Alors que la ministre de l’éducation nationale a promis un bilan du lycée professionnel, le Snuep Fsu organisait le 3 décembre un colloque national sur « la revalorisation de l’enseignement professionnel ». Un sujet qui tombe à pic alors qu’on attend aussi la position du ministère sur le devenir des bacheliers professionnels. L’absence de réponse à ces questions fait dire à Jérôme Dammerey, co-secrétaire général du Snuep, que le ministère n’est pas clair…
Cette année ce sont les 30 ans du bac professionnel. C’est une réussite ?
La création du bac pro, à son époque, a été une réussite. Il a participé à l’augmentation du nombre de bacheliers et est devenu le second bac, derrière le bac général. Mais on ne peut nier les difficultés et les enjeux qui se posent aujourd’hui.
Aujourd’hui le lycée professionnel doit faire avec un discours très favorable à l’apprentissage. C’est une concurrence ou une complémentarité ?
Malgré les efforts, l’argent investi, les aides, l’apprentissage peine à se développer. Il y a des raisons à cela qui ne peuvent être résolus par des aides croissantes. Malgré tout on voit que certains préconisent d’aller vers le seul apprentissage. Pour nous, le modèle de formation des jeunes serait mis en péril. Mais dès maintenant on voit la taxe d’apprentissage versée aux lycées professionnels se réduire. Le lycée professionnel a moins de moyens pour mettre en oeuvre sa pédagogie.
Un autre thème du discours politique c’est la nécessaire revalorisation de l’enseignement professionnel. Pour vous ce serait quoi ?
Ce serait déjà se mettre d’accord sur les finalités de l’enseignement professionnel. Un jour on nous parle d’insertion immédiate. Un autre jour de poursuite d’étude. Le ministère actuel n’est pas clair alors même que la loi d’orientation met au même niveau le bac pro et le bac général pour l’insertion et la poursuite d’études. La revalorisation ce serait déjà dire que ce bac permet une poursuite d’études et donc réfléchir aux contenus de formation en fonction de cela.
Il faut aussi poser la question de l’orientation des élèves. Dans l’enseignement professionnel on a massivement des jeunes en difficultés qu’on a poussé là. Je ne comprends pas qu’on envoie en lycée professionnel des jeunes sans projet professionnel. Ou que des jeunes qui demandent une filière, comptabilité par exemple, se retrouvent dans une autre filière.
Si on veut que le bac pro permette une poursuite d’études alors ce n’est pas en y orientant les élèves en difficulté qu’on y arrivera.
Le récent rapport Stranes, validé par le président de la République, recommande une filière supérieure spécifique aux bacheliers professionnels, le BPS. Vous en pensez quoi ?
On est absolument contre une filière étanche pour les bacheliers professionnels. Aujourd’hui beaucoup de jeunes bacheliers professionnels quittent leur filière pour faire autre chose.Ce serait injuste de les enfermer dans leur formation. J’observe qu’il est toujours question d’enfermer les mêmes…
Au colloque que vous avez organisé le 3 décembre, il est beaucoup question de valeurs. Pourquoi cette question est-elle aussi présente en lycée professionnel ?
Elle se pose partout. Mais on est confronté à la discrimination que vivent nos élèves et parfois les parents de nos élèves. On doit faire avec cette souffrance. Or elle reste souvent niée par l’institution qui ignore la réalité de ces jeunes.
C’est aussi pour cela que nous allons lancer un appel pour reposer la question de la revalorisation. Si on veut réellement faire réussir ces jeunes il va falloir des moyens. Il n’y a pas que la question des pratiques pédagogiques. Il y aussi celle des moyens. Or on constate que la loi d’orientation prévoir 4000 postes pour le collège et les LP. Mais que le lycée professionnel n’en reçoit aucun encore une fois.
Propos recueillis par François Jarraud
