Alors que la ministre annonce un redéploiement des moyens des établissements, la question de la « bonne » taille des établissements va faire partie des questions qu’elle devra trancher. Or deux études, une du ministère de l’éducation nationale, une autre de l’OCDE, illustrent la complexité de la décision. Quelle taille doit avoir un établissement pour procurer la meilleure éducation et les meilleures chances de réussite à un élève ? Il semble bien que le ministère veuille tourner casaque.
Avons-nous déjà oublié Catherine Faucheron ? Cette mère de famille a défendu face à François Hollande, début novembre, le petit collège de son village des Ardennes. Dans une région de faible densité, fermer un petit collège c’est condamner chaque enfant à des trajets longs pour aller à l’école. Le maintenir ouvert c’est condamner l’enfant à une offre éducative limitée. Entre les deux comment choisir ? Que dit la recherche sur la taille optimale d’un établissement au regard de la réussite des élèves ?
La norme du regroupement
La question a d’abord un sens budgétaire. Depuis les années 1980, la tendance à la rationalisation de l’offre éducative s’est imposée partout. Les justifications avancées ont souvent été pédagogiques mais en fait l’augmentation de la taille des établissements a été poussée par les exigences budgétaires. En France, alors que le nombre d’élèves a augmenté, celui des écoles primaires a diminué fortement. Pour ne prendre que les dernières années, depuis 2005 on est passé de 51 000 écoles primaires à 47 000. Le nombre d’écoles en classe unique est passé de 11 500 en 1980 à 5 600 en 2000 et 3 300 en 2013. À ce rythme elles auront bientôt totalement disparu. Il n’y a plus que 22% des écoles à n’avoir que 1 ou 2 classes. Dans le secondaire, la généralisation de l’accès au collège et la croissance démographique s’accompagnent d’une stabilité du nombre des établissements : 7 378 collèges en 1980, 7 829 en 2000, 7 843 en 2013. Seulement 1% des élèves sont scolarisés dans des collèges de moins de 100 élèves, 15% de moins de 300 élèves. 73% des élèves sont inscrits dans des collèges de 300 à 600 places. Mais si on ne compte que 3 lycées publics ayant moins de 100 élèves, c’est le cas de 191 établissements privés (18% des lycées privés). Un indice du fait que la taille des établissements est aussi un marqueur social. Le mouvement de concentration des élèves dans de plus grandes structures est mondial. Aux Etats-Unis alors que la population a augmenté de 70% entre 1940 et 1999, le nombre des établissements scolaires a diminué de 69%. En Angleterre on a fermé 127 écoles par an en moyenne dans les années 1970. Au Portugal, la grande réforme de l’éducation de 2006 s’est accompagnée de la fermeture d’un nombre important d’écoles.
La grande structure est-elle plus rentable ?
Alors que pendant des années la tendance a été à la fermeture des petites structures, deux études viennent remettre en question l’augmentation de la taille des établissements et donner raison à Mme Faucheron. L’OCDE publie une synthèse des études réalisée par Macarena Ares Ablade. En France, Cédric Afsa publie une étude pionnière sur l’efficience des collèges selon leur taille pour la Depp. L’approche des deux études est différente. L’étude OCDE est globale alors que celle de la Depp se consacre aux résultats scolaires. Mais on verra que leurs résultats se rejoignent.
Un des grands intérêts de l’OCDE c’est de remettre en question l’avantage économique des grandes structures. À priori cet avantage s’impose. Avoir une population scolaire importante permet de mieux attribuer les moyens, de faire des économies d’échelle à tous les niveaux. Mais cela a aussi un coût, rappelle l’OCDE. Coût direct en termes de frais de transports scolaires. Coûts indirects par les effets sur l’ensemble de la communauté de la fermeture d’une école. Coût aussi pour l’employeur des enseignants, ceux-ci étant plus à même d’exercer des pressions salariales quand ils sont nombreux. Aux États-Unis, où le système éducatif est très décentralisé, ce calcul fait tout de suite sens. En France, avec un système national, les avantages des uns s’opposent aux inconvénients des autres…
Quelle taille pour quelle réussite scolaire ?
L’OCDE évalue aussi les retombées éducatives du regroupement. Avoir une grande structure c’est pouvoir proposer une offre pédagogique plus variée et donc à terme pouvoir impliquer davantage les élèves dans leur éducation. Mais cet aspect positif est contrebalancé par le fait que la relation avec les enseignants est plus proche dans les petites structures. Il y a moins de désordre et de temps perdu à faire de la discipline. Finalement le taux de décrochage est moins important dans les petits établissements que dans les grands. Au final, une étude de Barry et West montre que les jeunes sortis de structures moyennes ont fait de plus longues études que ceux qui viennent de grands établissements et leur salaire est plus élevé.
En France l’étude de C. Afsa s’est proposé d’étudier également le lien entre taille des collèges et réussite scolaire. Selon elle, l’avantage donné aux gros collèges n’est qu’apparent. La meilleure réussite scolaire des élèves des grands collèges résulte aussi d’une composition sociale plus favorisée. « Les gros collèges réussissent mieux parce qu’ils scolarisent davantage d’enfants de milieux sociaux aisés », écrit-il. « Lorsqu’on place les établissements sur des bases comparables, la relation s’inverse : les petits collèges font mieux que les autres ». Et ces données sont encore plus fortes dans le privé que dans le public. Les petits collèges conviennent mieux aux élèves de familles socialement défavorisées.
En conclusion
C’est là dessus que les deux études se rejoignent. Avant de fermer le collège de Mme Faucheron, il faut se demander à qui cette fermeture profite et à qui elle va coûter. C’est la conclusion de l’étude de l’OCDE. Dans un contexte organisationnel bien différent c’est aussi celle de l’étude française. De notre coté, cette étude de la Depp bouscule une pratique pourtant bien installée. Au moment où le ministère est contraint de faire des économies, la Depp rappelle qu’elles peuvent avoir un coût social.
François Jarraud
Éducation & formations n°85
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/39/7/DEPP_EF_85_2014_362397.pdf
Étude OCDE
http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/5jxt472ddkjl.pd[…]
Sur le site du Café
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