Les écarts d’acquis scolaires se creusent au collège entre les enfants des milieux populaires et ceux des familles favorisées , affirme une nouvelle Note d’information de la Depp. Mais elle fait plus que le constater. S’appuyant sur une étude que le Café pédagogique avait signalé en mai 2015, la Note démonte les mécanismes de ces inégalités scolaires de telle sorte que les enseignants peuvent agir.
Pauvres et riches comprennent également mais…
» Les performances varient selon l’origine sociale et l’environnement culturel. Ainsi, environ un tiers des enfants d’origine sociale défavorisée ne dépassent pas le premier quartile de scores aux évaluations standardisées, c’est-à-dire figurent parmi le quart des élèves qui réussissent le moins bien. À titre de comparaison, cette proportion se situe autour de 10 % chez les enfants d’origine sociale très favorisée pour toutes les épreuves sauf en raisonnement sur cartes », explique la Note d’information. Les variables culturelles jouent aussi un rôle par exemple le nombre d elivres détenus à la maison.
Ce qui est particulièrement intéressant c’est que la note s’intéresse précisement aux domaines où se construisent les écarts. Elle distingue 5types d’épreuves différentes : le traitement de phrases lacunaires, le raisonnement (sur carte à jouer pour rester dans un domaine accessible à tous), la capacité de lecture silencieuse, les exercices mathématiques et ce que la Note appelle la « mémoire encyclopédique » qui mesure en fait la maitrise du vocabulaire scolaire, des notions utilisées dans les manuels.
« Pour trois des cinq épreuves (traitement de phrases lacunaires, lecture silencieuse et raisonnement sur cartes à jouer), les élèves semblent progresser à un degré comparable, qu’ils soient d’origine sociale favorisée ou défavorisée. L’environnement culturel de l’élève ne semble pas non plus exercer une influence significative sur la progression des élèves. En revanche, on observe des écarts de progression significatifs selon la catégorie sociale du responsable de l’élève en mathématiques et en mémoire encyclopédique. Ici, le collège aurait donc tendance à accroître les inégalités sociales ».
Tous ne comprennent pas le langage scolaire
Cette Note s’appuie sur le travail de Linda Ben Ali et Ronan Vourc’h publié dans Education & formations n°86 dont le Café pédagogique a rendu compte en mai 2015. « Les résultats suggèrent que les écarts sociaux auraient tendance à se creuser davantage pour des épreuves construites à partir d’un contenu strictement scolaire », écrivaient-elles. C’est bien la capacité familiale à avoir acquis cette culture scolaire (le vocabulaire des manuels scolaires par exemple) qui augmente les inégalités sociales au collège. Les élèves des milieux populaires, les enfants immigrés comprennent aussi bien que les autres. Mais ils n’ont pas accès comme les autres à la langue de l’école.
L’intérêt de cette étude c’est qu’elle commence à donner des indications sur les points où doivent agir les équipes enseignantes. Le décrochage scolaire semble moins lié à des difficultés de compréhension qu’à une incompréhension du discours scolaire. La différence peut sembler subtil pour beaucoup d’enseignants eux-mêmes anciens bons élèves et bons connaisseurs des usages scolaires. Les travaux de la Depp montrent l’importance de bien marquer les facteurs d’explication des raisonnements scolaires. Vérifier la maitrise du vocabulaire utilisé, expliciter les raisonnements conduits par les élèves doivent être davantage un souci permanent pour lutter contre les inégalités sociales à l’école.
François Jarraud