Par François Jarraud
Comment concrètement sur le terrain s’articulent projet d’établissement, politique académique et projet éducatif territorial ? Le 14 janvier, l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) invite deux représentantes du Conseil général de Seine Saint-Denis pour faire le point. Malgré le dynamisme du département et ses investissements, la concertation reste pauvre et la relation reste à construire.
Les immenses besoins éducatifs de Seine Saint-Denis
« Dans un souci d’éducation partagée, le Département souhaite promouvoir la mise en synergie des actions menées sur le territoire par l’ensemble des acteurs éducatifs, dans le respect de leurs compétences ». En novembre 2012, le conseil général de Seine Saint Denis signait un projet éducatif territorial avec la rectrice de Créteil. Deux ans plus tard, Aurore Brachet et Raphaële Buchsenschutz, du Conseil général de Seine Saint-Denis font le bilan de cette démarche dans un département exceptionnel.
Car la Seine Saint-Denis reste un département particulier. D’abord par ‘limportance de sa jeunesse : 30% des habitants ont moins de 20 ans et le nombre d’élèves croit régulièrement. Ensuite par une situation sociale exceptionnelle. 22% des ménages sont sous le seuil de pauvreté. 22% des élèves entrent en retard en 6ème (13% e France). Enfin le département se singularise aussi par son effort éducatif. En 2010 il a bloqué 723 millions pour construire 12 collèges en 4 ans. Il consacre 8 millions par an à des actions éducatives (hors numérique).
Naissance des projets éducatifs territoriaux
« En 2011, on a fait le bilan que l’école ne pouvait pas y arriver toute seule. Et le département non plus », explique Raphaële Buchsenschutz. D’où la rédaction d’un projet éducatif départemental axé sur deux thématiques : se construire, avec des projets sur la santé et al prévention de la violence; se former avec un parcours d’orientation, de la prévention etc. De cette époque date la programme phare du département. Le dispositif ACTE recueille les élèves exclus des collèges.
En novembre 2012, le projet éducatif territorial signé avec la rectrice pointe les points de rencontre avec le projet académique et s’organise autour de 4 axes : les actions déployées en faveur des élèves déjà présentes dans le projet départemental; les actions vers les parents, par exemple la mise en place d’espace parents dans les nouveaux collèges; les actions vers les personnels come des formations; les actions vers les établissements comme la dotation numérique ou la carte scolaire.
Des résistances dans l’Education nationale
Pour les deux représentantes du Conseil général, le bilan au bout de deux ans met surtout en avant les résistances dans l’éducation nationale. « Les agents restent dans une démarche de catalogue. Ils utilisent des projets clés en main qui entrent dans leurs objectifs pédagogiques. Mais il y a un manque d’appropriation de la dynamique par les établissements. Les projets éducatifs sont votés par les établissements mais pas forcément appliqués », dit Raphaële Buchsenschutz. Elle souligne aussi le manque d’espace de collaboration. « Les enseignants nous disent qu’ils n’ont pas le temps de se réunir avec nous. Les principaux de collèges ont des envies mais ils ne se posent pas la question de la logique de réseau. Le département n’est pas identifié comme un acteur pédagogique ». La loi de refondation, les Rep+ donnent des leviers . Mais le département se demande jusqu’à quel niveau il doit descendre pour son action. Enfin la réforme territoriale, où l’avenir du département n’est pas clair, retarde la signature des conventions tripartite avec les établissements.
Un bon exemple est donné avec le dispositif ACTE. Ce sont 700 jeunes qui sont accueillis chaque jour dans le dispositif ACTE dans le cadre d’une convention passée entre 70 collèges (sur 125) et le département. « On craignait qu’on nous délègue les élèves », explique Aurore Brachet. « On a donc travaillé une charte avec la direction des services départementaux de l’Education nationale (DSDEN). Le retour de l’élève au collège doit être travaillé avec le collège. On réaffirme la nécessité du lien avec le collège où on va raconter ce qui s’est passé dans le cadre du dispositif ». Le Conseil général pointe les difficultés de communication entre les principaux et les enseignants à l’origine de l’exclusion. La communication reste aussi très difficile avec les ateliers relais et avec le personnel de santé et le services sociaux de l’éducation nationale (problème de secret par exemple).
« Il faut créer la relation de confiance » avec l’éducation nationale, estime A Brachet. Le programme ACTE et les autres ont des effets sur le élèves qui sont visibles. « Il faut travailler sur la formation des enseignants pour qu’ils comprennent comment fonctionne un partenariat avec une collectivité locale ». La généralisation des contrats tripartites annonce de nouveaux défis pour coordonner les ambitions rectorales, les politiques départementales et les demandes locales.
François Jarraud
« Je suis opposée au transfert des collèges aux régions.. Quel serait l’intérêt pour les régions stratèges d’être responsables de 5 271 collèges publics, en plus de 2 513 lycées publics ?… Finie la proximité entre les élus et les établissements. Devrions-nous nous faire remplacer par des fonctionnaires ? Sommes-nous élus pour nous dessaisir de nos compétences ? Ce transfert affaiblit le lien avec le primaire que nous avons voulu renforcer dans la loi sur l’école. Par pitié, nous disent les personnels, pas ça en plus de la réforme des rythmes scolaires ». Au Sénat, le 19 janvier, ce spropos de Catherine Morin-Desailly, UDI, trouvent écho chez Christian Favier, communiste. » Les collèges sont des établissements de proximité ; ils ont besoin de réactivité pour les remplacements, les travaux : les départements se sont organisés à cette fin… Ce transfert aux régions constituera un recul. La démocratie aussi reculera : comment feront les 200 élus d’Ile-de-France pour suivre 1 300 établissements ? Que deviendra le lien avec les politiques départementales, le partage des locaux avec les associations ? Il en va de même pour le suivi des jeunes en difficulté ou en décrochage scolaire, qui engage les éducateurs du département. » Le gouvernement a du retirer l’amendement qui visait à confier les collèges aux régions. La bataille se poursuivra probablement à l’Assemblée.
Le compte-rendu
http://www.senat.fr/cra/s20150119/s20150119_3.html#par_17
« L’allocation progressive des moyens, que vous présentez comme une solution.. a de longue date montré qu’elle ne peut être efficace si elle se construit sur des redéploiements ». Alors que la ministre de l’éducation nationale a annoncé « une nouvelle répartition des moyens » à la rentrée 2015 en fonction des inégalités sociales, Bernadette Groison dans une lettre envoyée à la ministre le 7 janvier manifeste l’opposition de la FSU à tout redéploiement. C’est un des justificatifs de la grève annoncée pour le 3 février.
B Groison demande également un élargissement de la carte de l’éducation prioritaire, certains établissements devant y figurer en étant exclus par le nombre de réseaux fixé par le ministère. Sur ce point les négociations sont en cours et la situation peut encore évoluer.
« La FSU exige la revalorisation des salaires. Le gel du point d’indice de l’ensemble des fonctionnaires demeurant inacceptable, elle demande l’ouverture de négociations dans la Fonction publique. Dans l’Éducation Nationale, le déclassement salarial des enseignants est désormais reconnu », écrit B Groison. « Parce que certaines questions ne peuvent plus attendre, la FSU appelle les personnels à être en grève le 3 février prochain ».
La lettre
http://www.snes.edu/Lettre-adressee-a-Madame-la.html
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