Quelles missions, quel rôle, quelles tâches, quelles rétributions ont les coordonnateurs ? Une enquête auprès de professeurs documentalistes montre la variété, la richesse et les apports de cette mission. Coup de projecteur sur quelques collègues de différentes académies.
« Les documentalistes coordonnateurs (-trices) sont chargé(e)s de saisir les candidatures, d’organiser les réunions et de me transmettre les comptes rendus » précise une note de l’IPR Vie Scolaire -Académie de Lyon-, Christine Sapet-Reverdy. Elle est l’instigatrice d’une charte académique de fonctionnement des groupes de travail qui en définit les missions. « J’ai accepté d’être documentaliste ressource car je pense que cette fonction ne doit pas être abandonnée dans les bassins. Ce lien entre les acteurs de l’éducation et les décideurs me semble indispensable et ne doit pas être rompu,» affirme pour sa part Sophie, documentaliste en collège à Sisteron. A l’aide de nombreux témoignages, voyons comment s’articule ce lien.
MR : Comment êtes vous devenues coordonnatrices du groupe que vous animez, par cooptation, désignation, par envie, par choix des pairs ou tout cela à la fois ?
Audrey, enseignante en lycée professionnel, dans l’académie de Lyon: -J’ai pris cette fonction par hasard, parce que l’occasion s’est présentée : il fallait prendre la relève de l’une d’entre nous et personne ne se proposait. Mais je ne regrette pas du tout. Avoir l’opportunité d’échanger sur nos pratiques, nos expériences, est précieux et enrichissant…
Laure, co-animatrice d’un groupe de travail de Lyon, s’est sentie « nominée » et puis « ça (l)’intéressai(t) de voir. Elle a donc accueilli la proposition de la collègue précédente avec plaisir.
Comme personne ne souhaitait reprendre le flambeau, Amandine arrivant dans l’académie d’Aix-Marseille mais ayant assumé ces fonctions ailleurs, s’est proposée. Dans l’Académie de Versailles, Laurence fonctionne en binôme. C’est un choix. Le binôme est tacitement reconduit sauf si quelqu’un souhaite arrêter.
Pascale professeure documentaliste en lycée général à Cannes : J’ai choisi ce rôle pour mieux connaître le métier et me sentir actrice : être plus proche de mes collègues et aussi initier des réflexions communes sur le métier ce qui m’oblige à effectuer une veille documentaire que je ne ferais peut-être pas si je n’étais pas coordonnatrice.
MR : Quels sont vos rapports avec les IPR? Est-ce que cela a changé leur regard, vos relations ?
Pascale : Oui, je me sens davantage responsable et privilégiée pour les contacter. Je pense être mieux placée pour comprendre leurs attentes et aussi pour évaluer le degré d’intérêt qu’ils manifestent pour notre profession. Par ailleurs, je peux parfois me sentir en porte à faux avec eux par rapport à certaines demandes ou refus de leur part car je ne suis pas pour autant tout le temps en accord avec l’institution.
Edith : Les thèmes nous sont imposés .Nous devons plancher sur le numérique, par exemple. Ce ne sont pas toujours les sujets qui nous passionnent mais nous devons préparer les journées. Quatre demi-journées sont obligatoires et trois autres sont optionnelles.
Audrey : Elle se rend peut-être mieux compte que, comme pour les enseignants, la réussite de nos séances n’est pas toujours garantie.
Laure : Nous rencontrons notre IPR en début d’année. Elle nous fait part des nouveaux textes, des nouveaux fonctionnements…Il y a quelques années, nous avions trois jours de formation organisés par l’IPR mais au fil des ans, nous n’avons plus que deux demi-journées ! Cela me semble suffisant car auparavant, je n’osais plus postuler pour d’autres stages de formation.
Il existe de grandes disparités suivant les académies. « Nous avons un contrat moral de trois ans. Dans l’Académie d’Aix-Marseille, nous sommes des documentalistes ressources et nous bénéficions de trois vraies journées de formation. Il a été mis en œuvre un projet documentaire d’Académie. Trois thèmes sont développés : l’orientation, le numérique, l’utilisation du numérique dans la pédagogie. Si nous sommes libres d’organiser nos journées ou demi-journées comme nous le souhaitons, nous devons aborder chacun de ces thèmes dans l’année,» affirme Amandine.
Sophie: J’ai surtout des contacts avec la chargée de mission plus qu’avec l’IPR EVS chargé des profs-docs. Notre IPR qui n’est là que depuis l’année dernière semble être à notre écoute (enfin !) même s’il reconnait lui-même qu’il découvre une profession.
MR : – En quoi consiste exactement ce travail supplémentaire ?
Pascale : – trouver une date et un lieu pour les réunions ; définir un ordre du jour : quel(s) thème(s) en s’appuyant sur les demandes/besoins des IPR d’une part, et des collègues ; contacter des intervenants extérieurs, partenaires culturels de proximité souvent, pour les faire intervenir ; organiser des visites de lieux culturels de proximité ; publier un compte-rendu pour chaque réunion sur le site de Doc@zur; faire remonter , le cas échéant, des infos/demandes aux IPR ; assister aux 2 réunions annuelles de coordination ; communiquer toutes les infos importantes aux collègues du bassin.
MR : – Avez-vous une décharge horaire, une rétribution pour accomplir cette mission ?
Pascale : Oui, je crois qu’on a 6 HSE pour l’année depuis l’an dernier seulement et des défraiements de déplacement et de repas. Au contraire, « Nous devons nous rendre à nos frais, à trois réunions avec l’IPR. » regrette Edith. « Ce n’est pas très grave pour les gens qui sont géographiquement proches mais certains viennent d’un autre département », note aussi Amandine.
« 400€ pour l’année environ dans l’académie de Versailles mais cela risque de changer … » pronostique Edith… Laurence précise qu’il s’agit de 18 vacations pour l’année, divisées par deux en cas de binôme. Dans l’académie d’Aix-Marseille, ce sont 500€ environ qui sont alloués, d’après Amandine.
L’académie de Lyon semble avoir la palme de la rigueur ! Si Audrey peut se targuer d’avoir « reçu royalement 84 € l’an dernier », elle dit avec humour que ces temps d’abondance sont révolus ! « cela a dû grever le budget de l’Education Nationale… » Laure parle elle aussi de « bénévolat » pour l’année à venir.
Toutes en tout cas sont unanimes : pas de décharge ! Et le travail accompli, parfois lourd, se fait en plus du cadre horaire. Pendant ce temps, « le travail au CDI s’accumule lors des journées de préparation et d’animation aussi doit- on récupérer le retard. » regrette Laure.
Inscrites au Plan Académique de formation, ces journées sont suivant les académies obligatoires ou non. Mais dans tous les cas, elles « permett(ent )aux professeurs documentalistes de mutualiser leurs réflexions et leurs pratiques professionnelles »
Ces regroupements plébiscités par la profession sont une particularité dans le monde de l’enseignement. Ils répondent au sentiment de solitude des collègues. En effet, il n’existe bien souvent qu’un seul poste par collège, parfois deux en lycée ou en cité scolaire.
Audrey : nous sommes seuls dans nos CDI et c’est enrichissant d’animer un groupe de professeurs de lycées généraux, de cité scolaire et de lycées professionnels.
Suivant les académies, les bassins regroupent, ou non ,toutes sortes d’établissements, collèges et lycées, LP, et parfois les établissements du privé comme à Marseille.
MR : -Quel aspect vous semble le plus intéressant ?
Pascale : Les échanges.
Laure : ce qui me semble bien, c’est le moment d’échange « à bâtons rompus » sur ce qu’ont fait les uns et les autres. Prendre des contacts avec des intervenants, voir ensemble ce qu’ils peuvent nous proposer. Parfois, la prestation n’est pas à la hauteur de nos attentes…On ne réinvestit pas nécessairement, mais on sait que la structure existe !
MR : combien de temps cela vous occupe-t-il ?
Pascale : -Difficile de répondre, beaucoup de temps c’est sûr!
Audrey : -Ce qui est fastidieux, c’est quand on doit rappeler plusieurs fois un intervenant avant que les choses puissent se caler. Faire les comptes rendus prend du temps mais je dois dire que cela ne me déplait pas.
Edith : c’est une charge de travail assez importante. Nous sommes un groupe d’une quarantaine de personnes. C’est lourd !
MR Quelles seraient vos suggestions pour améliorer la fonction ? (financement pour des intervenants, formation à l’animation de groupe etc.)
Pascale :On arrive toujours à trouver des intervenants « gratuits » mais un budget pour les sorties serait intéressant (par ex, un budget billetterie pour se former à l’exploitation d’une sortie théâtre). Une formation à l’animation de groupe doit sûrement être instructive, on fait ça un peu à l’intuition et il y a sûrement des techniques à connaître!
Laure :Parfois, le fait de ne pas avoir de financement a empêché de faire certaines activités : pas de biennale d’art contemporain dans ce cadre-là en tout cas ! Un autre groupe a dû payer l’entrée du Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation. Sa directrice a estimé qu’une demi-journée étant proposée aux enseignants un mercredi après-midi, l’effort était suffisant…tant pis si de nombreux documentalistes travaillent dans leurs établissements le mercredi… Dans l’académie (Versailles), nous avons un tout petit budget, confie Edith : 200€ pour les sept séances autant dire que c’est symbolique !
MR En conclusion, vous rempilez ?
Laure : Non, cela fait plusieurs années et je souhaite passer la main. Mais l’expérience a été positive : j’ai pu rencontrer de nombreux collègues y compris d’autres départements. J’ai pu développer des relations plus profondes avec mes collègues et sur le plan personnel, c’était enrichissant. Non ! On le fait un temps… C’est un peu lourd pour peu de reconnaissance, déplore Audrey. Dans l’ensemble, on fait 2, 3, 4 ans et puis on demande la relève.
Le plaisir de parler « boutique », de se retrouver, de partager, la mise en commun des « coups de cœurs » de lecture témoignent de la nécessité de conserver ces groupes de bassin. La crainte de l’Administration de voir se transformer ces réunions en tribunes syndicales n’est pas toujours infondée. Plutôt que de les supprimer purement et simplement en rendant les conditions de plus en plus difficiles, mieux vaudrait écouter les lassitudes des collègues insuffisamment reconnues pour le travail effectué. Et comme dit l’adage, tout travail mérite salaire… y compris à l’Education nationale.
Mireille Roy
Pour aller plus loin :
Dans la plupart des académies, les professeurs documentalistes animent des sites, des blogs.
Quelques exemples :
Versailles
http://blog.crdp-versailles.fr/documentalistesetampes/
Lyon
http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/documentation/
Nice
http://www.ac-nice.fr/docazur/
Profdocsphere
http://profdocosphere.docpourdocs.fr/information-document[…]
Réunion
http://documentalistes.ac-reunion.fr/
Note de rentrée des IPR vie scolaire de l’académie de Dijon
http://cdi.ac-dijon.fr/IMG/pdf/noterentreecpe-doc-2014-1.pdf
Un exemple de projet documentaire académique élaboré avec la participation de professeurs coordonnateurs de bassin qui sont aussi des personnes ressources dans l’académie d’Aix-Marseille
http://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/doc[…]
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