Avec un corps de médecins scolaires vieillissant et un recrutement en berne, la santé scolaire meurt à petits feux. C’est le constat du principal syndicat de ces médecins à part, le SNMSU Unsa. Le fossé se creuse entre des textes législatifs de plus en plus ambitieux et la réalité sur le terrain. En première ligne de cette situation, les enfants des milieux populaires. « On laisse filer les inégalités en matière de santé » affirme Jocelyne Grousset, secrétaire générale du syndicat et médecin scolaire en Seine Saint Denis.
La médecine scolaire est–elle en « extinction programmée » comme l’affirme le SNMSU ? Selon le SNMSU, En 10 ans, on est passé de 2150 médecins à temps plein à seulement 1100. Et là une simple division donne une idée de l’ampleur du problème : 1100 médecins pour 12 millions d’élèves, cela fait quand même 11 000 petits patients pour chaque médecin ! On estime les seuils maximaux à 5000 enfants en zone normale et 3000 en zep. Ces moyennes cachent de fortes inégalités. Ainsi en Ille et Vilaine, un département en croissance démographique, il n’y a plus que 12 médecins pour 200 000 élèves (un pour 17 000). La moitié des postes sont vacants. Dans l’Indre c’est plus simple : il n’y a plus aucun médecin scolaire.
Malheureusement l’avenir n’est pas resplendissant car les concours ne font pas recette. Au dernier concours, 40 postes étaient proposés. 25 candidats ont été reçus mais 5 ont immédiatement démissionné. La moitié des postes n’est pas pourvue. Pour J. Grousset, cette situation tient d’abord aux salaires qui sont trop bas. De nombreux médecins scolaires sont des contractuels. Mais l’éducation nationale ne leur propose que 20 euros par heure quand d’autres structures offrent le double. Un interne en médecine gagne autant qu’un médecin scolaire. Les médecins des autres administrations bénéficient de primes importantes qui n’existent pas à l’Education nationale. Enfin beaucoup de médecins reculent devant la charge de travail croissante compte tenu du nombre de plus en plus réduit de médecins. « On élargit sans cesse notre territoire », confie J Grousset. Et on augmente aussi les missions.
Une nouvelle exigence a du mal à passer avec le certificat médical exigé pour les élèves en stage en entreprise. Les médecins doivent délivrer un certificat à tous les élèves des lycées professionnels exerçant des métiers dangereux, la formule ayant un sens très large. « Ca veut dire voir 50 élèves par jour. Ce n’est pas possible», dit J. Grousset. «Il faut aussi informer les jeunes sur les risques. Par exemple, dans le bâtiment, les LP utilisent des produits sans risques. En entreprise les jeunes vont se trouver face à des solvants toxiques qu’ils ne savent pas manipuler ». De fait les médecins sont dans l’impossibilité de faire ces fameux certificats malgré les pressions de la hiérarchie de l’éducation nationale.
Plus grave, un nombre croissant d’obligations de santé ne sont plus assumées. La loi de refondation a inscrit pour la première fois un parcours de santé dans les objectifs de l’École. «On en est très heureux», dit la secrétaire générale du Snmsu. «Mais on est dans l’impossibilité d’effectuer la visite obligatoire des enfants de 6 ans », explique-t-elle. Selon elle, seulement un enfant sur cinq en bénéficierait.
« On laisse filer les inégalités en matière de santé », affirme-t-elle. Exerçant dans le 93 elle constate l’abandon par l’Education nationale des enfants des quartiers. « Dans le 93, le bilan à 4 ans en PMI n’est plus effectué pour tous les enfants. Le bilan à 6 ans, qui relève de la médecine scolaire, est fait à 15%. Du coup les enseignants ont en primaire des enfants avec des troubles cognitifs, sensoriels ou de socialisation non diagnostiqués. Or beaucoup de ces enfants vivent dans des familles où on ne voit pas de médecin sauf aux urgences. Ces enfants là ont besoin d’un vrai accompagnement pour que leurs récupèrent la CMU et qu’ils bénéficient de soins médicaux. «La médecine scolaire sait les accompagner. Elle connait aussi les adaptations à effectuer vis-à-vis de l’école. Elle comprend les signes envoyés par les enseignants et elle sait comment les joindre et discuter avec eux. Mais nous n’avons plus les moyens de le faire ».
Les médecins scolaires expérimentent un sentiment que connaissent aussi les enseignants. Ils voient bien qu’ils sont utiles sur le terrain et recherchés. Mais ils ont le sentiment que leur institution ne s’intéresse plus à eux. Les discussions sérieuses avec le ministère sont dans l’impasse depuis 2012. Les rectorats eux ont pris l’habitude de récupérer les moyens des postes non couverts en médecine scolaire pour couvrir d’autres dépenses, jugées plus utiles…
François Jarraud
Zéro pointé au contrôle médical
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