L’école française a ses problèmes. Mais elle a aussi ses réussites. Ce sont elles que met en avant l’édition 2015 de Regards sur l’éducation, publiée le 24 novembre. Cette publication annuelle de l’OCDE fait le point sur l’éducation dans le monde. Le niveau éducatif de la population a augmenté beaucoup plus vite en France qu’ailleurs. Pourtant les enseignants français restent moins bien payés que leurs homologues de l’Ocde et les classes plus chargées. L’Ocde demande un financement plus important de la maternelle et de l’école élémentaire.
Depuis 40 ans le niveau éducatif des Français a augmenté considérablement, révèle l’édition 2015 de Regards sur l’éducation, une publication annuelle de l’OCDE qui fait référence.
Pas de déclin éducatif
Cette réussite se lit quand on compare les niveaux scolaire atteints d’une génération à l’autre. « 40 % des 25-34 ans ont atteint un niveau de formation plus élevé que celui de leurs parents », note l’OCDE, « contre 32 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE. Seuls 10 % d’entre eux n’ont pas pu égaler le niveau de formation de leurs parents, contre 16 % en moyenne OCDE ». 14 % des jeunes dont les parents ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement supérieur sont diplômés de l’un ou l’autre de ces niveaux d’enseignement en France contre 10% dans l’Ocde. 26% des jeunes dont les parents ne sont pas diplômés de l’enseignement supérieur sont diplômés de ce niveau (contre 22 % dans l’Ocde).
L’ascenseur éducatif, quoiqu’on en dise, fonctionne. Il n’y a pas de déclin éducatif mais au contraire une progression rapide du niveau éducatif qui se lit d’une génération à l’autre.
Cela peut aussi s’estimer dans la réussite dans le supérieur. Ainsi le pays compte 44% de diplômés du supérieur parmi les jeunes de 25 à 34 ans contre 41% en moyenne dans l’OCDE. Mais ce nombre est surtout à comparer avec les générations précédentes : on n’a que 20% de diplômés du supérieur chez les 55 à 64 ans alors que la moyenne de l’OCDE est à 25%. Autrement dit, la France a largement rattrapé son retard.
Particularité du système français, les formations supérieures courtes sont particulièrement développées : 40% des diplômés du supérieur ont un DUT ou un BTS (contre 17% dans l’OCDE). 27% ont une licence contre 49% dans l’OCDE. Le taux de doctorant retrouve par contre la moyenne Ocde (31% en France, 32% dans les pays de l’Organisation).
Mais la guerre de générations
Autre particularité : avoir un diplôme du supérieur est moins rentable en France que dans l’Ocde quand on reste en dessous du master. « L’avantage salarial lié à l’obtention d’une licence est moindre en France par rapport à grand nombre des pays de l’OCDE. Ainsi, en France, les titulaires d’une licence ou d’un diplôme équivalent ont des revenus salariaux supérieurs de 36 % à ceux des diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, contre 57 % en moyenne parmi les pays de l’OCDE », note l’Ocde. « L’avantage salarial en France lié à l’obtention d’une licence est également assez faible par rapport à l’obtention d’un diplôme du cycle court de l’enseignement supérieur ». Par contre à partir du master les gains sont aussi importants en France que dans les autres pays.
La France se caractérise aussi par un écart massif entre générations à diplôme égal. Pour un master l’écart de salaire est du simple au double entre la génération des 25-34 ans et celle des 55-64 ans. C’est le taux le plus fort après le Chili. Il est deux fois plus important en France que dans l’OCDE.
Mais pas de progrès côté paye des profs
Par contre la situation des enseignants français s’écarte de celle des autres pays développés. « En France, les enseignants du primaire et du secondaire ont des salaires statutaires nettement inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE », affirme l’OCDE. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le salaire statutaire (c’est-à-dire primes et paiement des heures supplémentaires non inclus) des enseignants ayant au moins 15 ans d’exercice à leur actif s’établissait en 2013 à 38 653 $ (contre 33 500 $ en France) dans l’enseignement préprimaire, à 41245 $ (contre 33 500 $ en France) dans l’enseignement primaire, à 42 825 $ (contre 36 589 $ en France) dans le premier cycle de l’enseignement secondaire(collège), et à 44 600 $ (contre 36 897 $ en France) dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire (lycée). Cette moyenne Ocde se construit avec des pays moins riches comme le Mexique, la Slovaquie ou la Pologne par exemple.
La crise économique a détérioré les revenus des enseignants en général. Parfois de façon très brutale comme au Portugal. En France le revenu a baissé entre 2010 et 2012 selon l’Ocde.
Travailler plus pour gagner moins ?
La seule façon dont les enseignants peuvent espérer améliorer leur sort c’est en accumulant les heures supplémentaires et les primes. Le cas de l’ISOE et de l’ISAE est bien connu : la prime du secondaire est trois fois plus élevée que celle du primaire, ce qui creuse l’écart. Les heures supplémentaires l’augmentent aussi. Au final les enseignants du second degré se rapprochent des moyennes Ocde. Pas ceux du premier degré.
Or les enseignants du premier degré travaillent nettement plus que leurs collègues du second degré et que les professeurs des écoles des autres pays. « Il n’y a qu’en France et en Turquie où les enseignants donnent 30 % d’heures de cours de plus par an dans l’enseignement primaire qu’au collège », écrit l’Ocde. « En France, les enseignants du primaire sont 924 heures devant les élèves par an, soit 152 heures de plus que la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 772 heures et 276 heures de plus par rapport aux enseignants certifiés qui exercent dans le secondaire en France ». L’année dernière l’Ocde avait dénoncé l’écart entre le primaire et le secondaire en France. Cela n’a pas changé.
Le cas particulier de la maternelle
Pour l’Ocde un des points forts pour l’École française c’est la maternelle. « Les enfants qui ont émigré dans un pays de l’OCDE entre l’âge de 6 et 10 ans ont obtenu 19 points de moins aux épreuves PISA de compréhension de l’écrit que ceux qui y ont émigré avant l’âge de 6 ans », note l’organisation. « Cette différence de score représente plus de 39 points (soit l’équivalent d’une année d’études environ) en France ». Or la France fait partie des rares pays (avec la Belgique, le Danemark, l’Espagne,l’Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni) où la scolarisation à l’âge de 3 et 4 ans est généralisée.
L’effort est d’autant plus remarquable que le pays dépense nettement moins que la moyenne pour la maternelle : 6969 $ par enfant contre 8000 en général. L’écart tient au taux d’encadrement nettement plus important en France qu’ailleurs : 23 enfants par professeur contre 14 en moyenne. Seuls la Chine, le Chili et le Mexique font pire.
La France championne des fondamentaux
On l’a vu les élèves reçoivent nettement plus d’heures de cours en France qu’ailleurs. « Cet écart par rapport à la moyenne tend même à s’accroître avec l’augmentation du niveau d’éducation », écrit l’OCDE. « En moyenne dans les pays de l’OCDE, le temps total d’instruction obligatoire par an s’établit à 804 heures dans l’enseignement primaire (contre 864 heures en France) et à 916 heures au collège (contre 991 heures en France) ». Ces heures sont réparties sur nettement moins de jours,même si la situation a évolué dans le primaire du fait des nouveaux rythmes.
L’autre particularité c’est l’utilisation de ces heures. La France est la championne des fondamentaux. Au primaire, « en moyenne parmi les pays de l’OCDE, la plus grande part du programme dans l’enseignement primaire est consacrée aux cours de lecture, d’expression écrite et de littérature (22 % du temps d’instruction en moyenne dans les pays d el’OCDE) », dit l’Ocde. « Mais cette part varie considérablement d’un pays à l’autre. La France est le pays de l’OCDE où l’on y consacre le plus de temps. La lecture, l’expression écrite et la littérature représentent ainsi 37% du temps d’instruction obligatoire ». Quant aux maths, la France leur consacre 21% du temps scolaire contre 15% dans l’Ocde. L’écart avec les autres pays diminue au collège.
La taille des classes est aussi plus forte en France que dans l’Ocde : 23 élèves par classe au primaire contre 21 dans l’Ocde, 25 au collège contre 24.
30 ans après, la crise du professionnel
« En France, les filières professionnelles (équivalent baccalauréat professionnel, CAP/BEP) cumulent en fait deux problèmes majeurs », écrit l’Ocde. « Elles ne débouchent pas assez souvent sur des emplois qualifiés et n’offrent à leurs diplômés que des chances limitées de poursuivre des études, alors même que certains programmes (DUT, BTS) sont censés les accueillir ». On est là dans une problématique majeure du système éducatif français. « Dans beaucoup d’autres pays un diplôme de l’enseignement secondaire en filière professionnelle augmente les chances de trouver un emploi par rapport aux filières générales (de 10 points de pourcentage, en moyenne, chez les 25-34 ans ne poursuivant pas leurs études au niveau supérieur), mais c’est à peine le cas en France ». Et le taux de chômage des 25-34 ans est plus élevé chez les diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou de l’enseignement post-secondaire non supérieur en filière professionnelle (14 %) que chez les diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire en filière générale et technologique (12 %).
Or il ne faut pas compter sur la formation continue pour renverser cette situation. Les salariés français vont moins en formation que les autres et les formations s’adressent plutôt à ceux qui en ont le moins besoin…
L’éducation en mal d’innovation
« En France, seulement 24 % des enseignants au collège ayant pris part à l’enquête TALIS ont déclaré que leurs élèves utilisaient souvent les TIC dans le cadre de leurs projets ou de leur travail scolaire », note l’Ocde, contre 40% en moyenne dans l’Ocde. De tous les pays de l’Ocde, c’est en France que les diplômés désignent le moins souvent le secteur éducatif comme innovant. Vous comprenez qu’on tienne au Forum des enseignants innovants… (4-5 décembre Paris).
François Jarraud