Après neuf années d’enseignement, Cécile Berterreix se demande si elles va rester dans l’enseignement. Professeure des écoles en élémentaire à Pau, engagée syndicalement au Snuipp, elle partage ses désillusions et ses fatigues. Désillusion de voir l’éducation nationale incapable d’oeuvrer ensemble à un projet commun. Fatiguée de perdre la maitrise de son travail sous la pression de la paperasserie administrative.
Comment vous sentez vous dans le métier de professeure des écoles ?
Au bout de 9 ans je suis dans le flou. Je m’interroge : dois je changer de métier ou tout faire pour changer le métier ? Ce métier Je vois ce qu’il développe chez les enfants et je le pratique avec fierté. Mais en même temps je vois que j’ai peu de marge de manoeuvre. On arrive à un clivage. Ceux qui pratiquent le métier influent peu sur lui. Ceux qui font corps avec l’institution sont amenés de plus en plus à la défendre et sont de moins en moins écoutés. Tout le monde se referme et il y a de plus en plus de souffrance au travail.
Pourquoi avoir envisagé de quitter ce métier ?
Parce que j’ai de moins en moins de temps pour réfléchir à mes pratiques pédagogiques alors que j’ai envie de faire réussir mes élèves. Je me sens isolée avec peu de temps pour un travail collectif avec mes collègues. Quand on nous consulte les dés paraissent pipés . Je me rappelle de la demi journée sur les programmes alors que les éditeurs avaient leurs manuels tout près.
Surtout on est étouffés par les taches administratives. Si je veux faire venir un intervenant dans ma classe je suis obligé de rédiger tout un projet pour le soumettre par la voie hiérarchique. C’est la même chose pour les activités pédagogiques complémentaires (APC). On nous demande de rédiger des projets détaillés. On passe tellement de temps là dessus qu’on a moins de temps pour réfléchir à ce qui pourrait faire réussir les enfants. Ca contribue aussi à notre isolement.
On peut faire réussir tous les élèves ?
J’y travaille donc je pense que oui. Mais ça ne repose pas que sur l’école. Il faudrait aussi que les politiques luttent contre lé ségrégation sociale dans les quartiers. L’école n’a pas réponse à tout.
L’enquête du Snuipp montre des rapports difficiles avec l’inspection. Qu’en pensez vous ?
Quand on débute on voit l’inspecteur comme quelqu’un d’éloigné qui va juger de son travail de l’année en 1h30. On s’enferme dans un rapport de type professeur élève. Personnellement mes responsabilités syndicales m’ont aidé à découvrir que les inspecteurs eux aussi ont peu de marge de manoeuvre. Eux aussi sont écrasés par les taches administratives.
Mais nous avons aussi la chance dans le département des Pyrénées atlantiques d’expérimenter l’inspection collective. C’est à dire que l’équipe de circonscription vient visiter l’école et observer durant deux jours toutes les classes. Elle rencontre l’équipe de l’école pour échanger sur ses observations et les projets de l’école.
Les inspections individuelles existent toujours mais elles se font en présence d’un enseignant choisi par le professeur inspecté et le conseiller pédagogique. Ca permet de se sentir moins seule face à l’inspecteur. On se sent soutenu et on sort des représentations classiques sur l’inspection.
Vous êtes en éducation prioritaire. Quel impact a eu la réforme ?
Mon école est en fait en sortie de rep. Dela alors que nos critères sont socialement plus défavorisés que le collège du secteur qui nous fait sortir de rep. C’est une situation que l’on vit mal car la décision ne tient pas compte du terrain. Ca participe au sentiment d’impuissance et alimente le désarroi que l’on ressent dans ce métier.
Il reste des bons moments comme enseignant ?
Oui, avec les élèves ! Par exemple quand j’ai bataillé entre eux et nous et que finalement on construit ensemble. Quand un enfant qui connait une situation sociale difficile me sourit. Quand j’échange avec une collègue et qu’on est content de ce qu’on a fait. Ces moment là illuminent mes journées…
Propos recueillis par François Jarraud