» Les filles, les enfants issus de milieu aisé et ceux obtenant de bons résultats scolaires sont davantage concernés par cette option ». En plein débat sur le collège, où l’opposition des professeurs de lettres classiques est particulièrement active, la publication d’une nouvelle Note d’information de la Depp (direction des études du ministère de l’éducation nationale) sur l’enseignement du latin ne va pas passer inaperçue. Alors que les opposants à la réforme demandent le statu quo pour l’enseignement des langues anciennes, l’étude de la Depp montre que l’option latin est socialement et scolairement élitiste.
La moitié des enfants de cadres
» 18 % des élèves de cinquième en éducation prioritaire étudient le latin contre 25 % dans les autres collèges publics. Parmi les 10 % des meilleurs élèves à la fin de la sixième, plus de la moitié (53 %) étudient le latin en classe de cinquième. À l’inverse, seuls 4 % des élèves les plus faibles (ceux appartenant au premier décile) choisissent cette option. L’étude du latin concerne en outre 44 % des enfants d’enseignants, 39 % des enfants de cadres, mais seulement 20 % des enfants d’employés et 15 % des enfants d’ouvriers », annonce l’étude de la Depp. Elle marque ainsi cette option comme un double ghetto scolaire et social.
Pour bien se faire comprendre la Depp développe l’argumentation. « D’une part, les élèves de milieu très favorisé obtiennent en moyenne de meilleurs résultats, et choisissent donc plus souvent l’option « latin », conformément à leur niveau scolaire plus élevé. D’autre part, même à résultats scolaires identiques, l’étude du latin est plus fréquente pour les catégories les plus aisées. Lorsqu’ils appartiennent aux 10 % des élèves les plus en difficulté à la fin de la sixième, les enfants de cadres étudient près de deux fois plus souvent le latin que les enfants de milieu défavorisé : 8,5 % de latinistes contre 4,5 % ».
Des effets durables pour la réussite scolaire ?
L’étude souligne quand même la particularité du latin dans l’éducation prioritaire. Si moins d’élèves prennent l’option du fait d’un niveau scolaire fréquemment plus bas, « à milieu social et niveau scolaire identiques, le constat s’inverse : les élèves choisissent plus souvent le latin lorsqu’ils sont scolarisés en éducation prioritaire » que dans les collèges ordinaires. De là à penser que le latin est aussi un marqueur social et scolaire à l’intérieur de l’éducation prioritaire il n’y a qu’un pas…
Les familles qui utilisent cette option ont finalement raison. Car les élèves qui ont pris latin réussissent mieux leur scolarité et cela de façon durable. « 80 % des élèves qui avaient commencé le latin en cinquième ne l’étudient plus en seconde. Non seulement les latinistes choisissent plus souvent les filières générales et technologiques, mais quand ils font ce choix, ils s’orientent de préférence vers la série scientifique ». Autrement dit les latinistes sont bien les meilleurs élèves du système éducatif. Ce qu’ils étaient déjà dès la 5ème…
La Depp pose donc la question : « en plus d’être un marqueur de réussite, le latin en est-il aussi un vecteur ? L’étude du latin a-t-elle un effet sur la progression scolaire des élèves ? » La réussite scolaire de ces élèves s’explique-t-elle par les particularités du latin ? Là-dessus la Depp reste prudente. « Toutes ces questions font l’objet de débats dans le système éducatif français depuis plus de quarante ans. Ces questions sont complexes et la présente note ne prétend pas y répondre. L’étude montre cependant de façon certaine que toute interprétation hâtive sur les effets du latin dans la réussite des élèves est erronée si elle ne prend pas en compte les profondes différences sociales et scolaires entre les élèves qui choisissent d’étudier le latin et ceux qui font le choix inverse ».
François Jarraud