Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Ce mois-ci :
Catherine MALAUSSENA, ex professeur des écoles, a démissionné le 1er novembre 2015 pour vivre la belle aventure d’une création d’entreprise, entre formation et psychopédagogie.
Mikaël FONTAINE, enseignant, et Mickaël LECOQ, informaticien, ont décidé de se rendre utiles pour les profs en créant POURLESPROFS. Tout simplement.
A la mi-novembre 2015 sort aux éditions MeMograMes la 2e édition de Souffrir d’enseigner…Faut-il rester ou partir ? dont plusieurs médias se font déjà l’écho. Le succès d’un livre qui rend de grands services aux enseignants en difficulté.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’enseigner à la fin de tes études ?
Je suis tombée dans la marmite de l’enseignement depuis toute petite. Il faut dire qu’avec un père professeur de sciences, j’étais à bonne école… Depuis toujours, mon désir était de transmettre, d’accompagner et de favoriser l’accès à la connaissance, au savoir. Mais paradoxalement, je ne me suis pas orientée immédiatement vers l’enseignement. Après une maîtrise de Lettres modernes, j’ai décidé de ne pas forcément suivre ce chemin tout tracé, et je me suis orientée vers le métier de documentaliste, qui pour moi, se rapprochait de ce que je cherchais, à savoir gérer et transmettre des informations, des connaissances, des savoirs. J’ai donc présenté le concours de l’INTD au CNAM de Paris où j’ai passé un diplôme d’Ingénieur documentaliste (Diplôme Supérieur des Sciences et Techniques de l’Information et de la Documentation). A la suite de mes études, j’ai été embauchée à l’Université d’Avignon pour effectuer pendant un an le remplacement de la Responsable documentaire du SCUIO (Service Central Universitaire d’Information et d’Orientation). J’ai découvert alors que l’Université, à l’époque, ne se préoccupait pas vraiment d’insertion professionnelle et n’entretenait aucune relation avec le monde de l’entreprise.
Lorsque mon contrat s’est approché de la fin, je suis allée rencontrer la Présidente de l’Université de l’époque pour lui proposer de créer un service qui développerait le partenariat avec le monde de l’entreprise. Et comme l’université venait de créer un IUP en Informatique, elle m’a attribué un poste afin de mettre en oeuvre ce projet. Pendant deux ans, j’ai donc créé et développé le Service des Relations Extérieures de l’IUP afin de favoriser les stages et l’emploi de nos étudiants aussi bien en France qu’à l’étranger avec le développement des programmes d’échanges européens. Malgré la réussite de ce projet (ce service existe encore aujourd’hui au sein du CERI qui a remplacé l’IUP même s’il a changé de forme…), j’avais toujours au fond de moi l’envie de travailler avec le monde de l’enfance et le désir d’exercer un métier où je pourrais exprimer plus de créativité. J’ai donc préparé le concours de Professeur d’école tout en travaillant et en 1994, j’ai intégré l’IUFM.
Comment as-tu vécu ton métier d’enseignante ?
J’ai démarré le métier comme brigade départementale, ce qui m’a permis dès le départ de multiplier les expériences de fonctionnement en classe et de toucher du doigt différents aspects de ce métier. Puis rapidement j’ai obtenu des postes à l’année. D’emblée, j’ai apprécié cette relation privilégiée que l’on développe avec les élèves et la possibilité d’exercer un métier dans lequel on peut exprimer sa créativité. Il faut dire qu’au tout début de ma carrière, j’avais la sensation d’une totale liberté dans mes fonctions, et je ne ressentais ni contrainte ni pression hiérarchique.
À l’époque, l’Education Nationale semblait faire totalement confiance à ses enseignants et leur donnait réellement la possibilité de s’exprimer dans leur activité. Comme je suis quelqu’un qui n’apprécie pas tellement la routine, j’ai changé volontairement d’école tous les deux ans, ce qui m’a permis d’exercer dans tous les niveaux de classe de la maternelle au CM2. J’ai même été Directrice d’école au cours de ma dernière année dans l’enseignement primaire. Cette carrière m’a permis de développer différentes compétences comme la conduite de projet, le sens des relations humaines, l’attention aux autres, l’aptitude au changement, la recherche de la pédagogie la mieux adaptée à chacun.
Je n’ai pas tellement subi la hiérarchie tout au long de ma carrière : en 20 ans, je n’ai été inspectée que 3 fois et à chaque fois, j’ai été encouragée dans mon professionnalisme. Mais à aucun moment je n’ai eu l’impression que mon travail était réellement valorisé par rapport à l’effort fourni. Les dernières années, au niveau du primaire, vu toutes les réformes auxquelles on a été soumis sans qu’on en comprenne toujours le sens, vu le poids de plus en plus lourd qui a commencé à se faire sentir sur le plan purement administratif, j’ai commencé à ressentir la perte de sens dans mon travail, comme si le système m’obligeait à brider ma créativité et m’imposait de plus en plus de contraintes. J’ai intégré alors l’enseignement secondaire en devenant certifiée de Lettres Modernes sur liste d’aptitude, avec l’idée d’une évolution possible de carrière. Mais tout s’est interrompu il y a deux ans, lorsque j’ai dû me mettre en Congé Longue Maladie.
Quel a été le facteur déclencheur de ton envie de démissionner de l’Education Nationale ?
Cette épreuve a été pour moi le facteur déclencheur de mon processus de reconversion. Je me suis rendue compte, que depuis des années je fonctionnais sur des injonctions qui ne correspondaient pas à ce que j’étais. Mon métier avait, à mes yeux, perdu tout le sens que je lui conférais jusqu’alors. Je n’avais plus vraiment l’impression d’être dans l’accompagnement, mais plutôt dans « l’élevage ». Cette sensation a encore été exacerbée lors de mon bref passage dans l’enseignement secondaire. J’ai donc profité de ce congé qui m’était donné pour réfléchir à un possible changement de carrière.
Je savais tout de même une chose au fond de moi : je ne voulais plus rester dans la fonction publique, je voulais être libre et mener un projet personnel. J’ai commencé à réfléchir à tout ce que j’aimais faire profondément, et qui correspondait à mes valeurs : l’accompagnement, la transmission, le bien-être d’autrui. Mais je n’avais toujours aucune idée de ce que j’allais mettre en place.
Quelles stratégies as-tu mises en œuvre pour réussir ton changement ? Quelles ont été tes démarches ?
J’ai commencé par chercher des sites sur internet qui parlaient de reconversion professionnelle. C’est ainsi que j’ai atterri sur le site d’Aide aux Profs et que j’ai décidé de devenir membre de l’association, afin de me faire accompagner dans ma démarche. Cela m’a apporté confiance et donné le courage de poursuivre mon projet.
Entre temps, je m’étais intéressée à une formation sur Paris de Praticienne en psychopédagogie positive qui semblait correspondre complètement à ce que j’avais envie d’exercer comme activité. Je suis entrée en contact avec quelqu’un qui exerçait déjà depuis un certain temps en Auvergne, et je me suis inscrite afin de préparer cette certification.
Au mois de mai 2015, l’association Aide aux Profs a eu l’excellente idée d »organiser son 2e colloque sur la création d’entreprise auquel j’ai participé. Cette expérience m’a donné des ailes et j’ai alors compris que je tenais là le moyen de réaliser mon rêve : créer une structure qui me permettrait de faire ce que j’aime en toute liberté et en gagnant ma vie. Au départ, je n’avais pas forcément envisagé de démissionner : comme ma formation pouvait se faire sur des week-ends, j’avais plutôt envisagé de me mettre à mi-temps et de développer ma reconversion en parallèle. Il faut dire que depuis janvier 2014 j’étais en arrêt maladie et je ne devais reprendre qu’en septembre 2015.
J’ai d’abord demandé à bénéficier d’un DIF afin de m’aider au financement de la formation : cela m’a été gentiment refusé par mon administration sous prétexte que le DIF avait été remplacé par le CPF mais que les décrets n’avaient pas encore été publiés pour l’Education Nationale. J’ai surtout compris concrètement qu’il ne me fallait rien attendre de mon employeur.
Je me renseigne alors sur le choix le plus judicieux pour effectuer ma reconversion et j’apprends que le cumul d’activités est limité dans le temps (après il faut choisir entre les deux activités) et que si je me mets à mi-temps, en cas de démission future, mon IDV sera calculée sur un demi-traitement. Fin juin 2015, je reprends contact avec mon école afin d’y préparer la rentrée : plannings, commandes… et là, je me replonge dans l’ambiance après avoir été en arrêt durant 1 an et demi. Au premier jour des vacances d’été, en juillet, je sais que je ne pourrai plus jamais y retourner et recommencer comme avant.
J’envoie ma lettre de démission au DASEN en effectuant une demande d’IDV pour création d’entreprise. Je reçois une réponse courant septembre m’indiquant le montant qui m’a été attribué et me demandant à quelle date je souhaite partir. J’accepte le montant proposé et demande à démissionner au 1er novembre 2015, ce qui a été accepté.
Que fais-tu maintenant ? En quoi consiste ta nouvelle activité ?
Aujourd’hui, je me suis installée en tant qu’autoentrepreneur afin de démarrer mon activité de façon simplifiée. Dans un premier temps, je propose des formations de remise à niveau sur le socle des compétences professionnelles à destination de salariés peu qualifiés, pour des organismes de formation continue avec lesquels je suis en contact.
Lorsque j’aurai obtenu ma certification en psychopédagogie positive au printemps 2016, je m’installerai en cabinet libéral afin d’accompagner des enfants ou adolescents présentant des problématiques d’apprentissage. J’ai également créé une page professionnelle destinée à promouvoir mes activités et à partager des pistes de réflexion autour de cette thématique : https://www.facebook.com/laboitealetre/
Parallèlement, je suis, avec l’association Aide aux Profs, une formation de Conseiller en Mobilité Professionnelle afin d’aider des collègues ou des salariés de tous horizons à se reconvertir professionnellement. En résumé : La Boîte à l’Être prend tout son sens puisqu’il s’agit avant tout d’aider des individus à s’épanouir et à se révéler…
Lorsqu’une personne te pose des questions sur le métier d’enseignant, que lui réponds-tu maintenant ?
Aujourd’hui, avec le recul, je ne conseille pas forcément autour de moi de se lancer dans le métier d’enseignant. C’est un métier de plus en plus difficile et mal reconnu même si certains y trouvent encore leur compte. Tout dépend de sa personnalité et de ses choix de vie. Il faut arriver à faire abstraction de toute la lourdeur administrative que demande ce métier actuellement. Je pense personnellement que je me sentirai plus utile dans mes nouvelles fonctions et plus libre d’entreprendre ce que j’ai envie de construire.
Si tu pouvais rencontrer le Ministre de l’Education Nationale en personne, maintenant que tu as démissionné, tu lui dirais quoi ?
Si je pouvais apporter des améliorations à la gestion des ressources humaines au sein de l’Education Nationale, ce serait de permettre plus facilement l’accès à d’autres métiers, et d’arrêter de penser que les gens doivent être enseignants « à vie ». Pour ce faire, il faudrait faciliter l’accès à la formation, à la mobilité professionnelle, à la réalisation de projets personnels en adéquation avec les désirs de chacun. Bref, une véritable politique de ressources humaines où l’ « humain » prime sur la bureaucratie.
Pourlesprofs.fr est un site qui propose des applications très utiles pour faciliter le travail des professeurs des écoles, des collèges et des lycées.
Mikael Fontaine, vous avez créé « Pourlesprof.fr », qu’est-ce qui vous a donné cette idée ?
L’idée de créer des applications pour les profs est venue au cours de discussions avec mon ami développeur web Mickaël LECOQ. Etant professeur dans le secondaire, à chaque rentrée, à chaque période de conseils de classes ou de devoirs, je lui faisais part de mon manque de temps et de ma fatigue.
Au cours de nos échanges, il m’a convaincu que plusieurs tâches pouvaient être automatisées, comme par exemple les plans de classe ou les corrections de devoir avec notes et compétences. Nous avons cherché sur Internet, nous avons trouvé des sites qui faisaient cela mais ils étaient toujours compliqués, pas faciles à prendre en main et ils ne prenaient pas en compte la réalité du terrain.
Par exemple, les connexions internet ne sont pas toujours stables dans les établissements scolaires, il est indispensable de pouvoir travailler aussi sur son mobile. Au départ, l’idée était que Mickaël m’aide à créer de petites applications pour m’aider dans mon travail, mais très vite il m’a proposé de réaliser ces applications en version web pour pouvoir en faire profiter d’autres enseignants.
Quelle est la composition de votre équipe ? Etes-vous une association ou une entreprise ?
Pour l’instant, nous travaillons tous les deux sur notre temps libre. Nous sommes en train de nous renseigner pour créer une petite structure. Nous essaierons d’ouvrir le site à la fin de l’année scolaire. Nous avons décalé l’ouverture car nous voulions nous adapter aux nouvelles réformes, notamment celle de l’évaluation.
D’autres enseignants collaborent aussi avec nous (avis, traduction en anglais, …).
Quel est l’objectif de votre site pour les enseignants ? Qu’allez-vous leur proposer ?
Le but de notre site est de faire en sorte que l’enseignant garde toute son énergie pour les tâches les plus fondamentales : la préparation des séances, l’interaction enseignant-élève, etc. Nous allons donc proposer des applications pour toutes les tâches répétitives d’une année scolaire : plan de classe, conversion de l’évaluation par compétences en note, aide aux appréciations de bulletins scolaires…
Je teste chaque application, dans des conditions réelles, pour voir si je gagne réellement du temps et pour voir si tous les cas de figure sont bien pris en compte. Par exemple, j’ai testé les plans de classe automatiques à la rentrée de septembre. D’ordinaire, j’y passais presque une journée (pour 9 classes et 18 demi-groupes). Cette fois-ci, une heure m’a amplement suffi. Par contre, aux vacances de la Toussaint, je me suis aperçu qu’il fallait pouvoir faire avancer les élèves automatiquement (d’une rangée ou plus selon la volonté de l’enseignant). Pour chaque application, Mickaël apporte sa vision d’informaticien et son expertise (design épuré, pas besoin de valider les saisies à chaque fois pour gagner du temps, site lisible, sécurisation des données, etc.).
Les enseignants pourront-ils contribuer à produire des ressources pour votre site ? Envisagez-vous des contrats de vacation en droits d’auteurs par exemple ?
Si nos applications intéressent assez d’enseignants, pourquoi pas solliciter des contributions de leur part. Cependant, notre site se base sur le principe très connu de « c’est simple, ça marche », il nous faut donc pouvoir contrôler les productions des contributeurs pour s’assurer que la qualité du site reste toujours aussi bonne.
L’entrée du numérique dans le métier des enseignants vous semble-t-elle avoir compliqué leur métier ? Comment comptez-vous les aider à ce niveau-là ?
Bien évidemment, l’utilité du numérique dépend de son utilisation. Si l’on crée des outils mal conçus, bien sûr que le métier se complique ! L’année dernière, dans mon établissement, pour pouvoir simplement me connecter à mon espace professeur, je devais aller sur un site, cliquer sur le bouton « se connecter », stipuler que j’étais enseignant, entrer mon identifiant, mon mot de passe, valider, puis sélectionner mon espace professeur au sein d’une liste d’applications interminable.
Dans ce cas de figure, on veut se débarrasser de l’ordinateur pour revenir au bon vieux stylo ! Ce qui détermine la qualité d’une application, c’est la durée entre le moment où je me connecte et celui ou j’ai fini d’effectuer la tâche pour laquelle je m’étais connecté. Notre objectif est de diminuer ce temps au maximum pour que justement nos applications aident les professeurs à se concentrer exclusivement à la conception de leurs cours, pour interagir avec leurs élèves et pourquoi pas aussi méditer, prendre du recul, se cultiver… Dans un monde où l’on parle de plus en plus de décroissance, de consommation raisonnable, le rôle de l’enseignant est peut-être aussi, nous semble-t-il, de ne pas succomber à l’hyperactivité, d’être un exemple de modération, un peu comme Montaigne l’enseignait il y a déjà bien longtemps. Dans ce cas, l’informatique, si elle est bien utilisée, peut nous être d’une utilité indéniable.
Comptez-vous proposer aussi des contenus pédagogiques multimédia à moyen terme ?
Pourquoi pas ! Tant que cela répond au précepte « c’est simple, ça marche », cela nous intéresse. Nous comptons en tous cas être à l’écoute des enseignants, de leurs idées et de leurs besoins. Trop souvent, dans l’informatique éducative, ce sont les développeurs informatiques qui se retrouvent livrés à eux-mêmes avec un cahier des charges épais comme l’encyclopédie.
Il nous paraît indispensable pour parvenir à créer des outils utiles de travailler directement avec les gens qui les utilisent sur le terrain.
Cette activité constitue-t-elle un nouveau départ pour vous, une reconversion ?
Ce n’est pas un nouveau départ. Je reste enseignant. Par contre, le fait de travailler sur un autre projet, de plus avec un ami, est très stimulant. Je me retrouve dans la situation de l’élève, Mickaël apprenant chaque jour de nouvelles choses en informatique.
Leur site :
Annoncé dans une double page par le quotidien Libération lors de sa première édition début octobre 2013, l’ouvrage a été relayé par de nombreux médias à ce jour, rencontrant un double public :
- Les étudiants qui envisagent le métier d’enseignant, et y découvrent un ouvrage de prévention, dans lequel ils découvrent des aspects de cette profession que les campagnes de publicité de l’Education nationale ne leur expliquent pas.
- Les enseignants, qui rencontrent plus ou moins de difficultés au fil des années, et qui trouvent dans ce guide pratique une multitude de conseils, de tests, d’exercices adaptés à toute la palette des difficultés et souffrances au travail que l’on peut rencontrer dans le métier d’enseignant.
Rendre plus accessible cet ouvrage (prix divisé par deux) déjà publié à plusieurs milliers d’exemplaires a été le souci de ses auteurs, Rémi BOYER et José Mario HORENSTEIN. La MAIF ne s’y est pas trompée, puisque le 1er novembre 2015, elle en a informé ses 450.000 enseignants sociétaires dans sa newsletter et dans l’espace consacré sur son portail au métier d’enseignant, sur le thème « une vie après l’école », en évoquant l’action de notre association, qui fêtera ses 10 ans d’existence le 18 Juillet 2016.
Le dossier :
L’ouvrage :
http://memogrames.skynetblogs.be/archive/2015/10/31/souffrir-d-enseigne[…]
L’intérêt des médias revient sur les questions de souffrance au travail, avec le burn-out notamment, qui devient l’un des nouveaux fléaux des mauvaises pratiques de management en entreprises et dans la Fonction Publique.
Ainsi la radio RTL a-t-elle consacré le 2 novembre 2015 quelques minutes au manque récurrent de médecins du travail dans l’Education Nationale. Quand Aide aux Profs avait rencontré Josette THEOPHILE le 27 janvier 2012, quelques mois avant son départ, elle nous avait alors indiqué avoir tenté de recruter 50 médecins du travail, mais 14 seulement avaient candidatés, et 2 seulement avaient été recrutés. Nous sommes donc toujours à 84 médecins du travail pour 850.000 enseignants, et il est permis d’affirmer que la santé des enseignants ne peut plus être traitée dans ces conditions par l’Education Nationale.
Avec l’allongement de la durée des carrières, le nombre d’enseignants en fin de carrière prenant un congé de longue maladie ou de longue durée augmente, ainsi que le nombre d’enseignants ayant besoin d’un poste adapté. Le ratio de satisfaction ne cesse de diminuer avec 3 à 4 demandes pour 1 poste disponible, et de nombreux enseignants sont maintenant conduits directement vers la retraite pour invalidité alors qu’ils sont loin de l’être. L’Education Nationale rend de plus en plus les enseignants qui l’ont servie, victimes de ses insuffisances et de ses dysfonctionnements, puisqu’en 2013 et 2014 il n’y a eu que 150 reclassements administratifs pour toute la France, en grande majorité en catégorie B, comme si un enseignant diplômé Bac+5, une fois sorti de son métier, n’avait pas un niveau plus élevé que le Bac.
Les besoins en postes PACD et PALD sont deux à quatre fois plus grands que les possibilités actuelles, il y a vraiment urgence. Il y a une incompréhension grandissante des difficultés des enseignants en classe par leur proche hiérarchie.
Dans une excellente interview du Café Pédagogique du 5 novembre, Béatrice FORNARI nous expose sa vision de la bienveillance à l’école, et évoque aussi la bientraitance qui devrait être l’attitude des supérieurs hiérarchiques pour les enseignants. C’est en effet ce qui a beaucoup diminué ces dix dernières années, avec la politique de coercition conduite durant les années noires de 2007-2012. Les savoir-être ne font pas encore partie des critères de recrutement, on peut le regretter, des futurs inspecteurs et chefs d’établissement. Les capacités d’écoute et d’empathie sont totalement absentes des contenus des concours de ces futurs cadres supérieurs de l’Education Nationale. Seules comptent les savoirs, et les savoir-faire à analyser une situation administrative, à rédiger un dossier RAEP très formel, et des lettres selon les normes en vigueur dans les rectorats, et à agir en fonctionnaire de l’Etat, selon un ensemble de règlements dignes des meilleurs régiments d’infanterie du début du siècle dernier.
Les propositions de Béatrice FORNARI :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/11/05112015Article63582[…]
Sur le site du Café
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