Beaucoup d’établissements français comportent des classes préparatoires aux grandes écoles. Parfois leurs CDI sont communs au lycée et aux CPGE. Parfois, ils sont clairement séparés. Quelles sont les caractéristiques particulières de ces lieux et sont-ils vraiment des CDI ?
Un exemple : Le Lycée du Parc à Lyon
L’établissement a eu 100 ans en 2014 et on a fêté son anniversaire avec toute la magnificence due à cette honorable institution. Tout ce qui compte du monde enseignant, politique, illustres anciens élèves lyonnais…ils sont venus, tous étaient là ! Un ouvrage relativement luxueux a même été édité pour l’occasion.
Fréquentation et horaires d’ouverture
Le lycée, fort de ses 2000 âmes, abrite environ 1300 étudiants contre 600 lycéens.
Le CDI, comporte quelques 130 places assises mais lorsque celles-ci sont occupées, les élèves et surtout les étudiants travaillent debout, appuyés à la rambarde de la mezzanine. Il faut se battre pour que certains n’investissent pas la moquette défraîchie et n’étalent leurs copies comme sur le plancher de leur chambre ! La pause méridienne est de loin la plage horaire la plus chargée, particulièrement par temps de pluie. Il n’est pas rare d’accueillir 200 élèves/étudiants en même temps.
L’ouverture est non stop de 8heures (9h le lundi matin) à 21h, tous les jours jusqu’au vendredi ! Du jamais vu dans l’histoire du lycée du Parc ou d’un lycée français tout simplement ! C’est ainsi depuis deux années scolaires alors que le personnel fait cruellement défaut. L’établissement bénéficie de deux postes de titulaires professeurs-documentalistes et de moyens variables, pour cette année 2014/2015, un collègue en réadaptation vient prêter main forte… A titre de comparaison, à Nancy, le CDI du lycée Poincaré tourne avec 2 professeurs documentalistes et 3 assistants d’éducation. Il est ouvert de 8h à 17 h30 et le samedi matin. Au lycée Fabert, on ouvre de 8 h à 18 h ainsi que le samedi matin.
Si nous assurons l’ouverture jusqu’à 18 h, des surveillants prennent le relai ce qui n’est pas sans poser problème. En effet, aux yeux des usagers, cela revient à assimiler le CDI à une salle de permanence, heureux encore lorsque cela ne se transforme pas en cafeteria ! Sur le coup des 20 heures, les petits creux se manifestent… Aux dires des surveillants, fermer à 21 heures n’est pas une sinécure : il faut faire preuve de fermeté, faire le tour des salles de travail car certains n’ont « pas entendu » ! D’une manière générale, il n’est pas aisé de fermer boutique !
Le fonds
20 000 ouvrages, 120 abonnements. Des crédits pédagogiques que la décence par rapport à mes collègues bien plus mal lotis, m’obligent à taire. La plupart des « grands lycées » possèdent un fonds comparable : à Janson de Sailly, environ 40 000 documents tout confondus, 110 000 notices bibliographiques, et 75 abonnements à des revues. Le lycée Poincaré de Nancy affiche un peu plus de 35 000 documents.
Au Parc, on remarque tout de suite en entrant, des rayonnages bien remplis. Des éditions particulières pour les étudiants en CPGE. Au hasard des étagères, de vieux bouquins qui auraient été sans pitié désherbés dans tout autre CDI mais auxquels les professeurs des khâgneux sont très attachés, des revues vieilles de 20 ans et parfois plus qui auraient dû subir le même sort !
A quoi tient l’ambiance d’un CDI de lycée ?
A sa situation au cœur de l’établissement. Si ce n’est d’un point de vue géographique, du moins par le dynamisme qui en émane, par la qualité des projets conduits, par les séances pédagogiques autour d’un thème pluridisciplinaire, par l’investissement et la personnalité des professeurs documentalistes…
Généralement, les CDI renferment un coin lecture, convivial, aménagé avec quelques fauteuils. J’ai même vu une collègue installer un hamac, en collège. « Chez nous », rien de tout cela ! Tous ces « grands lycées », que ce soient Le Parc, Fabert, Fénelon, Henri IV, Janson de Sailly, offrent cette image héritée de la fin du 19e siècle : bâtiments imposants, cours fermées et cour d’honneur, galeries, structures métalliques à la Baltard, internat…
Ici, les lycéens de Seconde qui débarquent en début d’année sont un peu perdus ! C’est toujours un peu le cas lorsque l’on fut les plus grands du collège et que l’on devient les plus petits du lycée. Mais, au lycée du Parc, outre l’architecture un peu écrasante, les couloirs et escaliers, la salle des Actes et ses plafonds peints…il faut se frotter aux hordes d’étudiants et trouver une toute petite place, au CDI en particulier !
Lors de la visite d’initiation en tout début d’année, les élèves de Seconde sont surpris par l’abondance des ressources, par la fréquentation nettement supérieure à ce qu’ils ont connu, par l’absence de littérature de jeunesse – absence que j’ai eu à cœur de combler quelque peu cette année- par un lieu de travail dans lequel règne généralement un silence monacal malgré la mezzanine et les espaces que l’on peut difficilement surveiller.
A la rentrée des vacances de Noël, l’installation du WIFI dans tout l’établissement a encore participé à la transformation du CDI en autre chose ! En effet, de très nombreux étudiants s’installent avec leur ordinateur portable comme si ressources offertes et professeurs documentalistes n’étaient pas là…
Quant à notre travail, c’est quasiment une reconversion ! Une moyenne de 7000 prêts par an, des tonnes de livres à commander, à saisir, à couvrir, à protéger, à coter…des revues à dépouiller car beaucoup d’entre elles, trop spécifiques ne le sont pas par le CRDP de Poitiers….des rayons à ranger tous les jours, des dictionnaires à redescendre de la mezzanine où ils ont été « oubliés »…
A bien des égards, le CDI ressemble à s’y méprendre à une bibliothèque universitaire. D’ailleurs, au lycée Henri IV, ne parle-t-on pas du CDI du lycée et de la « bibliothèque » des CPGE.
Difficile équilibre à trouver afin que tous les publics accueillis trouvent leur compte, des lycéens fraichement arrivés de leur collège de secteur aux futurs ingénieurs. De la lecture- plaisir, détente, aux ouvrages éminemment pointus, du lieu silencieux et solennel à l’endroit dans lequel on est heureux de pouvoir lire la presse ou partager ses impressions de lecture. Enfin, les professeurs documentalistes doivent aussi dans ce contexte, s’adapter à un type de travail auquel ils n’étaient pas forcément préparés. D’aucuns souffrent d’un rôle pédagogique réduit à une peau de chagrin au profit de tâches de gestion extrêmement chronophages. Certains regrettent aussi, la profusion des outils informatiques mobiles et personnels qui isole les étudiants du reste de la communauté éducative et la désaffection progressive pour les ressources papier pourtant variées et abondantes.
Mireille Roy
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