Accident de la vie, maladie, problèmes psychologiques… Les professeurs en difficultés peuvent prétendre à des postes adaptés. Travail administratif au rectorat, dans les services gestionnaires, autrefois au CNED avant sa quasi-disparition, mais plutôt travailler dans un CDI, voilà ce que l’administration leur propose. Si la littérature professionnelle regorge de témoignages accablés de professeurs documentalistes sommés d’accueillir des collègues aux difficultés diverses, aucune tribune, aucun groupe de paroles ne permet à ces personnels en réadaptation d’exprimer leur ressenti. Nous en avons rencontré. Comment vivent-ils ce changement ?
L’objet de cet article n’est pas d’analyser les bonnes et mauvaises raisons de la méfiance voire de l’hostilité des collègues certifiés à l’égard de ceux qui ne possèdent pas le précieux sésame : le Capes de documentation. Des témoignages abondent et trouvent un écho aussi bien auprès de la FATBEN, des IRP, des syndicats. Qui imagine la reconversion immédiate, sans formation préalable d’un professeur de mathématiques en professeur de Lettres, d’un professeur d’EPS en instituteur polyvalent ? En revanche, faire le travail de « la dame du CDI » dans ces conditions, relève bien d’une méconnaissance et des représentations mentales erronées du métier de professeur documentaliste. De nombreux collègues sur postes adaptés l’ont appris à leurs dépens.
Pouvez-vous nous raconter votre première expérience au CDI ?
Pierre, professeur de sciences de la vie et de la terre : « Lorsque je suis arrivé dans l’établissement, le proviseur m’a dit : « je ne vous présente pas au reste de l’équipe car vous êtes une erreur administrative, vous ne resterez pas. ». L’erreur a tout de même perduré l’année scolaire au centre de documentation sans que le climat ne s’améliore, ni avec l’administration, ni avec la collègue qui n’avait rien demandé ! »
Pour Céline, après un contact téléphonique catastrophique, l’aide qu’elle a apportée au CDI a été plutôt bien acceptée : « on avait peur que tu sois un gros boulet » lui ont dit ses collègues pour justifier l’accueil initial. » Finalement, confie encore Céline, dès l’instant où je me cantonnais aux tâches réputées ingrates (couvrir des livres, tamponner, ranger…), les relations sont devenues cordiales »
A la suite d’une mauvaise chute et de plusieurs opérations, Mathilde ne peut plus exercer le métier qu’elle a choisi et qui la passionne, professeure d’EPS. Le travail en équipe, elle connait ; le contact avec les élèves, elle aime cela et pense avoir trouvé l’exutoire. « Encore un cas lourd ? Questionne le titulaire du poste. L’année a été jalonnée de vexations, de petites mesquineries. « Jamais je ne me suis sentie autant méprisée ; j’étais à peine bonne à couvrir des livres, avoue Mathilde. Hors de question pour moi de prétendre animer une séquence pédagogique. Pourtant, la pédagogie en EPS, on y travaille beaucoup.» renchérit-elle.
Sonia a saisi l’opportunité du poste adapté et de la possibilité pour elle de reprendre une formation. Professeure de Lettres quelques années, ses ennuis de santé reprenant et sentant que cela n’est pas là sa vocation, elle décide de parfaire ses compétences en matière d’informatique et de communication en suivant les cours de l’ENSSIB (école nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques). Munie de cette solide formation, elle pensait avoir gagné ses lettres de noblesses en étant affectée en CDI. « Ah, oui ! Mais quid du CAPES que je ne souhaitais pas passer ? « Je ne te formerai pas, décide la professeure titulaire. » Bien d’autres collègues ont témoigné de leur malaise, du manque de considération, de la place qu’il a fallu trouver. Au bout de quatre ans, allant de CDI en CDI, Valérie a trouvé la sienne puisqu’elle est aujourd’hui « faisant fonction » de documentaliste, au terme d’affectations « en surnombre », l’Education Nationale n’étant jamais à court de termes poétiques et imagés…
Faut-il en conclure pour autant à l’échec de ce dispositif ? Certes, non, puisque quelques témoignages ne font pas des statistiques. On peut justement s’interroger sur l’absence d’évaluation au niveau académique et national du placement en centre de documentation et d’information. On peut toutefois relever qu’aucune des personnes interrogées n’a souhaité apparaître en photo ni figurer sous son vrai prénom : peur d’être encore plus stigmatisé, peur aussi de l’administration. « Je n’ai pas envie d’être le vilain petit canard insatisfaite de son sort », déplore Sonia.
L’absence de lettre de mission remise à jour pour les professeurs documentalistes, l’évolution d’un métier qui se cherche encore, l’inquiétude qui entoure la création des Centres de connaissances et de culture (3C) et les Learning centres , tous ces facteurs et d’autres encore ne favorisent pas l’intégration de personnels aux missions encore plus floues. L’instauration de fiches de poste permettrait sans doute dans un premier temps, de clarifier ces emplois. La possibilité d’une formation sur le temps de travail pour préparer le CAPES voire d’entamer une reconnaissance de validation des acquis en fonction des parcours initiaux légitimerait probablement la présence de ceux qui retrouvent un second souffle professionnel au sein des CDI. En tout cas, le chantier de la reconversion des personnels enseignants est ouvert ….
Mireille Roy
En savoir plus :
Témoignages
http://www.fadben-lyon.fr/accueil/courrier-academique-fa[…]
Centre de réadaptation
http://ac-versailles.fr/public/jcms/p1_192598/centre-n[…]
Circulaire sur l’adaptation au poste de travail
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/20/MENH0701214C.htm
Comment l’éducation nationale recycle ses professeurs
http://cafepedagogique.studio-thil.com/LEXPRESSO/Pages/2014/10/14102014Article635[…]
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