» Le problème est donc identifié : le décrochage précoce. Des méthodes éprouvées existent pour le résoudre ou le réduire fortement : l’accompagnement en CP des élèves fragiles en lecture et de leurs parents. Il y a des associations qui savent le faire : par exemple Coup de pouce. Le coût est limité. Le rendement est très élevé. Qu’attend-on ? » Dans une tribune du Monde, Jean-Louis Borloo, Nicole Notat et deux grands patrons, Denis Olivennes et Augustin de Romanet, appellent à investir dans le développement du dispositif Coup de pouce de l’Apfée pour lutter efficacement contre l’échec scolaire. Mais est-ce réellement efficace ?
» Ce n’est pas un acte de foi. C’est d’abord un constat empirique », écrivent les auteurs de la tribune. « Nous avons croisé sur notre route… l’association Coup de pouce (ex-Apféé) et ses ateliers d’accompagnement, entre les mains desquels passent chaque année 10 000 élèves et que nous soutenons depuis de nombreuses années. Nous avons vu des élèves fragiles en lecture retrouver un parcours d’apprentissage normal, ce qui n’était pas donné au départ ». Les auteurs présentent le dispositif comme efficace et s’appuient sur une étude de D Glasman, président du comité scientifique de l’Apfée, qui est plus prudent que ce qui est écrit dans la tribune.
Car plusieurs études montrent l’inefficacité du dispositif. D’abord celle de D Goux, M Gurgand et E Maurin, de l’Ecole économique de Paris, pour le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, publiée en 2013. Selon elle, « l’introduction du dispositif Coup de pouce (CPC) ne modifie pas les compétences cognitives en fin d’année scolaire de CP: il n’y a aucune différence apparente de résultats aux tests entre les élèves « prioritaires » des écoles test (bénéficiaires de CPC) et les élèves « prioritaires » des écoles témoin, ni en lecture, ni en mathématiques. On ne décèle également aucun effet sur les performances des élèves « non prioritaires », signe qu’une influence indirecte n’a pas joué non plus. Ainsi, les ressources supplémentaires dégagées par la présence de CPC ne se traduisent pas par une augmentation visible des compétences de l’ensemble de la classe. L’intervention de CPC ne se révèle pas à plus long terme : en CE1, les performances des élèves des classes test, mesurées par les évaluations nationales, ne sont pas meilleures non plus ».
En 2014, une nouvelle étude réalisée par Agnès Florin, Philippe Guimard et Isabelle Nocus, du CREN, université de Nantes, confirme le diagnostic. « Cette évaluation, comparée à celle qui avait été réalisée par l’Ecole d’Economie de Paris (EEP), arrive à des conclusions globalement identiques concernant le manque d’impact positif du dispositif CPC sur les performances des enfants dans la maîtrise de l’écrit au cours de l’année de CP, malgré une population différente choisie dans des classes où le dispositif avait été rodé avec des professionnels formés selon le cahier des charges de l’Apféé, ce qui ne semblait pas le cas dans l’étude de l’EEP ». Pour les auteurs, « si des activités ludiques autour de l’écrit et la lecture d’histoires par des adultes peuvent développer le goût des enfants pour la lecture, il est probablement illusoire de penser améliorer les performances en lecture, voire plus largement en maîtrise de l’écrit, même au début des apprentissages fondamentaux (en CP), sans intervenir de manière individualisée pendant le temps de classe sur les processus de base de l’apprentissage de la lecture ».
François Jarraud