un échange d’information sur les élèves et les membres du personnel radicalisés ou en cours de radicalisation. Le texte évoque les signalements mais traite surtout de la transmission des préfets vers les autorités académiques des suites qui leur sont données. Les Dasen informeront les directeurs d’école et les chefs d’établissement des « mesures appropriées » prises.

Les collaborations mises à l’épreuve

Trois lettres adressées aux présidents de l’association des régions de France (ARF), des départements (ADF) et des maires (AMF) complètent cette instruction. Les ministres précisent que la sécurité des établissements scolaires est l’affaire de tous et les invitent à entrer en contact avec les référents sécurité des académies pour envisager les travaux nécessaires. On touche là à une limite de ce texte. L’Etat ne peut que solliciter l’aide des collectivités territoriales seules responsables des locaux.

Dans un communiqué publié le 10 août, Indépendance et Direction, le syndicat FO des personnels de direction, s’interroge sur la portée de cet appel. « Que dire, par ailleurs, de la collaboration, souvent inexistante, entre les collectivités territoriales, les mairies et les établissements », relève ce syndicat.

La question de l’alerte

L’instruction du 29 juillet demande aux autorités académiques de veiller à ce que le répertoire téléphonique d’alerte des directeurs d’école et des chefs d’établissement soit à jour pour que les alertes puissent être transmises.

Or, en mars dernier, l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement a attiré l’attention du ministère sur les failles de ce dispositif. « Les résultats de l’enquête montrent que le traitement des alertes, de l’émission des préfectures jusqu’aux établissements, fait l’objet de pratiques très diverses selon les départements », disait le rapport. « La principale difficulté révélée par l’enquête concerne les écoles, où les messages d’alerte ne peuvent être reçus instantanément, faute de personnel disponible pour assurer une permanence de réception des mails et appels téléphoniques. L’utilisation du téléphone mobile peut s’avérer difficile (mauvaise couverture réseau, saturation, directeurs non dotés). La messagerie électronique pose aussi problème car il s’agit d’un outil d’information mais pas d’alerte puisque non veillé en permanence. Nous constatons que les établissements privés ne sont pas systématiquement informés ». Si dans certaines académies des incidents ont montré que l’alerte fonctionne bien, il n’est pas certain que ce soit le cas partout à la rentrée.

L’école ouverte plus sure ?

Une autre critique a été portée par le Snuipp le 22 août. Francette Popineau, secrétaire générale du syndicat, s’est inquiétée des effets produits par les exercices. En soulignant que les parents ne sont pas un risque pour l’école et qu’ils doivent rester bienvenus, elle dit : « J’ai des craintes sur un exercice qui mettrait en scène une personne dangereuse pour les enfants. Il faudra le faire avec discernement ».

Elle relève ainsi une question de fond. La sécurisation des écoles et des établissements est elle une mesure technique ou renvoie-t-elle à la place des écoles dans la cité ? Pour Eric Debarbieux, consulté par le Café pédagogique, ancien délégué à la violence scolaire, l’instruction « s’appuie sur l’humain et c’est ce qui est positif. La recherche montre que trop de mesures affole mais que pas assez inquiète. L’école ne doit pas être ouverte à tous les vents et elle ne l’est pas. Mais elle doit préserver le lien avec son environnement. On a besoin d’une école du quartier et non dans le quartier ». Pour lui, c’est sa proximité avec son environnement qui facilite la sécurité de l’école beaucoup plus que les dispositifs techniques du type caméras vidéo et sas.

Pour Francette Popineau, « rassurer est une bonne chose. Veiller à la sécurité des élèves est une excellente chose. Mais se prémunir d’un danger de cet ordre, honnêtement je ne sais comment on peut faire ». On verra le 24 août si le gouvernement le sait.

François Jarraud

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