Alors que des milliers d’enseignants font leur rentrée, la ministre voit l’année scolaire 2015-2016 comme une « année charnière », celle qui doit mener à l’application de la réforme du collège. Ce sera bien sur la grande affaire de cette année qui pourrait éclipser ce qui est plus fondamental : les efforts faits pour l’éducation prioritaire. Mais la formule prend aussi un sens politique. 2015-2016 pourrait être une dernière année difficile avant des temps meilleurs. Le tout c’est de la passer…
Une question a dominé la période 2013-2015, la réforme des rythmes scolaires. Deux années durant elle a accaparé le ministère, les syndicats, les collectivités territoriales et finalement tous les acteurs de l’Ecole. Au départ, une idée sympathique, celle de la co-éducation. Tous les villages allaient se mobiliser pour éduquer leurs enfants dans un effort tel qu’il dépasserait les difficultés scolaires. Deux années plus tard, le doux rêve sent l’aigre. L’intérêt d’une cinquième matinée de classe est dépassé les conditions de mise en place. La co-éducation s’est transformée en partie de bras de fer entre l’Etat et des collectivités locales qui semblaient acquises. Un milliard d’euros d’argent public a été investi pour calmer les oppositions et l’Etat a du accepter des arrangements, avec le décret Hamon, qui contredisent les idéaux du départ. La vie des écoles a été bousculée pour mettre en place des activités périscolaires dont l’utilité est souvent douteuse aux yeux des enseignants. Finalement il reste de cet épisode une certitude : pour résoudre les difficultés des élèves il faut s’intéresser à leurs apprentissages scolaires. Tout autour un océan d’aigreurs que plusieurs ministres devront éponger…
Les créations de postes au primaire et au secondaire se heurtent à la poussée démographique. En effet la rentrée voit 25 400 élèves supplémentaires au primaire et 27 000 dans le secondaire, dont 40 000 dans les lycées. Cette croissance démographique absorbe une grande part des 2511 postes créés au primaire et des 2550 emplois ouverts au secondaire. Du coup les politiques ministérielles ont moins de moyens, moins d’effets et sont moins visibles.
Cette année, le projet de réforme du collège suscite des interrogations. Là aussi elle porte de bonnes idées comme davantage d’autonomie pour les équipes et des enseignements pluridisciplinaires. Ce qui semble manquer c’est la capacité à gérer le changement. Comment faire accepter une réforme des pratiques pédagogiques à des enseignants qui, à tort ou à raison, n’en veulent pas ? On peut douter de l’efficacité de « formations » non demandées, impulsées et accompagnées par la hiérarchie. Il y a eu suffisamment de travaux sur l’accompagnement au changement et ses conditions nécessaires mais l’éducation nationale n’en a cure… La réforme du collège pourrait au final laisser chez les enseignants des collèges les mêmes aigreurs que celle des rythmes scolaires.
2016-2017 pourrait être meilleure. La pression démographique devrait fortement s’atténuer. Du coup cela devrait redonner des marges de manoeuvre au ministère et rendre plus visibles dans les écoles et les établissements les effets des nouvelles politiques comme la scolarisation des moins de 3 ans ou le « plus de maîtres que de classe ». Concrètement cela devrait crédibiliser ces politiques. Le gouvernement promet aussi quelques efforts de rémunération pour les enseignants. Mais, en attendant, la rentrée 2015 débute une année scolaire encore bien difficile.
François Jarraud