« Aujourd’hui plus que jamais on a besoin de citoyens capables de faire le tri dans les informations et d’effectuer des choix pertinents », écrit Philippe Meirieu en préface du livre de Gérard de Vecchi. L’esprit critique devient une compétence fondamentale que l’Ecole doit développer chez les élèves. Car si l’esprit critique s’apprend c’est par des situations qui font réfléchir l’élève et qui l’ouvre au débat argumenté. Dans son livre « Former l’esprit critique », G de Vecchi propose une méthode très concrète qui , en 25 chapitres, emmène le lecteur de la définition de l’esprit critique à la lutte contre le complotisme sur Internet…
Tout commence par le statut de l’erreur
« Développer une pensée libre n’a rien d’évident », rappelle P Meirieu. La grande force du livre de G de Vecchi c’est de découper cet apprentissage en chapitres légers qui proposent exemples et exercices.
Pour G de Vecchi tout commence par le statut de l’erreur. Il apprend à travailler l’erreur à partir d’exemples qui commencent en maternelle pour aller jusqu’au collège. Des questionnaires, des quiz viennent nourrir la réflexion et stimuler le lecteur.
Des fiches pratiques et des exercices
L’ouvrage apprend à construire et instruire des situations problèmes. Il apprend à argumenter selon les mêmes principes concrets. Il montre les critères de réussite et les étapes obligatoires du débat, un art difficile mais indispensable à l’esprit critique. Il consacre un chapitre au traitement du créationnisme. Il invite à exploiter les rumeurs pour le déconstruire. Il consacre des chapitres à la critique des médias et au rôle d’internet dans la transmission des rumeurs.
Chaque chapitre de l’ouvrage propose des fiches pratiques, des exercices qui invitent à la compréhension et à la mise en pratique en classe.
Une révolution pédagogique
Mais ce qu’apprend fondamentalement le livre c’est de voir comment son enseignement, qu’il s’agisse des lettres, des sciences ou encore d’autres disciplines, peut participer à la révolution copernicienne que serait une vraie culture du débat dans l’Ecole.
C’est vraiment à ce changement de posture pédagogique qu’invite G de Vecchi. Une révolution qui devient nécessaire pour faire des écoles des lieux où on apprend à penser, à communiquer avec les autres et où on s’arme face aux médias modernes.
G de Vecchi, Former l’esprit critique. 1- Pour une pensée libre, Café pédagogique – ESF editeur, ISBN : 978-2-7101-3099-4
G de Vecchi : « Développer l’esprit critique est aussi important que lire, écrire et compter »
Peut on apprendre l’esprit critique ? Pour G de Vecchi l’école peut y préparer les élèves. Mais cela nécessite un vrai changement dans la culture scolaire.
Comment est né ce livre ?
Il n’y avait aucun ouvrage pédagogique ou même théorique sur l’esprit critique. J’ai voulu développer le concept en partant des représentations des élèves et des enseignants avec des exemples pratiques reprenant toutes les disciplines. C’est donc un ouvrage théorique et pratique.
Mais commet définir l’esprit critique ?
Les élèves souvent confondent critiquer et avoir un esprit critique. Le mot est plus lié au reproche qu’à l’idée de faire des remarques qui finalement aident. Car l’esprit critique c’est une approche positive qui aide l’autre.
C’est une compétence importante ? N’est ce pas d’abord, dans le contexte actuel, une commande politique adressée à l’école ?
C’est aussi importante que lire, écrire et compter dans notre société. C’est effectivement une commande politique. Mais pas seulement. Car cette compétence est aussi demandée dans de nombreux métiers.
Ca peut s’apprendre ?
Bien sur. Dans le premier chapitre du livre je montre que les élèves peuvent modifier leurs représentations de l’esprit critique grâce à l’action de leurs enseignants. Ca s’apprend à travers des activités que le livre présente.
Car on n’apprend pas l’esprit critique avec de simples exercices en histoire ou en sciences. Il faut des activités. Pour qu’il y ait construction de l’esprit critique il faut que l’élève fasse un chemin qui relève de la métacognition. Il faut donc des outils et j’en donne dans différentes disciplines mais facilement transposables dans d’autres.
Par exemple il y a le débat. Voilà une activité qui ne s’improvise pas. Pour débattre il faut comprendre, prendre position, chercher des arguments, les illustrer, prendre en compte le point de vue de l’adversaire et arriver à une conclusion. Autrement dit ça se prépare.
Les enseignants sont formés à transmettre. Former à l’esprit critique c’est leur demander de changer de posture ?
Oui. C’est une révolution copernicienne. Il faut accepter de donner de son pouvoir . Ca demande bien un nouvel état d’esprit. Ceci dit il y a des choses que l’école doit donner. Mais d’autre sdoivent être ouvertes au débat. Tout ne peut pas être critiqué mais la critique doit être ouverte. Dans ce livre par exemple j’aborde la question du créationnisme. On peut tout à fait aborder cette question en classe. Le débat permet de construire une argumentation scientifique et en même temps de bien comprendre ce que c’est et qu’on a la liberté de penser.
Concrètement que peut faire un professeur face au complotisme ?
Surtout il ne faut pas évacuer les questions. Les rumeurs ça s’exploite de façon à en faire comprendre le mécanisme. Dans le livre je donne des outils pour les démonter.
Lors de la minute de silence qui a suivi les attentats de janvier 2015, des enseignants ont été pris au dépourvu par des remarques d’élèves. Votre livre peut les aider ?
Tout à fait. Etre aidé ce n’est pas avoir une recette mais entrer dans un état d’esprit permettant de gérer ce genre de situation. Ca renvoie à l’apprentissage du débat. Je donne dans le livre des exemples qui permettent d ‘apprendre à écouter et à construire des arguments. Et surtout à ne pas refuser le débat.
Qui doit enseigner l’esprit critique ?
Tout le monde. On retrouve cette demande dans les situations complexes que l’on imagine dans de nombreuses disciplines. Elles sont essentielles pour avoir un esprit critique car elles obligent les élève sà discuter et les enseignants à laisser le débat se faire.
Evidemment cet apprentissage concerne la philosophie. Mais comment considérer qu’en sciences, en histoire, en maths, en arts on n’ait pas cet esprit ? Toutes les disciplines ont un contenu qui permet l’analyse critique.
Propos recueillis par François Jarraud